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la gloire du Maître
La demande de Jacques et de Jean Marc
10, 35-45
Autres lectures : Isaïe
53, 10-11; Psaume
32(33); Hébreux
4, 4-16
Dans Marc 10, 35-45, les disciples Jacques et Jean présentent
une demande à Jésus : siéger avec lui dans
la gloire. Le Maître en profite pour donner un enseignement
aux autres disciples qui se montrent indignés. Le contenu
et la dynamique du dialogue permettent de comprendre comment le
Maître rejoint les disciples dans les détours de leurs
demandes et de leurs aspirations les plus folles, pour les ouvrir
à la beauté inespérée du dessein de
Dieu.
La demande
Léchange entre Jésus
et les deux frères Jacques et Jean, nous place, dentrée
de jeu, en présence de la requête de ces derniers.
Pour mieux comprendre cette demande il faut la mettre en lien avec
lensemble de la péricope. Marc situe cette requête
sur le chemin qui mène à Jérusalem, après
que Jésus eut fait l'annonce de sa passion. Dans ce contexte,
les deux disciples comme d'ailleurs les dix autres, espèrent
assister à la consécration ultime de Jésus
comme roi d'Israël. Ils espèrent la révélation
de Jésus comme Messie, comme celui qui jetterait les Romains
hors de Terre sainte (Luc
24, 21), pour établir le Royaume longtemps désiré
par l'ensemble du peuple. La demande manifeste leur désir
de participer au mouvement « Jésus ».
Dans ce royaume terrestre qui, pensent-ils, sera instauré
par leur Maître-Messie, ils veulent partager sa gloire, avoir
une place privilégiée dans son entourage. Or, ceci
est loin de ce que Jésus va leur faire vivre, en lien avec
le règne définitif de Dieu. Aussi va-t-Il, au cours
du dialogue quIl engage avec eux, les accoucher à la
vérité du mystère de sa gloire, en les aidant
à cerner le non-sens de leur demande et en leur faisant
comprendre le signe de l'espérance nouvelle qu'Il veut incarner
dans sa passion et dans sa mort.
Le non-sens de la demande
Depuis Socrate et lAntiquité grecque,
la philosophie connaît la maïeutique qui consiste à
amener les interlocuteurs à accoucher la vérité,
en suscitant, par le dialogue, la mise en forme des pensées
confuses. En matière daccouchement à la vérité,
il faut dire que Jésus est un Maître à part !
Dans le texte, léchange quIl a avec les disciples
aboutit, aux détours du chemin, à des questions les
obligeant à travailler sur eux-mêmes et à évoluer
dans la connaissance de leurs aspirations. Les interventions de
Jésus (versets
36, 38, 39, etc.) ont une portée pédagogique importante;
elles aident à comprendre que tout commence par la verbalisation
et la connaissance de ses besoins pour savoir qui consulter pour
y répondre. Connaissance de ses limites pour savoir comment
vivre avec ! Connaissance de ses aspirations et de ses désirs
pour explorer les voies par lesquelles passer pour arriver à
ses fins. Connaissance de ses compétences, ses attitudes,
ses motivations et ses engagements pour mieux percevoir les unes
et y travailler, en plus dentretenir les autres et de
les utiliser à bon escient. Les questions adressées
par Jésus aux deux frères et à tout disciple,
invitent à ce travail important ; travail sur soi et
sur ses désirs pour les purifier. Elles invitent à
préciser les intentions pour en ressortir la beauté
et léclat, sinon en démontrer le non-sens. Dans
le cas de la demande de Jean et Jacques, ce qui est mis à
nu, cest une incompréhension, un non-sens qui se dégage
de leur propos et qui amène le commentaire du Maître
: Vous ne savez pas ce que vous demandez
La portée de la demande
Jésus poursuit le dialogue avec ses
disciples, en utilisant des expressions -boire à la coupe
et recevoir le baptême- qui senracinent dans la culture
biblique et sémitique et font référence au
sacrifice de la vie de Jésus. Boire à la coupe évoque
plusieurs réalités dont celle de la communion, de
la bénédiction divine (Psaume
23, 5) et du jugement (Isaïe
51, 17). Employée en référence avec Jésus,
cette expression évoque les rites de lancienne alliance,
en les portant à la plénitude de leur sens :
le sang de Jésus contenu dans la coupe de la nouvelle alliance
est celui qui sera versé pour le pardon des péchés.
