De Dieu
et des hommes
Le pur et l'impur Marc
7, 1-8.14-15.21-23
Autres lectures : Deutéronome
4, 1-2.6-8; Psaume
14 (15); Jacques
1, 17-18.21b-22.27
Épineuse question, que celle de demander ce qui, dans
toute religion, vient vraiment de Dieu et ce qui est ajouté
par lhomme. Délicate tâche, que de désencombrer
le cur de la foi des multiples exigences transmises par la
tradition. Car toute tradition si vénérable
soit-elle a tendance à grossir au fil du temps. Les
fidèles qui arrivent plus tard reçoivent en héritage
le trésor de la foi des générations précédentes,
avec toutes les relectures, les interprétations divergentes
et les adaptations diverses ayant été requises par
dautres temps et dautres lieux. Après deux mille
ans de christianisme, le précieux dépôt de la
foi pèse plutôt lourd sur les épaules des jeunes
générations.
La multiplication des exigences
Déjà Jésus sinsurgeait
selon Marc contre la multiplication indue des exigences
de pureté rituelle qui alourdissaient le quotidien des paysans
juifs de son temps. Bien comprises, ces traditions avaient pour
but de rappeler à la conscience de tout enfant dIsraël
le privilège de lAlliance, et lappel à
mener une vie sainte dans un monde qui souvent ne lest pas.
Mais à force de multiplier les rappels par des prescriptions
et des interdits, la sainteté était devenue le privilège
des gens bien nantis, ayant plus de temps de loisir que la moyenne
des paysans pour mener une vie pieuse. Jésus ny va
pas par quatre chemins : ce ne sont que traditions humaines,
dit-il. Pire : elles font obstacle à lobservance
de la volonté de Dieu, soutient-il. La forêt cache
larbre, dit-on. Cest ainsi que trop de préceptes
et dinterdits, même bien intentionnés, font oublier
lessentiel et finissent par écraser les pauvres gens,
qui ne sy retrouvent plus. Surtout, ces traditions transforment
la religion en une tyrannie, alors quelle devrait être
un chemin de libération, dépanouissement et
de grâce.
Il ny a pas si longtemps au
Québec, le christianisme serrait les fidèles à
la gorge. Commandements, préceptes, jeûnes, interdits,
messes, chapelets, dévotions, neuvaines, confessions et retraites
ponctuaient le quotidien des gens dici. Jusquà
ce que le vase déborde et que beaucoup claquent la porte
de lÉglise. Aujourdhui, nous vivons encore marqués
par cet héritage, qui fait rugir les révoltés,
qui fait fuir la jeunesse, ou pire qui nous rend insignifiants
pour la quête spirituelle de nos contemporains.
Un discernement nécessaire
Face à la crise actuelle, certains
voudraient durcir le ton, blâmer le monde pour son impiété,
puis serrer les rangs autour des quelques fidèles irréductibles,
en espérant que les malheurs de notre temps finissent par
ramener les brebis égarées au bercail, en quête
de vérité. Ils espèrent peut-être en
vain, car il y a des tournants dans la vie et dans lhistoire
de lÉglise et du monde qui ne permettent pas de revenir
en arrière. Lhistoire, même sainte, va de lavant
avec ou sans nous.
Dautres ont pris leurs distances
vis-à-vis de linstitution. Ils ne trouvent pas dintérêt
à sen approcher sur une base régulière.
Surtout, pas question de sengager auprès delle,
même sils demeurent des croyants dans leur for intérieur
et quils se rendent à léglise à
certains moments clefs de leur vie. Sorte de protestants silencieux,
ils attendent dehors un changement de ton à lintérieur,
qui tarde à venir. Ils pourraient attendre longtemps, car
en sortant, ils ont laissé toute la place à ceux qui
ne voudraient rien changer.
Un dernier groupe est tellement choqué
par linhumanité de la tradition, quils ne voient
plus Dieu du tout au sein de lÉglise. De toutes leurs
forces et leurs capacités, ils dénoncent, ils attaquent
et ils discréditent linstitution, disant comme le Jésus
de lévangile : ce nest que la tradition
des hommes, Dieu na rien à voir là-dedans. Rendus
allergiques et méfiants vis-à-vis de toute religion
organisée, ils privilégient soit lhumanisme
séculier, comme correctif à tant de bêtise religieuse,
soit lésotérisme, comme si la vraie Parole de
Dieu avait été mise de côté, mal interprétée,
enfouie, et sa vérité préservée et transmise
à travers une tradition alternative. Ces gens-là ne
posent plus un regard juste sur la diversité vécue
au sein même de lÉglise. Pour eux, tout y est
du pareil au même. Ils ny voient rien de bon et ils
jettent volontiers le bébé avec leau du bain :
le commandement de Dieu et la tradition des hommes!
Est-il trop utopique de souhaiter un sain
discernement? Pouvons-nous ouvrir les yeux et regarder avec sérénité
et lucidité lhéritage que nous ont laissé
les générations précédentes? Certaines
choses appartiennent à une autre époque, à
une autre culture, à une sensibilité religieuse qui
nest plus la nôtre. Par contre, au cur même
de ce dépôt de la foi se trouve une Parole salutaire
et inusité pour notre temps. Saurons-nous trouver la perle
de lÉvangile?
Une tradition vivante
Deutéronome 4, 1-2.6-8
Lextrait du livre du Deutéronome
précise quil ne faut rien ajouter ni rien enlever à
la Loi du Seigneur, mais quil faut plutôt garder les
commandements divins tels que prescris. Aussi louable soit-il, ce
souci dexactitude est difficile à respecter à
la lettre. Dabord, parce que la Parole de Dieu nexiste
pas en dehors des témoignages humains, qui sont rarement
concordants au mot près. Ensuite, parce que Dieu continue
de parler et de réviser lui-même ses recommandations
en fonction des époques et des lieux. Le livre du Deutéronome,
comme son nom même lindique (Deuxième Loi) est
une révision de la Loi contenue dans le livre de lExode!
Le souci de coller à la volonté de Dieu sexprime
donc justement par des révisions constantes de la tradition
écrite. Aucun texte ne saurait emprisonner Dieu.
La volonté divine
Jacques 1, 17-18.21b-22.27
À sa façon, la Lettre de
saint Jacques essaie de cerner le cur de la volonté
divine. Ce qui compte finalement, cest daimer par des
gestes concrets. Le reste, ce sont des traditions tout humaines,
nest-ce pas?
Source: Le Feuillet biblique,
no 2064. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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