Autour
du salut
Le fils médiateur et le jugement
Jean
3, 14-21
Autres lectures : 2
Chroniques 36, 14-16.19-23; Psaume
136 (137); Éphésiens
2, 4-10
La rencontre de Jésus avec Nicodème, racontée
au début de lÉvangile de Jean, sest
produite durant la visite de Jésus à Jérusalem.
Nicodème était un membre du Sanhédrin, cest-à-dire
le conseil des notables juifs qui avaient autorité sur les
affaires religieuses. Il représentait donc très bien
le peuple juif de son époque avec sa foi au Dieu Un, ainsi
que son attachement à la loi de Moïse.
Nicodème discute avec Jésus
Même sil devait être partculièrement
ancré dans le monothéisme, Nicodème a entendu
Jésus lui parler des trois personnes divines. De fait, Jésus
a commencé en lui révélant laction de
lEsprit qui est aussi mystérieuse que le vent et qui
donne accès au cur de la vie des trois personnes. Le
vent souffle où il veut et tu entends sa voix, mais tu ne
sais pas doù il vient ni où il va. Ainsi en
est-il de quiconque est né de lEsprit (Jean
3, 8). Quand le croyant a reçu lEsprit en lui pour
éclairer son intelligence, la relation mutuelle du Père
et du Fils lui devient plus abordable.
Le passage dévangile contient une
phrase difficile : Celui qui croit en lui (Jésus) échappe
au jugement, celui qui ne veut pas croire est déjà
jugé (Jean 3, 18). Bien que cette parole ait une
valeur éternelle, il faut la situer dans la vie publique
de Jésus pour en comprendre le sens. Cest dabord
dans les situations de conflit vécues par Jésus quon
découvre loriginalité de son message.
Nicodème le Pharisien
La parole de Jésus sadresse
à Nicodème, un pharisien qui est venu le rencontrer
un soir, presque en cachette. Pour les pharisiens qui représentent
le groupe juif le plus important de lépoque, la justice
de Dieu est claire. Dieu rend juste et saint celui qui se conforme
à la Loi. Lhomme qui accepte lenseignement du
groupe au sujet de lintelligence de la Loi a dautant
plus de chance de se justifier. Le bon élève des pharisiens
étudie comme il faut. Il méprise les autres : Cette
foule qui ne connaît pas la Loi, ce sont des maudits (Jean
7, 49).
Le jugement des pharisiens envers les pécheurs
est probablement caricaturé par les évangélistes
mais on retient le trait. Ils appliquent le principe : Cest
la stricte justice que tu rechercheras (Deutéronome
16, 19).
La souffrance, châtiment ou épreuve?
La magnifique lecture du Second livre
des Chroniques semble à première vue illustrer
ce principe de la stricte justice. La chute de Jérusalem
et la destruction du Temple ont été des événements
très significatifs pour la pensée religieuse dIsraël.
Également, la restauration de la Ville Sainte commençant
par le Temple a constitué un signe despérance
de grande portée.
Tous les auteurs de la Bible nont
pas nécessairement interprété la prise de Jérusalem
et lincendie du Temple de la même façon. Par
exemple, le
Psaume 44 voit la défaite devant Nabuchodonosor et son
armée comme une énigme insondable : Tout cela nous
advint sans tavoir oublié, sans avoir trahi ton alliance,
sans que nos curs soient revenus en arrière, sans que
nos pas aient quitté ton sentier (Ps 44, 18-19). Pour
sa part, lauteur du Second livre des Rois, réfléchissant
sur tous ces malheurs, en conclut que cest à cause
de lamoncellement des actes didolâtrie : Cela
arriva parce que les Israélites avaient péché
contre Yahvé leur Dieu, qui les avait fait monter du pays
dÉgypte, les soustrayant à lemprise de
Pharaon, roi dÉgypte (2 Rois 17, 7)
Le Chroniste, pour sa part, fidèle
à sa doctrine de la rétribution immédiate,
conclut que la tragédie est un châtiment pour le bref
règne de Sédécias, le dernier descendant de
David à occuper le trône de Jérusalem. Sous
le règne de Sédécias, tous les chefs des prêtres
et le peuple multipliaient les infidélités. Le péché
par excellence, à lépoque du Chroniste, est
la violation du sabbat. Un prophète de la même époque
déclare : Et si tu tabstiens de violer le sabbat,
de vaquer à tes affaires en mon jour saint, alors tu trouveras
tes délices en Yahvé, je te conduirai en triomphe
sur les hauteurs du pays (Isaïe 58, 13-14). Le Chroniste
rappelle la condamnation prononcée par Jérémie
: La terre sera dévastée et elle se reposera durant
soixante-dix ans, jusquà ce quelle ait compensé
par ce repos tous les sabbats profanés (2 Ch 36, 21;
Jr 25, 11-12).
