Une parole
qui rassemble
Jésus guérit un paralysé
Marc
2, 1-12
Autres lectures : Isaïe
43, 18-19.21-22.24c-25; Psaume
40(41); 2
Corinthiens 1, 18-22
Dans lÉvangile de Marc, après son
baptême par Jean (1,9-11)
et lépisode des tentations (1,12-13),
Jésus commence par appeler des hommes à le suivre
(1,16-20),
puis il descend à Capharnaüm accompagné de ses
disciples (1,21-34).
Là, il annonce la parole avec autorité dans la synagogue,
exorcise un homme tourmenté par un esprit mauvais et guérit
la belle-mère de Simon, le futur Pierre. Pressé par
Pierre et les autres disciples, Jésus refuse de se limiter
à Capharnaüm, préférant aller dans les
villages voisins proclamer la Bonne Nouvelle.
Aujourdhui, nous voyons Jésus revenir
à Capharnaüm. Ce retour nous apprend dabord que
Jésus semble bien avoir élu domicile dans cette ville :
la nouvelle se répandit quil était à
la maison. Le texte ne nous dit pas si Jésus a loué
une chambre dans la maison de Pierre. Mais le fait que son nouveau
lieu de résidence soit la ville où habitent ses quatre
premiers disciples a quelque chose de rassurant. Quand Jésus
nous appelle à le suivre, il plante sa tente chez nous. Encore
aujourdhui, dans le mystère de lEucharistie,
Jésus établira sa demeure dans le cur de chacune
et de chacun. Jy vois déjà une Bonne Nouvelle.
Jy vois aussi une invitation à
imiter les gens de Capharnaüm. Ayant su que Jésus était
de retour à la maison, tant de monde sy rassembla
quil ny avait plus de place, même devant la porte (2,2).
Comme cela avait été le cas après la guérison
du lépreux, Jésus est de nouveau victime de son succès :
il nétait plus possible à Jésus dentrer
dans un ville
de partout on venait à lui (1,45).
Nous ne risquons pas, en nous rendant à léglise
ce dimanche, dy rencontrer une telle foule. Mais, comme les
gens de Capharnaüm ce jour-là, nous pouvons nous aussi
nous rassembler autour de Jésus pour quil nous annonce,
à notre tour, la Parole, pour quil plante à
nouveau sa tente chez nous.
Une démarche de foi profonde
Au cur de cette foule avide découter
la Parole, arrivent des gens : quatre hommes portant un paralysé
sur un brancard, mais aussi dautres gens qui veulent créer
une proximité entre Jésus et cet homme. Cependant,
ils ne peuvent lapprocher à cause de la foule.
Encore une fois, je ne peux mempêcher de faire un lien
avec notre situation contemporaine. Combien dhommes et de
femmes de chez nous ont faim et soif de cette Parole, désirent
profondément sapprocher du Christ, mais en sont empêchés
à cause de la foule ? La foule que nous sommes, nous
qui fréquentons régulièrement la table de la
Parole et de lEucharistie. Notre vie quotidienne nest
pas toujours à la hauteur de lÉvangile que nous
proclamons chaque semaine. Mais aussi la foule de nos contemporains
qui nhésitent pas à marginaliser, voire à
ridiculiser celles et ceux qui « croient encore en ça » !
Mais ces gens venus présenter leur
ami paralysé à Jésus ne sont pas de ceux que
les obstacles arrêtent. Dans un geste audacieux, même
périlleux, ils découvrent le toit au-dessus de
Jésus, font une ouverture, et descendent le brancard sur
lequel était couché le paralysé (2,4).
Et Jésus répond favorablement. Au-delà du geste
spectaculaire, il voit leur foi. Et il adresse une parole au paralysé.
