Pour
la croissance de l'humanité
Les apparitions de Jésus ressuscité
Marc
16, 15-20
Autres lectures : Actes
1, 1-11; Psaume
46(47); Éphésiens
4, 1-13
Depuis longtemps déjà, lensemble des spécialistes
de la Bible sentendent pour reconnaître que les versets
9 à 20 de lÉvangile selon saint Marc
sont de la main dun deuxième rédacteur. Cette
partie finale de luvre, en effet, manque dans quelques
manuscrits importants. De plus, le style de ces lignes diffère
considérablement de celui de lévangéliste
Marc. On ny retrouve pas les traits typiques de son
écriture, directe et concrète. Cependant, cette portion
de texte apparaît dans plusieurs manuscrits datant du 2e siècle,
donc très anciens. Par conséquent, il serait inapproprié
de les écarter trop rapidement.
Un manque à combler
Comment expliquer la présence de cet ajout? Notons
dabord la fin plutôt abrupte de lévangile
en labsence de ces versets supplémentaires. Il se terminerait,
en effet, avec la découverte par les femmes du tombeau vide
et lapparition dun ange qui les envoie annoncer que
le Christ est vivant. Mais il ny aurait alors aucune rencontre
avec le Ressuscité. Le dernier verset serait : Elles sortirent
et senfuirent du tombeau, parce quelles étaient
toutes tremblantes et hors delles-mêmes. Elles ne dirent
rien à personne, car elles avaient peur (Marc
16, 8). Comme finale, on a déjà vu plus stimulant!
Les femmes, en raison de leur crainte, nauraient même
pas donné suite à la demande de lange... Assez
peu représentatif de la suite des choses, compte tenu de
la rapide expansion du message évangélique. On suppose
donc que lévangéliste Marc aurait rédigé
une finale rapportant des apparitions du Christ vivant et qui se
serait perdue pour une raison inconnue. On aurait comblé
ce manque par les versets 9 à 20.
Des points de vue différents
La première partie de la finale de lÉvangile
de Marc (vv.
9-14) se présente comme un résumé des récits
dapparitions des autres évangélistes (Mt
28, 9-20; Lc
24, 13-49; Jn
20, 11-29). Suit lenvoi en mission des disciples par le
Ressuscité (vv.
9-20), qui constitue la lecture évangélique de
ce dimanche. Lauteur de ces lignes reprend ainsi un élément
essentiel qui apparaît dans les autres évangiles. Si
le Christ sorti de la mort vient à la rencontre de ses disciples,
ce nest pas dans le simple but de montrer quil avait
raison ou de les épater. Il vient leur confier un rôle
déterminant pour lavenir de lhumanité :
proclamer la Bonne Nouvelle de la résurrection au monde entier.
Il en est bien ainsi aussi dans la première lecture, tirée
des Actes des Apôtres. Contrairement au récit
de Marc, celui de Luc dans les Actes ne mentionne
pas les signes qui vont accompagner la prédication des Apôtres.
On y lit plutôt un échange entre les disciples et Jésus
au sujet du moment où la royauté sera rétablie
en Israël. Le Christ est clair : il nappartient
pas aux Apôtres de connaître les délais et lheure
car Dieu les déterminera dans sa liberté souveraine.
Une autre différence majeure apparaît
entre les deux textes. Dans les Actes, il va sécouler
un certain temps entre le moment où le Ressuscité
quittera ses Apôtres et le départ de ceux-ci en mission.
Ils devront attendre en effet quelques jours afin de recevoir
lEsprit Saint. Cest alors quils pourront se lancer
sur les routes pour proclamer la Bonne Nouvelle. Dans la finale
de lÉvangile selon saint Marc, il nest
pas question dune telle attente. Lenvoi en mission est
immédiat, comme chez Matthieu : Allez dans
le monde entier. Et sitôt Jésus enlevé
au ciel, les disciples commencent à proclamer partout
la Bonne Nouvelle.
