L'amour
en héritage
L'image de la vigne et des branches Jean
15, 9-17
Autres lectures : Actes
10, 25-26.34-35.44-48; Psaume
97(98); 1
Jean 4, 7-10
Entendu à la télévision un peu avant la
mort de Jean-Paul II : lanimateur demande aux participants
dune table ronde : « Quest-ce qui retient
lattention lorsquil est question de la religion chrétienne
catholique? » Les réponses se suivent presque
dans lordre : « Les guerres de religions,
lInquisition, la morale sexuelle, lamour et le pardon ».
Lamour et le pardon
Javoue que cette dernière réponse
ma réconfortée. Comme chaque panéliste
devait justifier son choix, le dernier à parler la
fait en sappuyant sur ces vies entièrement données
aux pauvres de ce monde et le pardon donné à lennemi
et cela au nom de Jésus. Des noms célèbres
dont ceux de labbé Pierre, de Mère Teresa, de
sur Emmanuelle, du cardinal Paul-Émile Léger,
de Jean-Paul II ont été apportés en preuve.
Puis sont venus sajouter des noms de missionnaires, inconnus
du public, mais dont la vie fut et est encore entièrement
consacrée aux exclus de ce monde. Lamour fidélise
les gens qui travaillent en son nom.
Des leçons duniversalisme
Les trois lectures de ce dimanche nous parlent
abondamment duniversalisme et damour inconditionnel
envers nos semblables. Notre fragilité humaine, cest
bien connu, rend souvent effectif le vieux penchant égoïste
du « Moi dabord, les autres ensuite ». Ainsi
le peuple dIsraël était un peuple exceptionnellement
solidaire et partant, replié sur lui. Mais il lui a fallu
sortir de lui-même pour un jour sintéresser aux
autres nations. Cest lévangile de Jésus
qui a fait de lamour universel la base même de notre
religion.
Linvitation aux païens
Au moment où se pose le problème
de laccession des païens à la foi chrétienne,
les premiers disciples hésitent. Pierre tranche le litige.
Pourtant, le chef des apôtres était Juif et fortement
attaché à la Loi ancienne, mais il ne craint pas dadmettre,
comme chrétiens à part entière, des gens qui
ne sont pas issus du judaïsme (Actes
10, 34-35)et qui, de ce fait, ne peuvent se soumettre aux prescriptions
légales exigées de ses adeptes. Louverture desprit
de lapôtre est encore un modèle pour nous et
cela après plus de 2000 ans!
Le Christ, vie de ses fidèles
Nous sommes appelés comme baptisés,
à nous rassembler, dans lamour, autour du Christ notre
unique chef et modèle : Dieu a envoyé son
Fils unique dans le monde pour que nous vivions par lui (1 Jn
4, 9). Jean, dans la lettre adressée à des chrétiens
dAsie mineure, communautés aux prises avec des divisions,
répond à trois questions fondamentales : Quest-ce
que Dieu? Dieu est amour (v.
8). Quest-ce que le salut? Cest lamour de
Dieu manifesté à ses enfants (v.
7). Quest-ce que la religion? Elle est lacceptation
du lien qui nous unit au Christ (v.
9). Son but visait à ramener cette Église aux
valeurs essentielles qui fondent le christianisme.
Lamour comme un refrain
Lévangile de Jean
est une hymne à lamour : celui de Dieu, des autres
et de nous-mêmes. Si lamour na pas cette triple
dimension en nos vies, elle ne peut faire de nous des disciples
du Seigneur. Cest là loriginalité du message
de Jésus. Lorsque ce dernier séloigne du légalisme
et relativise les préceptes réducteurs de liberté,
cest pour mieux tracer le profil du chrétien, un profil
damoureux. La personne en amour rayonne, elle est sensible
aux désirs de lêtre aimé, elle est attentive
à ses moindres gestes. Elle devine plus quelle nexige.
Non pas serviteurs mais amis
Une belle manière dexpliquer
aux siens que le temps de lesclavage est bel et bien terminé,
cest lorsque Jésus leur annonce que désormais,
il ne les appellera plus serviteurs mais amis (Jn
15, 15). Le serviteur ne sait rien ou presque de celui quil
sert, si ce nest ses besoins matériels. Mais lami
partage les secrets de lami. Il connaît son cur,
il sait les besoins de son âme. Notre religion, malgré
les erreurs inscrites dans son douloureux passé, nest
pas une religion de salariés, de contractuels. Elle en est
une de gratuité et de liberté. Elle nous rend partenaires
de Dieu.
Linaccessible perfection
Je devance les objections en disant
tout de suite que ce nest pas toujours ce qui se vit en chrétienté.
Soyons vrais : notre façon daimer est marquée
par des déviances, des mesquineries, des étroitesses.
Pourquoi? Parce que notre cur est souvent un cur blessé
mais surtout un cur non guéri. Un cur avec des
cicatrices risque dêtre un cur qui se souvient
et qui conserve les leçons des anciennes blessures. Mais
un cur qui saigne ne pense quà panser ses meurtrissures.
Guérissons dabord, et nous pourrons mieux aimer ensuite.
Un arbre et un sol à vérifier
Si nous voulons savoir si les enseignements
de Jésus portent des fruits durables en nos vies (Jn
15, 16), regardons ce que deviennent ceux et celles à
qui on les offre. Si mon amour fraternel, parental, amical rend
heureuse et épanouie la personne qui en est la récipiendaire,
cest que mon arbre de vie est greffé sur le Christ.
Si, au contraire, lautre est victime de mon amour et étouffe
ou encore sil est esclave de mes exigences, alors je dois
vérifier ma terre intérieure. Quelque chose lempoisonne.
Un microbe la mine à mon insu.
Rappelons-nous ces vérités
indémodables : Quand on aime, le salaire prend le nom
de justice; les reproches sont occasions de croissance; et les fautes
sont écrites sur le sable.
Celui qui a découvert à quel
point il était aimé, jusque dans le péché,
ne peut plus que demeurer dans cet amour et le rayonner parmi ses
frères. Il devient source damour et de pardon pour
tous; source de joie aussi et dallégresse pour toujours.
(André Louf, Heureuse faiblesse).
Ghislaine Salvail, SJSH, bibliste
Diocèse de Saint-Hyacinthe
Source: Le Feuillet biblique,
no 2058. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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