À
quelle enseigne se loge notre fierté?
L'appel du riche Marc
10, 17-30
Autres lectures : Sagesse
7, 7-11; Psaume
89(90); Hébreux
4, 12-13
La question de lhomme riche traduit à sa façon
la quête spirituelle de lhumanité. Bon Maître,
que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle?
(Marc 10,17). Immortalité, dépassement
des limites de la condition humaine, aspiration aux privilèges
de la divinité, sortie définitive du perpétuel
cycle de la nature, bris radical de la banalité du quotidien
lhumanité a soif dune vie autre que celle quil
nous est donné de vivre. Les humains sont ces drôles
danimaux qui veulent devenir autres et plus que leur simple
bagage génétique. Ce désir est incrusté
au plus profond de notre âme, comme une cicatrice ineffaçable
de la rencontre originelle avec Dieu. Limportant passage de
lÉvangile de ce dimanche aborde une inquiétude
universelle.
Un homme et ses richesses
Lhomme qui questionne Jésus
à ce sujet est un Juif pieux qui réussit assez bien
dans la vie. Dans la version de Matthieu (19,16-22),
il sagit dun jeune homme; dans celle de Luc (18,
18-23), cest un chef ou un notable. La version de Marc
ne le précise pas : il sagit de « quelquun
» qui, comme nous, est à la recherche du vrai bonheur.
Cest seulement vers la fin du récit que nous apprenons
son aisance financière. Cest dire que la question quil
porte, cest notre question à nous tous, peu importe
notre situation économique ou notre condition sociale.
Avant dêtre riche de
son avoir, lhomme qui questionne Jésus est riche de
son savoir. Sil appelle Jésus Bon Maître, cest
quil perçoit le Christ dabord et avant tout comme
un savant, comme un enseignant auprès duquel il pourrait
apprendre davantage. Lhomme en question connaît les
commandements transmis par la Loi de Moïse, mais il demeure
insatisfait. Il voudrait en savoir plus. Sans doute se considère-t-il
comme un « Bon Disciple »
L'homme riche et son inquiétude
Lhomme qui questionne Jésus
est ensuite riche de son devoir accompli. En effet, il se vante
davoir observé tous les commandements depuis sa jeunesse.
Cet homme, il est « bon » daprès les standards
de la Loi juive. Cela veut dire quil ne sest pas enrichi
de façon malhonnête; il doit sa fortune à son
effort personnel ou à une bonne étoile. Il dit avoir
toujours fait ce quil devait. Peut-être considère-t-il
que son succès soit la juste récompense de Dieu pour
sa bonté? Pourtant, il demeure inquiet de son sort. Il voudrait
se rassurer en faisant approuver sa conduite par un maître
comme Jésus. Déjà au point de départ,
Jésus ne se fait pas très rassurant lorsquil
réserve le qualificatif de « bon » à Dieu
seul. Personne nest « bon » devant Dieu! Cela
élimine le droit humain à la récompense et
ouvre la porte à la grâce souveraine de Dieu. Lhomme
pieux na quà bien se tenir
Jésus ne condamne pas lhomme
riche. Il ne fait que répondre à son inquiétude
avec audace et sagesse à la fois. Marc nous dit même
que Jésus éprouve une certaine tendresse à
son égard, peut-être à cause de sa naïveté.
On ne marchande pas son salut auprès de Dieu à coup
de bonnes uvres
! Jésus reflète à
lhomme pieux ce qui lui manque : la confiance et labandon
à la bonté de Dieu. Une seule chose te manque :
va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres et tu auras un
trésor dans le ciel; puis viens et suis-moi (Marc
10,21). En dautres mots : arrête de tappuyer
uniquement sur ton savoir, sur ton devoir, sur ton avoir; fais confiance
au pouvoir du Bon Dieu.
L'homme riche et sa pauvreté
Cest à ce moment que lhomme
riche et pieux révèle sa pauvreté et son manque
de foi. Il ne veut pas suivre Jésus parce quil ne croit
pas en ce que Dieu peut faire pour lui gratuitement. Il se retire
assombri et triste, car il avait de grands biens (Marc
10,22). Ce nest pas à tout le monde que Jésus
adresse linvitation de le suivre de proche. Lhomme en
question a manqué loccasion de se joindre aux apôtres!
Serait-ce par égoïsme, ou encore par matérialisme?
Ce serait étonnant, compte tenu de sa quête spirituelle.
Lhomme riche na pas manqué de charité.
Sil respectait les commandements et autres préceptes
de piété juive, il devait sûrement faire laumône
généreusement. Lhomme riche et pieux a eu peur
de se départir à la fois de son savoir, de son devoir
et de son avoir. Il tenait absolument à son statut et à
son pouvoir dhomme juste en Israël, par lesquels il aurait
dû obtenir la vie éternelle. Il ne voulait pas du nouvel
Israël de Jésus, où les derniers seraient premiers
par la grâce souveraine du Bon Dieu.
L'abandon de la foi
Le défi de suivre le Christ nest
pas simplement de choisir le bien plutôt que le mal. Le défi
de devenir un authentique disciple de Jésus est de rejeter
linjustice de ce monde qui se croit juste et de croire dans
un nouvel ordre où les besoins humains sont comblés
bien au-delà de la question du mérite personnel. Cela
implique le détachement et lhumilité de celui
ou de celle qui croit en un Dieu « Bon » pour tous,
en toute circonstance. À la vieille inquiétude de
lhumanité quant à son sort ultime, Jésus
répond par un abandon total à la miséricorde
du Créateur. Et cet abandon est déjà une libération
de lesclavage de nos richesses : du savoir, du devoir,
du pouvoir et de lavoir terrestres. Cet abandon est un véritable
don de la foi; et il est à notre portée. La foi nattend
que notre bon vouloir pour nous sauver de nous-mêmes, de notre
indomptable fierté dhommes riches et pieux.
La sagesse libératrice
(Sagesse 7, 7-11)
Comme il fallait sy attendre, le livre
de la Sagesse vente les mérites de lintelligence.
La sagesse préférée aux trônes et
aux sceptres (7,8) nest pas somme toute un savoir, comme
celui de lhomme riche et pieux de lévangile.
La sagesse est une attitude de la volonté, qui préfère
ce qui fait grandir la liberté de la personne à ce
qui la rend esclave des éléments du monde. Si lhomme
riche de lévangile avait été sage, il
se serait détaché de son savoir, de son devoir, de
son avoir et de son pouvoir et il aurait suivi Jésus, confiant
dans la miséricorde de Dieu.
La Parole à double tranchant
(Hébreux 4, 12-13)
Ce passage de la Lettre aux Hébreux
offre une merveilleuse piste de discernement de ce qui est véritablement
Parole de Dieu dans nos vies. Est Parole divine celle qui pénètre
au plus profond de lâme (4,12), celle qui dévoile
les pensées du cur (4,12) et celle qui met au
grand jour nos choix de vie en nous dévoilant nos peurs et
nos richesses.
Source: Le Feuillet biblique,
no 2070. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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biblique de Montréal.
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