«
Tout ce qu'il fait est admirable... »
Guérison d'un sourd-muet Marc
7, 31-37
Autres lectures : Isaïe
35, 4-7a; Psaume
145 (146); Jacques
2, 1-5
Le récit de la guérison d'un sourd-muet, opérée
par Jésus, se déroule sans la présence du public.
Dieu, en Jésus, se fait proche de l'infirme. En relisant
cet épisode, aujourd'hui, il est possible de rejeter le fait
dans un passé révolu, qui ne reviendra pas, qui ne
peut plus se reproduire. Que devient alors la Bonne Nouvelle
de Jésus, Christ, pour nous? Quant à Marc, quelle
interprétation donne-t-il de la guérison? La découverte
de la largeur, de la longueur et de la profondeur de la Parole peut
ouvrir tout cur confiant et sincère à l'inouï
de Dieu.
Le Royaume : une heureuse rencontre, non
prévue
Dans l'Évangile de Marc,
le récit de guérison du sourd-muet appartient à
la section des pains et de la parole (6,
30 - 8, 26), où se construit le monde nouveau, le Royaume
que Jésus travaille à établir. Jésus
alors se heurte à la dure réalité des institutions
juives, lors de la discussion avec les Pharisiens, incapables de
comprendre (7,
1-22). Devant leur surdité et leur dureté, Jésus
se rend dans les régions païennes de Tyr et de la Décapole.
Quel événement inattendu que cette marche vers la
terre païenne!
Là, il rencontre une femme,
puis un sourd-muet : la première est agissante, tandis que
le second est porté par son entourage. Jésus se fait
proche du malade, établit un contact physique, selon les
coutumes et les usages de l'époque. Mais Jésus n'est
pas n'importe quel thaumaturge. De lui jaillit la santé,
le corps de l'infirme devient habité par la vie. Physique
seulement? Ou corporel et spirituel?
L'évangéliste fournit
l'indice de qui est véritablement le thaumaturge en présence.
Marc s'appuie sur Isaïe (35, 4-7a, première
lecture; selon la traduction grecque de la Bible). Chez le prophète,
une totalité d'infirmités est regroupée sous
les catégories suivantes : les aveugles, les sourds, les
boiteux, les muets qui sont comblés de la grâce du
Seigneur. Pour le peuple hébreu, le moment où le désert
arrosé refleurira, où les malheureux seront des vivants,
ce temps sera celui du temps messianique. Jésus, proche du
sourd-muet, est celui qui se tient au cur de la détresse,
et celui par qui Dieu sauve son peuple; il est porteur de vie définitive
pour l'humanité.
Jésus, certes, vainc les grandes
misères corporelles, mais aussi, symboliquement, il désire
soulager le peuple croyant de sa difficulté à écouter
la parole de Dieu.
L'impératif : Ouvre-toi!
L'enseignement de Jésus heurte
les Pharisiens, mais les disciples eux-mêmes ne comprennent
pas. Jésus leur dit : Vous aussi, êtes-vous donc
sans intelligence (7, 18). Et encore : Ne comprenez-vous
pas encore? Avez-vous le cur endurci? (8, 8.21). Voilà,
nous savons mieux qui sont les sourds et les muets, et ceux-ci sont
de toutes les époques.
Les cinq sens font accéder
l'être humain au visible, à ce qui est audible, tangible,
palpable, mais aussi à l'invisible, à l'intangible.
Le cur, partie intégrante du corps, facilite l'audition
de l'indicible, de l'inouï, de l'inattendu. Le cur du
croyant ne peut-il pas être aveuglé par ses prétentions
orgueilleuses, ses besoins de dominer, n'est-il pas obscurci lorsqu'il
méprise son prochain, et ne soupçonne pas ou ne devine
pas sa détresse et le besoin d'être aidé, soutenu?
lorsqu'il s'éprend de promesses mensongères?
Ouvre-toi peut résonner
encore et toujours à l'intime du cur des humains et
des croyants du 21e siècle, afin que tous s'ouvrent au monde
de Dieu. Être femme et homme de foi, c'est une manière
de vivre qui accueille l'invitation d'une rencontre avec Dieu Père,
plein de tendresse et de miséricorde, c'est être dans
ce que l'on dit et ce qu'on l'on fait. Alors le cur s'émerveille,
le corps en entier crie sa louange. Bienheureux le cur croyant
qui croit que l'amour de Dieu est son avenir!
Vengeance et revanche
Voici votre Dieu : c'est la vengeance qui vient, la revanche
de Dieu. Il vient lui-même et va vous sauver (Isaïe
35, 4)
Vengeance! Quelle expression choquante
Hélas, nos intelligences sont
encore traumatisées par des tentatives d'explications maladroites,
et nos curs, obscurcis. Combien de croyants ne comprennent
pas! Ils disent : « Dieu envoie des malheurs insupportables,
des douleurs insoutenables il est donc responsable, il punit, il
se venge ». Mais un Dieu si insensible peut-il être
Dieu? Quelle image fausse, quelle perception étouffante!
Le verset 4 n'affirme-t-il pas précisément le contraire?
De quoi est-il question quand la Bible utilise cette expression?
La vengeance de Dieu est le rétablissement
de la justice. Elle se manifeste là où Jésus
guérit les malades et relève l'humilié : Elle
s'adresse aux païens, elle redresse les mentalités tordues,
les comportements avides et égoïstes. Elle se manifeste,
avec éloquence, à l'agonie et sur la croix,, lorsque
Jésus vainc le mal par le pardon offert à ceux qui
l'ont condamné, par sa confiance totale en son Père,
par son amour infini des humains. Jadis, dans son enseignement,
n'avait-il pas évoqué le Père miséricordieux
dans la parabole du fils indigne (Luc
15, 11-32). Bien que cela semble paradoxale, la vengeance de
Dieu se conjugue avec son salut. Dès lors, peut-on reprocher
à Dieu l'amour qu'il nous propose?
Le respect de la dignité humaine
Jacques 2, 1-5
D'une lecture à l'autre, en
ce dimanche, un déplacement s'opère : du juif vers
le païen, du mutisme vers la parole, de l'apparence vers l'intime
du cur, de l'acte de guérison posé avec discrétion
à la manifestation de louange devant l'uvre de Jésus.
En fait, de la fermeture vers l'ouverture.
Jacques ne demande-t-il pas à
sa communauté, aux prises avec des difficultés aiguës,
telles les inégalités sociales et les tendances à
la partialité et à l'hypocrisie, de partager avec
les déshérités? L'apôtre a un parti pris
évident pour les petits et les pauvres qu'on méprise
et qu'on humilie. Il ne saurait être question pour un disciple
du Christ de s'en tenir aux apparences, de se laisser éblouir
par le grand. Il est insupportable, antiévangélique
qu'un être humain abîme un autre être humain,
son frère, sa sur. Dès le Premier Testament,
les vues de Dieu sont exprimées ainsi : l'homme voit les
apparences, mais le Seigneur voit le cur (1 Samuel
16, 7). Et, ailleurs : Lui (Dieu) ne prend pas le parti des princes,
ne distingue pas le riche du pauvre, car tous sont l'uvre
de ses mains (Job 34, 19).
Source: Le Feuillet biblique,
no 2065. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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biblique de Montréal.
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