Joyeux
Noël !
Le Verbe, lumière et vie des hommes
Jean
1, 1-18
Autres lectures : Isaïe
52, 7-10; Psaume
97 (98); Hébreux
1, 1-6
Comme chacun le sait, la date du 25 décembre pour fêter
la naissance de Jésus a été choisie non pas
en fonction d'un souvenir historique mais d'un phénomène
naturel, le solstice d'hiver. La fête chrétienne en
remplace une autre, païenne, du Soleil Invaincu. La liturgie
propose de célébrer Jésus lumière pour
le monde. Cet accent est particulièrement sensible à
la messe du jour de Noël, dont nous allons commenter les textes.
Au commencement était le Verbe
(v 1)
Le Lectionnaire a gardé
cette traduction, depuis longtemps classique. Même si elle
est rigoureusement exacte, il faut admettre qu'elle est difficilement
compréhensible pour un francophone moyen. Pourtant elle ne
comporte aucun mot étrange ou difficile
mais ces mots
familiers ne signifient pas ce qu'ils paraissent. Le commencement
n'est pas le début de quelque chose mais une réalité
au-delà du temps et de l'espace, hors de l'histoire, dans
le monde de Dieu. Faute d'un mot plus adéquat, il faut bien
recourir à un vocabulaire relié au temps. Le choix
de ce terme évoque le récit de la création
: Au commencement, Dieu créa
(cf. Gn 1, 1) de
même que le discours de la Sagesse : Yahvé m'a créé,
prémices de son uvre ,avant ses uvres les plus
anciennes. Dès l'éternité, je fus établie,
dès le principe, avant l'origine de la terre (Pr 8, 22-23).
Le Verbe est un autre mot
déroutant. Dans l'usage courant, il s'agit d'un terme de
grammaire exprimant l'état ou l'action du sujet. Dans le
vocabulaire chrétien, il désigne la Parole de Dieu
en tant qu'être personnel. L'être de Dieu et son action
s'expriment à travers sa Parole qui produit toujours son
effet. Elle est donc créatrice; lorsque Dieu parle, il appelle
à l'existence: Dieu dit: que la lumière soit et
la lumière fut (Gn 1, 3; voir aussi : Is 55, 10-11).
Toujours, Dieu est, et toujours, son Verbe, sa Parole existe
et crée (v. 3).
La vie était la lumière
des hommes (v. 4)
Le lien entre le Verbe et la lumière
est établi par le thème de la vie. Le Verbe est source
de vie (v. 4) et la vie est lumière. Dans toutes les civilisations,
la mort est associée à la nuit, aux ténèbres,
alors que la vie correspond au jour, à la clarté (voir,
par exemple : Lc 1, 78-79 : L'astre d'en haut nous a visités
pour illuminer ceux qui demeurent dans les ténèbres
et l'ombre de la mort : cf. aussi : Mt 4, 16). Dans le langage
de Jean, la lumière est associée au monde de Dieu,
elle signifie le salut (cf. Jn 12, 35-36) et Jésus lui-même
se présente comme la vraie lumière, source de la vraie
vie : Je suis la lumière du monde, celui qui me suit
aura la lumière de la vie (Jn 8, 12; cf. aussi : Jn 12,46).
Rappelons aussi que la lumière est la première création
de Dieu (cf. Gn 1,3, texte cité plus haut). Le Verbe, en
tant que lumière, vient dans le monde créé
pour que l'humanité puisse trouver le chemin vers Dieu, donc
vers la vie en plénitude.
Saint Jean précise que le monde,
en tant que lié aux ténèbres, donc aux forces
du mal, refuse d'accueillir la vraie lumière : Le monde
ne l'a pas reconnu. Il est venu chez les siens et les siens ne l'ont
pas reçu (vv. 10-11). On peut penser, bien sûr,
au thème mythique du combat éternel de la lumière
et des ténèbres. Ce mythe universel fournit sans doute
les images et le vocabulaire utilisés par l'évangéliste.
Mais son horizon se situe bien plutôt sur le plan historique.
Il a en vue la situation très concrète de Jésus,
rejeté et mis à mort par ses concitoyens. Cette insertion
dans l'histoire bien réelle s'établit par le personnage
de Jean le Baptiste (vv.
6-8.15). Nous ne sommes pas dans un monde imaginaire mais dans
la Judée et la Galilée romaines, au temps des successeurs
d'Hérode le Grand.
