Vivre
en frères et surs du Christ
Mariage et divorce Marc
10, 2-16
Autres lectures : Genèse
2, 18-24; Psaume
127(128); Hébreux
2, 9-11
Tout le monde fait partie dune famille; même si tout
le monde nest pas époux ou épouse, père
ou mère, tout le monde est fils ou fille de quelquun.
Cette donnée fait partie des expériences fondamentales
de lhumanité. Et, de quelque côté quon
se tourne, le vocabulaire chrétien nous ramène toujours
au modèle familial : Dieu est Père, Jésus
est le Fils; en lui, nous sommes tous frères et surs
(cf. Hébreux
2,11). Être chrétien, cest faire partie dune
famille, celle de Dieu.
Tous deux ne feront plus quun (Mc
10, 8)
La discussion entre Jésus et les
Pharisiens prend lallure dun concours de connaissances
bibliques; cest à qui pourrait trouver la citation
qui va mettre ladversaire hors-jeu. Pourtant le propos de
Jésus ne vise pas à emporter la discussion à
tout prix mais à situer la question dans une perspective
plus large, celle du projet de Dieu tel que révélé
dans son uvre de création. Les catégories de
permis et de défendu ne suffisent pas à
rendre compte de ce dont Dieu rêve pour lhumanité.
Jésus se fait linterprète non seulement des
prescriptions particulières de la Loi de Moïse mais
de la volonté de Dieu : que lhomme sattache
à sa femme et forme, avec elle, une seule chair (v.
8; N.B. la traduction liturgique tous deux ne feront plus quun
ne rend pas exactement les nuances du texte grec); non pas un seul
être, puisque les deux demeurent des personnes autonomes,
mais, ensemble, ils forment une réalité nouvelle,
un couple. Il ne sagit pas là dune convention
sociale ni dun simple arrangement administratif; la réalité
du couple humain senracine dans la volonté de Dieu
lui-même. Avant lAlliance avec Moïse, avant celle
avec Noé, Dieu en établit une avec lhumanité
(même si le vocabulaire caractéristique nest
pas présent); lunion de lhomme et de la femme
devient le signe privilégié du partenariat de Dieu
avec sa création. Briser ce lien porte atteinte au projet
de Dieu.
En raison de votre endurcissement
(Mc 10,5)
Les Pharisiens aussi sappuient sur
un passage de la Loi : Deutéronome
24,1-4. En fait ni ce passage ni aucun autre dans lAncien
Testament nautorise explicitement le divorce. La législation
en question suppose ce droit de la part du mari et veut réglementer
une situation très particulière : le remariage
de deux ex-époux alors que la femme aurait été,
entre temps, lépouse dun autre.
Jésus affirme que cette dérogation
(la possibilité pour le mari de renvoyer sa femme) a été
accordée à cause de lendurcissement (du cur)
de ses interlocuteurs. Dans lAncien Testament ce mot désigne
lobstination dans le péché, une sorte de refus
chronique des exigences de lAlliance (cf. Dt
10,16; Jr
4,4; Éz
3,7; Si
3,26-27; 16,9-10).
Il ne sagit donc pas de quelque chose de secondaire ou de
banal. Selon Jésus la Loi de Moïse tolérait le
divorce, non parce quil était permis, mais comme un
moindre mal.
Il est significatif que les mots relatifs
à ladultère soient devenus, dans le langage
biblique, synonymes dinfidélité religieuse (voir,
par exemple : Mt
12, 39; 16,4;
Mc
8,38; Jc
4,4). Lorsque les disciples interrogent Jésus (Marc
10,10), sa réponse se situe dans cette perspective. Le
remariage après divorce porte atteinte aux droits de Dieu
puisquil remet en question lAlliance. Il ne sagit
pas seulement de la transgression dune loi mais dune
infidélité au projet de Dieu tel que réalisé
dans le couple humain (Mc
10, 11-12).
On sait combien cet enseignement du Christ a
suscité, et suscite encore, des débats et des résistances.