Ce faisant, il endosse leur démarche, il dit « oui »
à leur foi. Ce « oui » fait écho
à ce que dit saint Paul dans la deuxième lecture :
Le Fils de Dieu, le Christ Jésus [
] na pas été
à la fois « oui » et « non »; il
na jamais été que « oui » (2
Co 1,19). Laccueil que Jésus réserve au paralytique
et à ceux qui veulent le conduire à lui nous encourage,
nous aussi, à ne pas nous laisser arrêter par les foules
et à aller jusquau bout de notre désir de nous
approcher du Christ.
Une parole qui dérange
La réponse positive de Jésus
devant la foi de ces hommes a tout de même de quoi surprendre.
Comme Jésus avait déjà guéri toutes
sortes de malades lors de sa première visite à Capharnaüm
et comme il avait déjà purifié le lépreux,
on se serait attendu à ce que Jésus remette cet homme
sur pied. Mais au lieu de cela, il lui déclare : Mon
fils, tes péchés sont pardonnés. Le texte
ne précise pas si le paralysé ou les hommes qui lont
fait descendre par le toit sont contents ou déçus.
Il attire plutôt notre attention sur la réaction des
scribes. Ces spécialistes de lÉcriture sinsurgent
parce quà leurs yeux, Jésus prend la place de
Dieu qui seul peut pardonner les péchés. En fait,
Jésus na pas dit : « Je te pardonne
»
mais bien : tes péchés sont pardonnés.
On peut voir dans cette forme passive une façon détournée
de parler de laction de Dieu. Jésus constate simplement
que cet homme est pardonné par Dieu, que Dieu a pardonné
au paralytique.
Il reste que la réaction des scribes
risque de ressembler à la nôtre. Si nous ne nous choquons
pas de voir Jésus pardonner, nous avons peine à voir
le lien quil y a entre la maladie et le péché.
Dans notre esprit, cet homme nest pas sur un grabat parce
que lui ou ses parents ont péché. Cétait
pourtant la façon de penser au temps de Jésus. Mais
un autre problème nous guette : lidée que
nous nous faisons de ce quest le péché. Trop
souvent, nous sommes restés avec limage de notre enfance :
un péché est une action à ne pas faire, à
proscrire. Nous péchons quand nous transgressons un interdit.
Or, de nos jours, on entend souvent dire quil ny a plus
de péché ! Pourtant, quand on y pense, dans notre
vie personnelle, notre vie dÉglise et notre vie de
société, bien des décisions, bien des gestes
que nous posons mettent une distance entre nous et Dieu. Cette distance
nous paralyse. Combien de blessures données ou subies viennent
entraver nos rapports avec Dieu et avec nos frères et surs ?
Quand on y regarde de près, nous nous retrouvons souvent
devant le Christ dans la position du paralysé. Nous avons
peine à nous tenir debout et nous sommes parfois incapables
davancer sur la voie de lÉvangile.
Un pardon qui remet debout
Heureusement pour nous, Jésus ne
fait pas que réagir à la démarche des hommes
qui portent le paralysé. Il réagit aussi aux raisonnements
des scribes. Et voici que le pardon de Dieu, révélé
par la parole du Christ, accomplit ce quil signifie. Non seulement
cet homme est-il pardonné, mais grâce à ce pardon,
lhomme se leva, prit son brancard, et sortit devant tout
le monde (2,12a). Chose étonnante, le miraculé
na pas de nom. Cest que chacun et chacune dentre
nous peut se reconnaître en cet homme. Portés par la
prière de la communauté qui se rassemble autour du
Christ, nous pouvons nous aussi recevoir le pardon de Dieu qui nous
remet sur nos pieds. Comme le dit Dieu par la bouche dIsaïe :
Voici que je fais un monde nouveau : il germe déjà,
ne le voyez vous pas ? [
] oui, moi je pardonne [
]
à cause de moi-même (43,19a.25). Au moment où
nous redisons la louange de Dieu, laissons-le nous rétablir
dans son amour. Ainsi, nous pourrons dire à notre tour :
Nous navons jamais rien vu de pareil (2,12b).
Yvan Mathieu, SM
Faculté de théologie, Université d'Ottawa.
Source: Le Feuillet biblique,
no 2045. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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