Jésus,
l'étoile de Bethléem
La visite des mages Matthieu
2, 1-12
Autres lectures : Isaïe
60, 1-6; Psaume
71(72) ; Éphésiens
3, 2-3a.5-6
Quoi de plus spectaculaire que l'apparition d'une étoile
brillante dans le ciel? Par une nuit dégagée, à
la campagne, loin des villes et de leurs lumières électriques,
la voûte céleste nous livre un spectacle inoubliable.
Par ailleurs, les médias savent bien que la moindre nouveauté
sur notre firmament nous captive. Chaque éclipse, chaque
passage d'une comète, chaque débris qui tombe du ciel
fait les manchettes. Pas étonnant que dans le langage courant,
le mot « étoile » soit devenu synonyme de «
vedette », qu'il s'agisse d'un athlète, d'une chanteuse
populaire ou d'un comédien « brillant » . Quand
nous manquons de ces « étoiles », nous en fabriquons
à souhait de nos jours, grâce à la télé-réalité...
Décidément, le lever ou la montée d'une étoile
nouvelle nous fascine!
Astre royal
À vrai dire, nous n'avons rien
inventé sur cette Terre. Déjà le prophète
Isaïe se moquait du puissant roi de Babylone, qui se prenait
pour une étoile montante sur le firmament politique de son
époque (Isaïe
14,3-15). Le tyran, cette « étoile du matin »,
ce « fils de l'aurore », tombera comme une étoile
filante, assailli par les Perses (Isaïe
14,12). Par voie de contraste, un disciple du prophète
Isaïe présente Dieu comme le seul astre digne de se
lever sur Jérusalem (Isaïe
60,1-2). Et c'est seulement lorsque la population suivra la
voie de la miséricorde, que sa lumière éclatera
comme l'aurore, une aurore digne de Yahvé (Isaïe
58,6-12).
Comme jadis le roi de Babylone, Louis
XIV de France aimait à se voir comme le Roi-Soleil de l'Europe.
Mais selon la Bible, alors que les idoles de ce monde se prennent
pour des lumières, le véritable astre qui se lève
pour régner, c'est Dieu ou son envoyé, le Messie.
L'oracle prophétique livré par l'étranger Balaam
annonce qu'un astre issu de Jacob devient chef; un sceptre se
lève, issu d'Israël (Nombres 24,17). Dans cette
prophétie, « astre » et « sceptre »
sont synonymes, illustrant que le Messie à venir est un «
brillant » roi, un Roi-Lumière, le seul qui soit.
À la lumière de ce
contexte littéraire, il serait inutile de chercher avec le
télescope Hubble quel aurait été ce mystérieux
astre perçu par les mages dans la nuit du premier Noël...
En effet, tout indique qu'il s'agit d'une image employée
par Matthieu pour exprimer la dignité royale de Jésus,
le Messie tant attendu, la seule « lumière du monde
» (Jean
8,12), l'unique « étoile radieuse du matin »
(Apocalypse
22,16). Il est grand temps qu'on se le dise donc, une fois pour
toutes : l'étoile de Bethléem, c'est Jésus!
Lumière des nations
Jésus est présenté
par Matthieu comme le roi qui nous est envoyé par Dieu pour
illuminer notre route. Il brille tellement fort, ce Jésus,
que même d'illustres étrangers s'en aperçoivent
au loin et font le voyage pour lui rendre hommage. Entendons-nous
bien : aucune ambassade de la sorte n'a été consignée
comme telle dans l'histoire de Jérusalem. Les mages, vous
le devinez, sont à chercher ailleurs. Ils nous font signe
aux deux derniers versets de la première lecture de ce dimanche
(Isaïe
60,5-6). On y lit que les trésors d'au-delà des
mers afflueront vers Jérusalem, portés sur des foules
de chameaux, et que les étrangers apporteront l'or et l'encens
en reconnaissance de la lumière qui brille à Jérusalem.
Lorsque Matthieu introduit les mages dans son récit, il veut
signifier que l'espérance d'Isaïe, celle de voir un
jour les autres nations reconnaître et respecter le Dieu vivant
dont Israël témoigne, cette espérance se réalise
avec Jésus. Ainsi, les mages sont aussi une figure littéraire
représentant les croyants du monde entier qui, grâce
à Jésus, ont maintenant accès au Dieu d'Israël.
À ce titre, vous et moi (à moins que vous ne soyez
d'origine juive), nous comptons aussi parmi les mages du récit
de Matthieu!
Ces mages, ils ne sont plus ni trois
(comme l'a suggéré par après la tradition)
ni ne viennent exclusivement d'Orient. Nous sommes rendus des millions
de chrétiens d'origine non-juive, issus des quatre coins
du globe, à croire en Jésus et à trouver grâce
à lui la lumière vive du Dieu d'Israël. Même
dans ses rêves les plus fous, Matthieu n'aurait osé
espérer une meilleure « finale » à son
histoire... Aujourd'hui que nous fêtons cette lumineuse «manifestation»
de Jésus au monde (l'épiphanie), vous pouvez vous
inclure dans le récit des événements et dire
vous aussi, avec fierté : Nous avons vu se lever son étoile
(Matthieu 2,2).
La lumière du Seigneur se lève
Isaïe 60, 1-6
Les ténèbres couvrent les peuples; mais sur toi
se lève le Seigneur et sa gloire brille sur toi. Les notions
marcheront vers ta lumière.
Il est évident que Matthieu
s'est inspiré entre autres de ce beau texte d'Isaïe
pour composer son récit. On gagnera donc à relire
Isaïe attentivement après s'être imbibé
de l'Évangile. Le contraste des ténèbres et
de la lumière qui se lève, ainsi que la fabuleuse
marche des nations vers Jérusalem, apportant leurs richesses
en offrande, préfigurent les principaux éléments
du récit de Matthieu. Celui-ci s'est approprié sa
tradition littéraire et religieuse pour l'enrichir par la
suite de sa propre contribution. Sachant maintenant que nous figurons
parmi les mages de Matthieu, comment pouvons-nous faire nôtre
le texte et poursuivre le travail créatif de l'évangéliste?
Quelles offrandes, quels cadeaux apporterons-nous au Roi de la vie?
Le mystère du Christ
Éphésiens 3, 2-3a.5-6
Les païens sont associés au même héritage
dans le Christ, par l'annonce de l'Évangile.
L'extrait de la Lettre aux Éphésiens touche
à la participation des étrangers à côté
des Juifs dans la formation d'un seul corps, un seul héritage,
une seule communauté de foi qu'est l'Église. L'auteur
présente cela comme un mystère, tenu caché
pendant des siècles, qui finit par être dévoilé
pour tous. Nous comprenons souvent la volonté de Dieu après-coup,
en revenant et en méditant sur le sens des événements.
Matthieu lui-même comprend Isaïe autrement, depuis qu'il
voit les étrangers adhérer de plus en plus nombreux
au Christ dans sa communauté. La vie lui a ouvert les yeux
sur quelque chose qu'il ne percevait pas auparavant. Ouvrons, nous
aussi, les yeux sur le monde qui nous entoure, et peut-être
percevrons-nous les nouvelles actions de Dieu que même Matthieu
ne pouvait voir en son temps... Quelle épiphanie aurons-nous
alors!
Rodolfo Felices Luna, bibliste
Iles-de-la-Madeleine
Source: Le Feuillet biblique,
no 2039. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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biblique de Montréal.
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