Le Fils
La Transfiguration Marc
9, 2-10
Autres lectures : Genèse
22, 1-2.9a.10-13.15-18; Psaume
115(116); Romains
8, 31b-34
Si on cherche un fil conducteur à travers les lectures
de ce dimanche, c'est vraiment l'image du Fils qui s'impose.
Pour tracer un portrait de Jésus
la liturgie du carême procède par contraste. Le premier
dimanche, elle le montre au désert, tenté par Satan
(cf. Mc
1, 12-13). L'évangéliste ne dit pas, à
ce moment-là, que Jésus triomphe de cette mise à
l'épreuve. La réponse à cette interrogation
se trouve dans la suite de l'évangile; oui, Jésus
est plus fort que les esprits mauvais (cf. Mc
1, 23-28), oui, il est le Fils bien-aimé de Dieu (cf.
v. 7).
Prends ton fils unique, celui que tu aimes
(Gn 22,2)
Si Jésus est mis à l'épreuve
par Satan (l'Adversaire, selon le sens premier du mot), c'est Dieu
lui-même qui a mis Abraham à l'épreuve. Ce récit
n'est pas sans provoquer un certain malaise chez le lecteur d'aujourd'hui.
Le meilleur commentaire est sans doute celui de l'auteur de l'Épître
aux Hébreux : Par la foi, Abraham, mis à l'épreuve,
a offert Isaac, et c'est son fils unique qu'il offrait, lui qui
était le dépositaire des promesses (
) Dieu,
pensait-il, est capable même de ressusciter les morts; c'est
pour cela qu'il recouvra son fils, et ce fut un symbole (He
11, 17-19). Isaac, le fils bien-aimé, porteur de toute l'espérance
d'Abraham et de Sara, héritier de l'Alliance, est sauvé
par Dieu à cause de l'obéissance de son père.
Par fidélité envers son Dieu, Abraham n'a pas refusé
de lui offrir ce fils qui ne devait pas mourir.
Il n'a pas refusé son propre Fils
(Rm 8, 32)
Dieu ne pouvait pas être en
reste par rapport à Abraham! Puisque Dieu a consenti au sacrifice
de son Fils, tous ceux et celles qui ont foi en lui, ceux que
Dieu a choisis (v. 33), sont justifiés et sauvés.
Peu importent les obstacles rencontrés, peu importent les
accusations dont ils peuvent faire l'objet, ils sont sûrs
de trouver auprès de Dieu un intercesseur : Jésus
ressuscité (v.
34). Le sacrifice du Fils de Dieu est donc un événement
qui concerne toute l'humanité; bien plus c'est l'événement
par excellence de l'histoire, celui par lequel s'accomplit le projet
d'amour de Dieu pour sa création.
Celui-ci est mon Fils bien-aimé,
écoutez-le (Mc 9,7)
La déclaration de la voix céleste
n'a pas d'équivalent exact dans l'Ancien Testament; elle
fait cependant écho à plusieurs passages qui aident
à saisir sa signification. Le titre de Fils bien-aimé
renvoie à Isaac qui est désigné ainsi en Gn
22, 2.12.16 (cf. la première lecture). Le même
mot est employé en Jérémie
31 (38),20 pour parler d'Israël (au sens de l'ancien royaume
du Nord) : Éphraïm est-il pour moi un fils si cher,
un enfant tellement préféré, que chaque fois
que j'en parle, je veuille encore me souvenir de lui? C'est pour
cela que mes entrailles s'émeuvent pour lui, que pour lui
déborde ma tendresse, oracle de Yahvé.
Jésus, nouvel Isaac, est l'héritier
de la promesse de Dieu, offert en sacrifice par son Père.
Il est aussi le petit reste, celui qui concentre en sa personne
tout le peuple élu, objet de l'amour indéfectible
de Dieu.
Écoutez-le peut faire
allusion à plusieurs textes (par exemple : Dt
4,1; 5,1;
6,4;
9,1
etc
). Deux passages paraissent particulièrement évocateurs
: Ex
23, 20-21 et Dt
18, 15. Le premier appartient à la conclusion du Code
de l'Alliance : Voici que je vais envoyer mon ange devant toi
pour qu'il veille sur toi(
) révèle-le et écoute
sa voix (
) car mon Nom est en lui. Jésus est l'envoyé
de Dieu, celui en qui habite le Nom divin, chargé de conduire
le nouveau peuple de Dieu vers la nouvelle Terre Promise du Royaume.
Le deuxième texte occupait une place importante dans l'espérance
de certains groupes à l'intérieur du monde juif et
aussi des Samaritains: Yahvé ton Dieu suscitera pour toi,
du milieu de toi, parmi tes frères, un prophète comme
moi que vous écouterez. Ce discours est attribué
à Moïse. Jésus apparaît sous les traits
d'un nouveau Moïse, prophète et législateur de
la Loi nouvelle. Moïse et Élie viennent légitimer
cette reconnaissance de Jésus comme le guide par excellence,
celui qu'on doit écouter pour connaître la volonté
de Dieu.
Ses vêtements devinrent resplendissants
(Mc 9, 3)
On croirait presque lire une publicité
pour une marque de lessive! L'élément visuel est le
plus important dans la description de l'expérience vécue
par les apôtres. Jésus est transformé - on ne
dit pas comment - et ses vêtements deviennent d'une blancheur
qui dépasse la réalité. Dans la tradition biblique,
les vêtements blancs sont le signe de l'appartenance au monde
divin; par exemple, dans le livre de Daniel, l'Ancien des jours
porte des vêtements blancs comme la neige (Dn
7,9 - version grecque de Théodotion). Dans le Nouveau
Testament, les vêtements blancs servent souvent à identifier
les personnages célestes (voir, par exemple, Mt,
28, 3; Mc
16, 5; Jn
20,12; Ac
1,10 etc
). Dans le présent récit, il s'agit
d'un indice important pour comprendre le sens de la scène.
Jésus vient tout juste d'annoncer que certains parmi les
disciples verront le Royaume de Dieu venant avec puissance (Mc
9, 1). Sur la montagne, il se montre dans sa Gloire, anticipant
déjà sa résurrection. Les disciples sont autorisés
à jeter un coup d'il sur ce que sera le monde nouveau,
entièrement transformé par la puissance de Dieu. On
comprend la réaction de Pierre qui voudrait que cet instant
se prolonge toujours (v.
5).
Jérôme Longtin, ptre
Diocèse Saint-Jean-Longueuil
Source: Le Feuillet biblique,
no 2048. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre
biblique de Montréal.
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