Ces divergences nous rappellent que
nous navons pas affaire à des reportages en direct
mais à des récits qui visent à transmettre
non pas une information mais un enseignement. Chaque auteur a ses
accents propres, ses préoccupations particulières.
Ainsi, lévangéliste Luc donne un rôle
déterminant à lEsprit, surtout dans son livre
des Actes. Dans cet ouvrage, lEsprit est constamment
en train de faire progresser les choses, de pousser les personnages
à agir ou à changer leurs plans. En indiquant que
les Apôtres doivent attendre sa venue avant que la mission
ne commence vraiment, Luc laisse entendre que rien ne peut
se faire sans lintervention de lEsprit. Le rédacteur
de la finale de Marc a visiblement un point de vue différent.
Sans dire que lEsprit est absent de la suite de lhistoire,
il sintéresse plutôt aux signes qui accompagneront
les missionnaires de la Bonne Nouvelle.
À léchelle mondiale
Dans le récit qui clôture lÉvangile
selon saint Marc, la mission est clairement universelle. Jésus
envoie les siens proclamer la Bonne Nouvelle à toute la
création. Cest à dire non seulement aux
être humains mais aussi à lunivers entier. Ce
détail révèle la conscience de lÉglise
des premiers temps de lampleur de la tâche qui lui était
confiée. Elle se sait investie dun devoir qui déborde
les limites temporelles et physiques. Annoncer la Bonne Nouvelle
de la résurrection, cest chercher à faire croître
lhumanité, à lamener au-delà delle-même.
En tant que baptisés vivant au 21e siècle, nous sommes
les dépositaires de cette mission. Jusquà quel
point sommes-nous conscients de la noblesse et de la grandeur de
notre rôle ici et maintenant, personnellement et collectivement?
Bien souvent, nos regards ne dépassent pas limmédiat,
le court terme, notre milieu paroissial, notre église...
Il est normal de voir aux affaires qui nous touchent de plus près.
Mais il fait bon aussi, à loccasion, de nous laisser
interpeller par des propos comme ceux de lévangile
de ce dimanche et de replacer notre mission dans un contexte plus
large, plus englobant. À lheure de la mondialisation,
ce serait une grave erreur pour lÉglise que de se replier
sur elle-même.
Baptême et refus de croire
Vient ensuite une déclaration solennelle
du Ressuscité qui associe le baptême au salut et le
refus de croire à la condamnation. Le baptême est présenté
ici comme laboutissement de la proclamation de la Bonne Nouvelle.
Celle-ci devrait susciter ladhésion qui se concrétise
par le baptême qui est lui-même gage de salut. Le refus
de croire à la Bonne Nouvelle, libre et volontairement décidé,
est au contraire considéré comme une « auto-condamnation
». En dautres termes, si la personne qui annonce la
Bonne Nouvelle se heurte à un refus, elle ne doit pas sen
sentir coupable. Chaque individu est responsable de ses actes et
de ses décisions et doit sattendre à en assumer
les conséquences.
Des signes parlants
Une particularité du récit
final de lÉvangile selon saint Marc est la description
des signes qui accompagneront ceux qui deviendront croyants.
Lauteur en mentionne cinq : chasser les esprits mauvais,
parler un langage nouveau, protection contre les serpents, immunité
contre les poisons, guérison des malades. Ces signes sapparentent
à ceux que Jésus lui-même a donné au
cours de son ministère terrestre et vont même plus
loin. Le langage nouveau sera nécessaire aux disciples qui
devront proclamer la Bonne Nouvelle jusquaux confins de la
terre, chez des peuples qui parlent des langues étrangères.
La protection contre les serpents et les poisons va dans le même
sens : les Apôtres vont sengager sur des routes
incertaines. Quels périls les attendent? Ils peuvent rencontrer
des bêtes menaçantes et des individus mal intentionnés.
Le Seigneur les a envoyé : il ne les laissera pas sacquitter
seuls de leur tâche.
Jean Grou, bibliste
Diocèse de Québec
Source: Le Feuillet biblique,
no 2059. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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biblique de Montréal.
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