Le baptême reçu par Jésus est celui de limmersion
dans lépreuve de la passion et de la mort, en obéissance
au Père, pour le salut des humains. Selon Marc
8, 38 ; 13,
26 et le sens des expressions boire à la coupe et recevoir
le baptême, il apparaît que pour entrer dans le règne
de gloire, le seul chemin est celui du service et de la fidélité
totale à la volonté de Dieu. Cest le chemin
que Jésus a emprunté dans le don de sa propre vie ;
celui que tout disciple est appelé à prendre à
la suite du Maître.
Le chemin du disciple
Lévangéliste Marc écrit
à une communauté chrétienne fraîchement
frappée par la mort de lapôtre Jacques, environ
30 ans après lévénement de la mort-résurrection
de Jésus. La mort de lapôtre a permis de comprendre
la portée de la parole du Maître et son impact sur
la vie et la mission de tout disciple. Par son martyre, Jacques
est allé jusquau bout de son attachement au Maître :
il a souffert et donné sa vie à cause de sa foi en
Jésus, comme une participation à sa passion. Ainsi,
la parole de Jésus reste actuelle : la préoccupation
des disciples ne doit pas consister à siéger à
la gauche ou à la droite du Maître, mais de sassocier
à Son expérience, de boire à Sa coupe et de
recevoir Son baptême, de placer leur vie sous le signe du
service, dans une disponibilité totale à légard
des autres.
Le leadership du disciple
Dans son évolution à travers les
âges et le temps, lÉglise a connu, connaît
et connaîtra diverses transformations, qui obligent les communautés
à reformuler leur mission et leurs structures. Dans ce contexte,
le contenu de Marc
10, 35-45 offre des pistes intéressantes. Au plan de
lexercice du leadership, la promesse qui soffre à
chacun dentre nous est celle de tourner les yeux vers le Maître,
pour nous mettre au service de son Corps. Nous sommes appelés
à éveiller lesprit de tout baptisé à
limprévisible dessein de Dieu ; non pas pour garantir
le partage de la gloire du Ressuscité mais pour oser
suivre le chemin qui donne sens à la vie. À la suite
de Jésus, la mission du baptisé nest pas de
rechercher ses propres intérêts ; elle est de
travailler au bien de la communauté.
Surprises contrôlées
Notre société se caractérise
à tous les échelons par la recherche de la sécurité
: publique, sanitaire, financière, sociale, affective, etc.
Pour y parvenir, il faut exiger un contrôle sur son environnement
et sur les autres. Ne retrouve-t-on pas un peu le même phénomène
dans la vie de lÉglise? Tout le monde aime les surprises
à la condition de ne pas voir le contrôle lui échapper.
Par exemple, la nomination dun nouveau responsable paroissial,
la mise en place dune nouvelle administration, dun nouveau
projet ou dun nouveau leadership pastoral, etc. provoque à
coup sûr de la résistance; on se met sur la défensive
pour se protéger contre linconnu qui peut nous surprendre.
Il est ainsi normal dentendre différents sons de cloches
qui répètent : « jai hâte
de voir celui quon nous enverra » ou « jespère
que la nouvelle recrue ne va pas jeter à terre tout ce que
nous avons mis du temps à bâtir au plan pastoral »
ou encore: « Jespère être son bras
droit », etc. Nest-ce pas là une attitude
semblable à celle de Jacques et Jean ? Aujourdhui,
comme au temps des frères Zébédée, le
Maître-Serviteur-rançonné aurait de bonnes raisons
de nous faire comprendre la gravité du moment ecclésial ;
de nous appeler et nous dire :
parmi vous, il ne
doit pas en être ainsi
.
En conclusion
Lexercice du leadership dans la communauté
chrétienne est ouvert à tous. Les ambitions aussi
sont permises. Le Seigneur ne limite pas nos aspirations et nos
désirs. Il les raffine et leur donne de la consistance ;
il nous en donne une compréhension plus ajustée à
lesprit du Royaume et nous offre de les vivre à sa
manière, dans un esprit de service. Vues sous cet angle,
nos communautés chrétiennes déborderaient de
chefs ou de leaders selon le cur de Jésus et verraient
des Jean et Jacques repentants suivre le Christ jusque dans le martyre.
Ainsi, Jésus, le Serviteur souffrant (Isaïe
53, 10-11 et Hébreux
4, 14-16), serait encore et toujours le Maître qui accouche
les uns et les autres à lesprit du Royaume.
Source: Le Feuillet biblique,
no 2071. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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biblique de Montréal.
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