Jésus,
à l'égal de Dieu
La tempête apaisée Marc
4, 35-41
Autres lectures : Job
38, 1.8-11; Psaume
106 (107); 2
Corinthiens 5, 14-17
Le miracle de la tempête apaisée, que peut-on en
penser? Est-ce une dérogation aux lois du cosmos? Pour la
pensée scientifique, ce qu'on désigne comme miraculeux
est facilement contestable. Que la mer agitée devienne calme,
peut être uniquement une question de coïncidence, d'un
changement météorologique brusque. Pour tel autre
miracle fait par un thaumaturge, on dira que la science ne peut
encore expliquer le phénomène. La pensée moderne
éprouve donc des difficultés à accepter le
miracle. Et si cette pensée était victime d'un malentendu,
car le caractère miraculeux vient des circonstances et des
réactions des témoins. C'est d'abord un signe que
Dieu fait à quelqu'un, un signe perçu par la foi.
Le regard croyant observe un fait visible, tangible et perçoit
simultanément une signification religieuse, une interprétation
qui relève de la foi. L'intérêt réel
réside dans la portée théologique du récit.
Une question à se poser ne serait-elle pas de savoir pourquoi
l'évangéliste nous raconte ce récit?
Le monde qui fait peur
Pour l'homme biblique, la mer est un monde hostile,
un lieu agressif, dangereux. Le marin n'a pas de prise sur elle,
surtout qu'on ne peut considérer les Hébreux comme
un peuple marin, alors que c'est le cas chez les Phéniciens,
à l'époque, ou les Vikings, des siècles plus
tard. Pour les Juifs pieux, affronter la mer, c'est tenter le Diable
et réveiller toutes les forces maléfiques qui y habitent.
La tempête sur la mer déclenche évidemment l'effroi
et la panique chez les disciples de Jésus.
Qu'en est-il aujourd'hui? Le 21e siècle
a très tôt plongé dans la peur du terrorisme.
Les catastrophes naturelles ébranlent. Le chômage pointe
souvent à l'horizon tant pour les professionnels que pour
les artisans et les ouvriers. La pauvreté augmente, de nouvelles
maladies surgissent. En somme, la peur enveloppe la vie de nombreuses
personnes, cette vie alourdie de tant de drames et d'inquiétudes,
de détresses et d'injustices!
Une parole d'autorité,
prononcée avec assurance
Après avoir quitté le
sommeil, le premier geste de Jésus est d'apaiser la tempête.
Sa parole en est une de puissance sur les forces cosmiques - ici
des forces de mort -qui obéissent à son ordre; en
Marc
3,15, ce sont des forces impures - les esprits - qui se soumettent.
Cette parole pleine d'assurance, grâce à la confiance
envers son Père, manifeste que Jésus est Maître
de la mer, à l'égal de Dieu. Vainqueur du Mal et du
péché, il est capable de détruire les forces
qui concourent à perdre le cur humain. Déjà,
on voit s'esquisser la victoire sur la mort et le péché,
à l'heure de la passion et de la résurrection. Le
pouvoir de Jésus sur la mer annonce la puissance du Seigneur
ressuscité.
Un dialogue instructif
Un dialogue intéressant s'engage
entre les disciples et Jésus. Les apôtres dans la barque,
représentant symboliquement l'Église, sont réellement
secoués et menacés par la tempête; ils affrontent
le péril, la mort, d'où une peur justifiée.
Mais, en même temps, ils font apparaître leur méconnaissance
de Jésus qui demeure serein dans le danger, confiant dans
le Père : Comment se fait-il que vous n'ayez pas la foi?
(v. 40). Ces hommes choisis par le Maître ont un long mûrissement
à réussir, une lente transformation à opérer
pour devenir, chacun, une créature nouvelle, comme
l'exprime l'apôtre Paul (2
Corinthiens 5, 17). La grâce pascale les changera... Le
Ressuscité les rendra audacieux dans la foi et le témoignage.
Qui est Jésus?
Pour l'heure, admiratifs, les apôtres restent
avec une question brûlante : Qui est-il donc, pour que
même le vent et la mer lui obéissent? (v. 41; aussi,
1,
27). Ils ne comprennent pas la puissance créatrice de
Jésus, chez qui la force de la condition divine s'estompe
dans l'humilité de la faiblesse humaine (cf. l'hymne aux
Philippiens
2,6-11).
Le chemin des témoins-apôtres
au sein d'une communauté qui prend corps ne peut que ressembler
à celui du Maître. Donneurs de vie n'ont-ils pas la
certitude de la présence quotidienne du Seigneur qui soutient
leur confiance et affermit leur espérance? Chemin d'hier
à l'aube du christianisme et chemin d'aujourd'hui dans un
monde sécularisé et si assoiffé de bonheur
et d'espérance!
Dieu, à l'uvre dans la création
Job 38, 1, 8-11
La fin du livre de Job présente
un long discours de Dieu. On peut parler d'un procès fait
à Job qui s'est montré prétentieux, porté
à juger Dieu à l'aune de sa sagesse humaine limitée.
On entend au verset
2, du chapitre 38, la réponse de Dieu à Job
: Qui est celui qui dénigre la providence par des discours
insensés? Au chapitre 40, Job répondra :
Je ne fais pas le poids, que te répliquerai-je? Je mets la
main sur ma bouche (v. 3).
Dieu, le souverain de la mer
N'attendons donc pas un récit scientifique
dans l'extrait choisi, mais constatons-en la poésie, sa présentation
vivante avec ses portes et verrous. Je lui dis : 'Tu viendras
jusqu'ici! tu n'iras pas plus loin, ici s'arrêtera l'orgueil
de tes flots!'
Dieu est à l'uvre dès
la fondation du monde. Le Premier Testament voit dans la création
la première des interventions de Dieu dans l'histoire des
peuples. Il connaît les secrets de la mer et peut gérer
son abîme, sa masse infinie et incontrôlable. Son action
peut être spontanée et efficace, telle qu'elle apparaît
dans le récit évangélique.
Face à la puissance menaçante
de la mer, malgré l'angoisse et la mort qu'elle provoque,
l'être humain, sachant que son origine et son identité
lui viennent d'un Autre, qui peut disposer de sa vie, saura reconnaître
l'infinie puissance du Créateur, sa sagesse et son amour.
Il saura s'en remettre à Dieu dans la foi et l'accueil. Dans
les tempêtes qui agitent le cur de tout homme, la vie
de toute femme, dans les difficultés relationnelles, dans
les différends et les conflits communautaires, le croyant
se tourne vers Dieu, crie sa détresse en reprenant, dans
la Bible, tout le Psaume
107(106), pour louer dans la joie Celui en qui l'on se confie.
Un monde nouveau est déjà
né
2 Corinthiens 5, 14-17
De la tempête apaisée sur
le lac de Tibériade à la tempête de la mort
du péché sur la croix, le croyant, en Jésus
Christ, n'est-il pas transporté dans une vie nouvelle? La
force du salut donnée et accueillie par celui et celle qui
croit, ne rendelle pas possible de quitter une vie trop facilement
centrée sur soi, pour fonder son identité et sa vie
en Christ? Voilà l'étonnante dignité et grandeur
du croyant!
Julienne Côté, CND, bibliste
Source: Le Feuillet biblique,
no 2063. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre
biblique de Montréal.
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