«
Tu aimeras »
Le premier de tous les commandements
(Matthieu
22, 34-40)
Autres lectures : Exode
22, 20-26; Ps
17(18); 1
Thessaloniciens 1, 5c-10
Des spécialistes de la Bible demandent à Jésus
de se prononcer sur le contenu essentiel de la Révélation
divine. Des « docteurs » diplômés de la
ville et reconnus par la société comme étant
à la fine pointe de l'interprétation des textes sacrés
confrontent Jésus, le paysan populaire, sans grande éducation.
Derrière leur question apparemment pieuse
et innocente se cachent une foule de préjugés condescendants
: « Que peux-tu bien comprendre à la Loi, toi, un charpentier
du village de Nazareth? On ne t'a jamais vu à l'école
de quelque rabbi prestigieux. Saurais-tu mieux que nous résumer
l'essentiel de la volonté de Dieu d'après les Écritures?
Compte tenu du nombre de textes, de lois et de règlements
pour les appliquer selon toutes les circonstances inimaginables,
ce n'est pas une mince tâche! À coup sûr, cela
prend de longues études et une familiarité avec les
discussions savantes en cours... Que vas-tu bien nous sortir comme
réponse? »
Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout
ton coeur...
Jésus n'essaie pas du tout
d'entrer en compétition avec les docteurs de la Loi. L'homme
de Nazareth ne se fixe pas pour objectif d'impressionner ses interlocuteurs
par des considérations et des nuances savantes, qui ne sont
pas son fait. En bon paysan Juif pratiquant, Jésus se limite
à réciter humblement le début du «Je
crois en Dieu» de sa tradition religieuse. On trouve cette
émouvante confession de foi dans le livre du Deutéronome
(Dt 6, 4ss) : Écoute, Israël : le Seigneur, notre
Dieu, est notre seul Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu...
Sans prétention aucune et sans apparat, la réponse
est ajustée à souhait. Qui pourrait contester le Credo
d'Israël? Ainsi, l'humilité de Jésus lui permet
de voir, au cur de la Révélation divine, l'amour
de Dieu, tout simplement.
L'humilité de Jésus lui permet
de s'exprimer justement, sans fausseté ni compromis. Or,
Jésus n'en reste pourtant pas là, mais il va au-devant
de la prochaine question qui aurait pu jaillir de la bouche de ses
savants interlocuteurs : « Oui, comme c'est beau! Mais, en
quel sens...? Comment aimer Dieu de tout son cur, de toute
son âme, de tout son esprit? C'est là-dessus que les
divergences d'opinion commencent. Qu'en dis-tu?» Jésus
était prêt pour cette réplique, qui aurait sûrement
été exprimée avec un sourire condescendant
aux lèvres. En effet, toutes les grandes religions et tous
les grands maîtres spirituels prêchent l'amour, rien
de nouveau sous le soleil! Des guerres de religion se déclenchent,
cependant, du moment où on essaie de spécifier en
quoi consiste l'amour. Jésus voit venir le coup et il le
pare à l'avance en proposant d'identifier lui-même
un second commandement, tout aussi important que le premier. Là,
il surprend à coup sûr ses interlocuteurs, qui non
seulement ne s'attendent pas à un surplus d'information,
mais qui savent qu'il n'existe pas de commandement arrivant à
la cheville du premier, dans tous les livres de la Loi et des Prophètes.
« Ça y est! ils se disent Jésus
va s'enfoncer dans une erreur monumentale au vu et au su de tout
le monde présent à la discussion. Son ignorance va
être manifeste pour tous », espèrent-ils.
Tu aimeras ton prochain comme toi-même
Jésus risque le tout pour le
tout et cite un vieux commandement enfoui dans le livre du Lévitique
(Lv 19, 18) : Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
D'après la spiritualité de Jésus, ce verset
que les docteurs de la Loi auraient pu qualifier de mineur, s'avère
capital pour comprendre et pratiquer le commandement fondamental
d'Israël. Jésus fournit donc ouvertement à ses
adversaires la clef de lecture qui l'autorise à tout subordonner
même le culte au Temple et le repos du sabbat
au soin à apporter aux plus démunis de la société
: pauvres, malades, impurs, pécheurs, exclus de toute sorte,
etc. Jésus adhère de tout son cur, de toute
son âme, de tout son esprit à l'amour de Dieu. Néanmoins,
pour le prophète de Nazareth, cet amour de Dieu trouve son
expression la plus parfaite, la plus sublime, la plus noble, la
plus acceptable pour Dieu, dans l'amour dévoué pour
la personne humaine et dans la lutte constante pour qu'elle retrouve
sa dignité et son bonheur. Selon Jésus, impossible
d'aimer Dieu sans se soucier des autres, surtout des plus mal-pris,
quelle que soit leur origine, leur condition sociale, leur statut
juridique, leur valeur morale même! En effet, dans un autre
passage saisissant de l'Évangile (Luc
10,29-37), Jésus spécifiera au moyen d'une parabole
que, pour lui, «son prochain» veut dire toute personne
en détresse devant soi, bien au-delà de la famille,
des amis et des gens aux intérêts semblables. Bref,
la réponse de Jésus est : « Aide par tous les
moyens à ta disposition quiconque en a besoin, et tu aimeras
ainsi Dieu comme Il le veut ». Toute autre interprétation
du premier commandement conduit selon Jésus à se faire
d'autres dieux que le seul Seigneur qu'il faut adorer. L'égoïsme,
l'argent, notre seul plaisir deviennent alors des idoles, que même
la prière pieuse ne peut écarter.
La charité et la compassion au
cur de l'Alliance
Exode 22, 20-26
...« Tu nemaltraiteras point l'immigré qui réside
chez toi, tu ne l'opprimeras point...»
L'Évangile d'aujourd'hui est merveilleusement
complété par une série des commandements tirés
du livre de l'Exode (Ex 22,20-26), illustrant point par point
en quoi consiste aimer son prochain comme Jésus le propose.
Pas de traitement de seconde classe pour les immigrants, d'où
qu'ils viennent, peu importe leur race, leur langue ou leur religion.
Pas d'abus envers ceux qui ne peuvent se plaindre : les veuves et
autres femmes seules, laissées à se débrouiller
par leurs propres moyens... les orphelins et autres jeunes dans
la rue, sans la protection d'un parent bienveillant... les personnes
sans domicile, sans travail, sans papiers... Pas d'intérêt
quand il s'agit de prêter de l'argent aux plus pauvres! Pas
de chantage ou de condition imposés à ceux qu'on consent
à aider. Ces lois de l'Ancien Testament ont orienté
les engagements de Jésus, pourquoi pas les nôtres?
Attention aux idoles
1 Thessaloniciens 1, 5c-10
...« Vous avez commencé à nous imiter, nous
et le Seigneur, en accueillant la Parole au milieu de bien des épreuves
avec la joie de l'Esprit Saint... ».
Paul loue les chrétiens de Thessalonique,
parce qu'ils se sont détournés des idoles afin de
servir le Dieu vivant et véritable, à la manière
de Jésus. Nous qui confessons notre foi en Jésus Christ,
puissions-nous constamment nous détourner des idoles qui
nous sont présentées, pour qu'en adorant l'unique
Seigneur de nos vies, nous consacrions toutes nos énergies
à soulager et à combattre la misère du pauvre
monde.
Rodolfo Felices Luna, bibliste
Iles-de-la-Madeleine
Source: Le Feuillet biblique,
no 2028. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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biblique de Montréal.
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