Les difficultés rencontrées par les couples actuels
ne sont certes pas moindres que celles qui avaient amené
les législateurs du peuple juif à tolérer le
divorce en certaines circonstances. Cependant, pour les couples
unis par le mariage chrétien, la situation est radicalement
nouvelle. Leur union est un sacrement, un signe efficace
de lamour de Dieu. LÉglise a réaffirmé
sa foi dans la grâce du mariage dans plusieurs textes du second
Concile du Vatican, par exemple celui-ci : Cest pourquoi
les époux chrétiens, pour accomplir dignement les
devoirs de leur état, sont fortifiés et comme consacrés
par un sacrement spécial; en accomplissant leur mission conjugale
et familiale avec la force de ce sacrement, pénétrés
de lesprit du Christ qui imprègne toute leur vie de
foi, despérance et de charité, ils parviennent
de plus en plus à leur perfection personnelle et à
leur sanctification mutuelle; cest ainsi quensemble
ils contribuent à la glorification de Dieu (Gaudium
et Spes #48, 2). Cette foi de lÉglise senracine
dans la parole de Jésus : Ce que Dieu a uni, que
lhomme ne le sépare pas! (Mc 10,9)
Laissez les enfants venir à moi
(Mc
10, 14)
On passe sans aucune transition dune discussion
sur le divorce à une scène mettant en vedette des
enfants. Le lien entre les deux épisodes est évidemment
thématique. Marc a voulu créer un tableau familial :
dun côté les parents, unis dans le mariage, de
lautre, les enfants, accueillis avec joie et respect.
Les parents de lAntiquité aimaient
sans doute leurs enfants autant que ceux daujourdhui
mais leur affection se manifestait autrement. Léducation
était sévère, brutale même (voir, par
exemple :
Si 30, 1-13) et les jeunes noccupaient aucune place dans
la vie sociale. Lattitude des disciples est cohérente
avec la mentalité de leur temps : pourquoi importuner
Jésus avec des enfants? La réponse de Jésus
contraste avec cette mentalité : dans la famille de
Dieu, tous ont leur place et les plus petits y sont particulièrement
les bienvenus.
Comme cela arrive souvent, Jésus
profite de loccasion pour donner un enseignement concernant
le Royaume de Dieu. Les enfants sont élevés au rang
de modèles à imiter par ceux qui veulent accéder
à ce Royaume. Il ne sagit pas, bien sûr, de « retomber
en enfance » mais de garder son cur pur et accueillant
comme celui dun petit pour pouvoir recevoir de Dieu les biens
de son Royaume.
Il na pas honte de les appeler ses
frères (He 2,11)
Lauteur de lÉpître
aux Hébreux affirme que Dieu, le créateur et
le maître de tout voulait avoir une multitude de fils
(He 2,10). Lincarnation du Christ a comme objectif de constituer
cette famille. En partageant la destinée de lhumanité,
y compris dans la souffrance et dans la mort, il sanctifie les
humains (cf. v. 11) cest-à-dire quil les
fait partager la vie de Dieu en les rendant saints comme lui-même
est saint. Le Christ a été abaissé au-dessous
des anges (v. 9) pour permettre à sa famille humaine
de partager avec lui la gloire et lhonneur (v. 9).
Même si le langage de cette épître
peut paraître rébarbatif, son message est important.
Dans le sacrifice du Christ, dans loffrande quil fait
librement de sa vie, les humains sont constitués fils et
filles de Dieu.
Voici los de mes os
(Gn 2,23)
Ce texte a été commenté tellement
de fois et de tellement de manières quon a limpression
quil ne contient plus de secrets. À première
vue, il semble que Dieu avait oublié de créer pour
lhomme une aide qui lui corresponde (v. 18) cest-à-dire
qui soit capable de répondre avec lui, qui puisse être
coresponsable de la mise en uvre de son projet dans la création.
Il corrige cette lacune en créant dabord les animaux
et les oiseaux (v.
19), façonnés avec de la terre comme lhomme
lui-même, puis la femme, tirée de lhomme. Le
premier couple humain a donc une origine unique, il vient de Dieu.
Ensemble lhomme et la femme forment une seule chair, une réalité
nouvelle qui nest pas seulement laddition des deux,
encore moins leur fusion. Telle est lorigine de la famille,
pierre angulaire de toute société et modèle
de la communauté humaine réconciliée avec Dieu
dans le Christ.
Source: Le Feuillet biblique,
no 2069. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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