La libération de la souffrance,
espoir du monde
Par ailleurs, une fois les soixante-dix ans dexil
passés, la fidélité du Seigneur sest
fait sentir par le décret de Cyrus, roi de Perse, accordant
la liberté de rebâtir la demeure de Dieu. La faveur
octroyée au peuple représente un prélude à
lévangile qui est aussi un acte de miséricorde
et de bonté.
Jésus a fréquenté
les pécheurs et a été pour eux l'occasion d'une
conversion, d'une démarche de foi et de renouveau.
Ceux qui avaient reçu des signes
damitié ont sans doute été plus aptes
à voir dans la Passion la preuve que les hommes ne comprennent
rien à Dieu. On ne pardonnait pas à Jésus davoir
aimé les pécheurs. On la tué comme blasphémateur.
Son comportement a paru opposé à ce que dit la loi
: Ne justifie pas le coupable! (Exode 23, 7) La Passion
a été mystérieusement préparée
par Moïse lorsquil a élevé le serpent de
bronze au désert. Le serpent dont limage se trouve
aux façades de nos pharmacies a toujours été
lié à la guérison.
Lattitude de Jésus envers les
pécheurs a révélé au monde la justice
de Dieu. Sen remettre à la justice stricte, cest
attirer sur soi les conséquences de ses uvres mauvaises.
Mais la justice de Dieu va jusquau don de la foi. Qui croit
en Jésus échappe au jugement!
Justice et miséricorde pour le monde
La miséricorde divine connaît une
extension cosmique dans la vision de saint Paul. Serions-nous déjà
ressuscités? Serions-nous déjà dans le ciel
avec le Christ? Paul sexprime comme si cétait
dès maintenant le cas : Avec lui, il nous a ressuscités;
avec lui, il nous a fait régner aux cieux, dans le Christ
Jésus (Ép 2, 6).
Comme le note la Bible de Jérusalem,
« ici et en Colossiens, Paul envisage comme réalité
déjà acquise (verbes au passé) la résurrection
et le triomphe céleste que lÉpître
aux Romains considérait plutôt dans lavenir
(verbes au futur). Cette eschatologie réalisée (fin
du monde anticipée) est un trait caractéristique des
épîtres de la captivité » (cf. note e
sur Ép 2,6).
La miséricorde daprès
Jean-Paul II
Lune des encycliques les plus marquantes
de Jean-Paul II demeure Dives in misericordia (Riche en miséricorde).
Il disait : « Lamour de Dieu est capable de se faire
proche de chaque enfant prodigue, de chaque misère humaine.
Celui qui est ainsi objet de sa miséricorde ne se sent pas
humilié, mais comme retrouvé et revalorisé,
La conversion à Dieu consiste toujours dans une découverte
de sa miséricorde, cest-à-dire de cet amour
patient et doux comme lest Dieu Créateur et Père
».
Pierre Bougie, PSS
Professeur au Grand Séminaire de Montréal
Source: Le Feuillet biblique,
no 2050. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre
biblique de Montréal.
Chronique
précédente :
Des mots qui portent!
|