Le Verbe s'est fait chair et il a habité
parmi nous (v. 14)
Voilà l'affirmation centrale du Prologue
et, d'une certaine manière, de tout l'évangile de
Jean. Le Verbe, la Parole éternelle de Dieu, devient chair
c'est-à-dire s'inscrit dans l'histoire en prenant totalement
la nature humaine avec ses faiblesses et ses pauvretés. Il
ne s'agit pas d'une apparence, d'une sorte de déguisement
que le Verbe aurait endossé pour se faire voir parmi les
humains, comme le pensaient les membres de certains groupes : Tout
esprit qui confesse Jésus Christ venu dans la chair est de
Dieu; et tout esprit qui ne confesse pas Jésus n'est pas
de Dieu; c'est là l'esprit de l'Antichrist (1 Jn 4,2-3).
La venue du Verbe dans la chair transforme
radicalement la condition humaine tout entière. Puisque le
Fils de Dieu est devenu homme, les êtres humains, par la foi,
peuvent devenir enfants de Dieu : Mais tous ceux qui l'ont reçu,
ceux qui croient en son nom, il leur a donné de pouvoir devenir
enfants de Dieu (v. 12).
Dieu, personne ne l'a jamais vu
(v. 18)
Moïse avait dit à Yahvé
: Fais-moi, de grâce, voir ta gloire (Ex 33,18) et
Yahvé lui répondit : Tu ne peux pas voir ma face,
car l'homme ne peut me voir et vivre (Ex 33, 20). Cette conviction
traverse tout l'Ancien Testament (bien qu'il existe aussi des traditions
différentes; voir, par exemple : Ex
24, 11; Is
6, 1). La rencontre directe avec Dieu dépasse infiniment
les limites de l'être humain et ne peut se réalises
dans le cadre de l'existence terrestre. Mais si Dieu lui-même
vient habiter l'humanité, dans la personne de son Fils unique,
alors la distance qui le séparait des humains est abolie.
Le Fils est la face visible de Dieu et toute sa mission consiste
à le faire connaître. À la fin de sa vie Jésus
pourra dire : Qui m'a vu a vu le Père (Jn 14, 9).
Il nous a parlé par un fils (He
1,2)
Le Fils est le dernier mot du Père.
Telle est la conviction de l'auteur de l'Épître aux
Hébreux, exprimée dans ce préambule majestueux,
qui présente de nombreuses ressemblances avec celui de l'évangile
de Jean. L'évangile s'exprime ainsi : Le Verbe était
auprès de Dieu et le Verbe était Dieu (
) par
lui tout s'est fait (vv. 1.3); dans l'Épître aux
Hébreux nous trouvons : Par lui ( le Fils) il a créé
les mondes. Reflet resplendissant de la gloire du Père, expression
parfaite de son être
(vv. 2-3). Celui que l'évangile
nomme l'unique engendré (v. 18), l'épître
l'appelle le Fils (vv. 2.5) et le premier-né
(v. 6). Ce qui distingue plus nettement la pensée de l'épître
est la perspective sacrificielle qui occupe une place centrale dans
la suite et qui est déjà annoncée ici (cf.
v. 3). Parce qu'il a accompli une fois pour toutes (cf. He
7, 27; 9, 12; 10, 10) la réconciliation entre l'humanité
et Dieu, le Fils est la révélation complète
et définitive du mystère du salut.
Comme il est beau de voir courir
le messager de la bonne nouvelle (Is 52,7)
Le messager de la bonne nouvelle
est appelé, dans le texte grec du livre d'Isaïe, évangéliste.
Le message qu'il est chargé de transmettre concerne d'abord
le retour du Seigneur à Sion, c'est-à-dire à
Jérusalem. Le temps de l'exil est terminé et Dieu
revient habiter avec son peuple sur la terre promise. Cet événement
historique permet à Israël de prendre conscience du
fait que son Dieu, qui avait paru impuissant et vaincu lors de la
conquête par les Babyloniens, est malgré tout le plus
fort; c'est lui qui est roi (cf. v. 7). Cette bonne nouvelle annonce
aussi d'autres interventions de salut que Dieu accomplira jusqu'à
l'avènement de son Règne. Un jour, toutes les nations
seront atteintes par le projet de Dieu : Et, d'un bout à
l'autre de la terre, elles verront le salut de notre Dieu (v.
10). En Jésus, le Fils unique, se réalise pleinement
cette espérance de salut universel.
Jérôme Longtin, bibliste
Diocèse Saint-Jean-Longueuil
Source: Le Feuillet biblique,
no 2037. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre
biblique de Montréal.
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