Se tourner
sans cesse vers Jésus
Première prédication de
Jésus Marc
1, 14-20
Autres lectures : Jonas
3, 1-5.10; Psaume
24(25) ; 1
Corinthiens 7, 29-31
L'évangile de ce jour comporte deux parties : d'abord,
l'invitation à la convertion adressée par Jésus
à tous les hommes et ensuite l'appel des premiers apôtres.
L'évangile pour gens ordinaires
Alors que l'entrée en scène
de Jean s'était faite dans un dessein qui englobait tout
le pays de Judée, celle de Jésus touche un territoire
plus petit. Il vise tout d'abord la Galilée. Bien que Jésus
ait une parole à portée universelle, il veut d'abord
changer la vie de ceux qu'il connaît le mieux, les hommes
et les femmes de Galilée au milieu desquels il grandi.
Le mot-clé que Jésus
répand comme une semence, c'est celui de Royaume, le Royaume
de Dieu. Voilà une expression qui a intrigué ses auditeurs,
comme elle le fait encore aujourd'hui. Pour nous du 3e millénaire,
les mots de Jésus sont éclairés par le reste
de l'histoire. Nous disposons d'une réflexion sur les paraboles
qui nous permet d'en connaître le sens mystérieux.
La Bible, et surtout les Psaumes, parle constamment de Dieu comme
d'Un roi grand par-dessus tous les dieux (Ps 95, 3). Avec
une connaissance des chroniques de la communauté chrétienne,
on assume que le Règne de Dieu s'exerce avant tout par sa
parole. S'il est vrai que Dieu a pu exercer son pouvoir par l'intermédiaire
de grands empires chrétiens, il n'en demeure pas moins que
là où il veut régner, c'est à l'intime
du cur humain, le lieu où s'opère la conversion.
L'évangéliste a rendu par
metanoia le mot hébreu shouv qui veut dire
« retour » et désigne la conversion. Le retour
de Babylone avait été un moment fort de soumission
à Dieu et de relecture des prophètes. Le mot metanoia
suggère d'y considérer l'aspect de mutation intérieure
qui s'opère dans l'esprit d'un être humain. Toute la
révélation biblique tend vers cet objectif, un revirement
de l'être humain, un détournement du péché
au profit de la foi en Dieu, le Seigneur qui mène son destin.
La prédication de Jonas à
Ninive qui constitue la première lecture, sert à rappeler
que l'appel à la conversion concerne même les pires
parmi nous. Les Ninivites étaient vus, dans l'Antiquité,
comme les archétypes de la cruauté impitoyable. Si
eux, ces païens intraitables qui accumulaient des piles de
têtes coupées, ont fait l'objet de la miséricorde,
autant Dieu en fera-t-il pour nous. Le pape Jean-Paul II écrivait
dans son Encyclique Dives in misericordia (no 13) : « La
connaissance authentique du Dieu de la miséricorde, Dieu
de l'amour bienveillant, est une force de conversion constante et
inépuisable, non seulement comme acte intérieur d'un
instant, mais aussi comme disposition permanente, comme état
d'âme. Ceux qui arrivent à connaître Dieu ainsi,
ceux qui le voient ainsi, ne peuvent pas vivre autrement qu'en se
convertissant à lui continuellement ».
L'agent incontournable de la miséricorde
de Dieu, c'est le Christ. Dans la péricope de ce jour, il
occupe nettement la première place. Il part pour la Galilée.
Il proclame la Bonne Nouvelle. Il voit Simon et André et
il dit : Venez derrière moi. Puis il appelle les deux
frères Jacques et Jean qui se mettent à sa suite.
Jésus au centre d'un projet de
vie
La lecture des vies de saints ne permet
pas de rejeter la vraisemblance de l'appel de Jésus lancé
aux pêcheurs de Galilée. Ils ont répondu avec
promptitude, touchés par l'interpellation : Je ferai de
vous des pêcheurs d'hommes. Des personnalités qui
captivent les autres par la voix, l'assurance, le regard, ces personnalités
existent. On dit d'elles que ce sont des personnalités charismatiques.
Jésus appartient carrément à ce genre de personnes
et la brièveté littéraire du récit de
vocation n'est certainement pas qu'une technique littéraire.
Dès l'Antiquité, ce récit a fait difficulté
car il apparaît imprudent de suivre quelqu'un dont on ne sait
à peu près rien. Il faut cependant maintenir l'authenticité
de cette histoire de vocation à cause de ce que nous savons
de la vraie nature de Jésus et de la cohérence de
la scène.
L'appel des quatre premiers apôtres
est harmonieux par la division en deux tableaux. Le premier nomme
d'abord Simon qui portera plus tard le surnom de Pierre. Il a avec
lui son frère André. Le dernier apôtre nommé
dans l'évangile de Marc sera le même Pierre, cette
fois dans le contexte des apparitions du Ressuscité. C'est
sûrement en vue de cet ultime rôle qu'il est maintenant
appelé. Il devra tout abandonner, même l'humble métier
qui lui procurait la subsistance. Il demeurera fidèle au
renoncement qu'il a assumé, suite à la parole de Jésus.
Plus loin, Jésus fera une promesse de récompense à
Pierre. Au ch. 10 de l'évangile, l'apôtre dit : Voici
que nous, nous avons tout laissé et nous t'avons suivi.
Jésus déclara : En vérité, je vous
le dis, nul n'aura laissé maison, frères, surs,
mère, père ou champs à cause de moi et à
cause de l'Évangile, qui ne reçoive le centuple dès
maintenant, au temps présent, en maisons, frères,
soeurs, mères, enfants et champs, avec des persécutions,
et dans le monde à venir, la vie éternelle (Marc
10, 28-30).
La deuxième paire d'apôtres
est faite elle aussi de deux frères, Jacques et Jean. Dans
leur cas, le choix d'une vie pauvre est encore plus explicite car
ils laissent dans la barque leur père avec ses ouvriers
(v. 20). C'est une vie dépouillée qui sera la
leur. Jésus est celui qui déclare : Les renards
ont des tanières et les oiseaux du ciel ont des nids : le
Fils de l'homme, lui, n'a pas où reposer la tête (Luc
9, 58). Délaisser leur famille en la personne de leur père
est aussi une rupture brutale surtout dans le contexte juif de familles
très unies. Qui aime son père ou sa mère
plus que moi n'est pas digne de moi (cf. Lc 14, 26).
Un message pour le disciple de tous les
temps
Bien des communautés religieuses
proposent un programme de renoncement absolu. Les surs de
Mère Thérésa, par exemple. Ce sont toutefois
tous les chrétiens disciples de Jésus qui sont pressés
par le modèle de ces quatre hommes au dépouillement.
Il faut adapter cette renonciation au confort d'une vie douillette,
loin des pauvres et des malades, à la situation sociale de
chacun. Le monde a désespérément besoin d'héroïsme
à la suite de Jésus et par amour pour lui.
Saint Paul fait écho à ces
gestes de Jésus qui bouleversent la vie. Que ceux qui
ont une femme soient comme s'ils n'avaient pas de femme...ceux qui
font des achats comme s'ils ne possédaient rien (1 Corinthiens
7, 29-30). Le goût du risque de la pauvreté et du manque
d'épanouissement personnel font partie de l'existence selon
l'évangile.
Pierre Bougie, PSS, bibliste
Grand Séminaire de Montréal
Source: Le Feuillet biblique,
no 2041. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre
biblique de Montréal.
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