À
la table de Dieu
Le banquet de noces
(Matthieu 22, 1-14)
Autres lectures : Isaïe 25, 6-9;
Ps 22(23); Philippiens 4, 12-14.19-20
La parabole de la noce royale précède le récit
des derniers jours de Jésus à Jérusalem. Elle
est en lien avec les paraboles des deux fils (21, 28-32) et des
vignerons meurtriers (21, 33-46). Cette dernière présente
le même scénario que l'évangile de ce dimanche.
Si, d'une part, un reproche sévère s'adresse aux autorités
juives qui refusent le message de l'Évangile, d'autre part,
le festin royal est bonne nouvelle pour toutes les nations et l'assemblée
des croyants réunis en Église.
L'initiative étonnante du roi
Un roi célèbre les noces de
son fils et le bonheur d'un tel événement se doit
d'être partagé. Alors, il envoie des invitations. Chose
déroutante, les invités refusent par intérêt,
par désinvolture ou par indifférence, et vont jusqu'à
maltraiter les serviteurs (v. 6). Ce refus de participer à
la fête provoque alors le roi qui offre gratuitement et généreusement
son bonheur à ceux et celles à qui le repas n'était
pas destiné d'emblée, à savoir aux étrangers,
aux inconnus rencontrés par hasard, aux gens ignorés.
Mais, depuis quand Dieu agit-il comme les humains? Le salut de Dieu,
en effet, est offert à tous sans exclusive, sans limites,
sans conditions.
L'image du banquet en Isaïe
Le Seigneur, Dieu de l'univers, préparera pour tous
les peuples, sur sa montagne, un festin de viandes grasses et de
vins capiteux, un festin de viandes succulentes et de vins décantés...
(Isaïe 25, 6-9).
Le festin nuptial est la comparaison
à laquelle les écrivains bibliques ont fréquemment
recours pour parler du monde à venir. Isaïe aperçoit
ce temps où toutes les populations juives dispersées
à travers le monde seront rassemblées :
Il enlèvera le voile de
deuil...
Il détruira la mort pour toujours...
Le Seigneur essuiera les larmes sur
tous les visages, et par toute la terre il effacera l'humiliation
de son peuple...
La comparaison est d'un usage fréquent
dans la Bible et dans la tradition rabbinique. Elle commence souvent
par une question pour répondre à une question ou à
un dilemme. Puis, cette comparaison se développe, devient
la trame d'un récit dont on tire un enseignement, une morale,
révèlant ainsi une réalité qui n'est
pas de ce monde.
Matthieu, à la lumière de
la résurrection, interprète le banquet messianique
comme un événement qui est là. Toutes les nations
païennes en deviennent les bénéficiaires et sont
conviées au repas de l'alliance.
Manifestement, le roi représente
Dieu qui vient au devant des hommes par serviteurs interposés;
les noces de son fils évoque la venue de Jésus parmi
les hommes et son ministère terrestre; les invités,
le peuple juif comme partenaire de l'Alliance; les serviteurs, tous
les prophètes que, maintes fois, les autorités juives
ont mis à mort.
Cette parabole du festin royal est relatée
par deux évangélistes qui ont vraisemblablement puisé
à une même source. Cependant, le rédacteur-évangéliste
Matthieu développe avec beaucoup plus de détails la
parabole : plusieurs délégations de serviteurs au
lieu d'une seule avec un serviteur, les mauvais traitements, la
colère du roi, le massacre des serviteurs, le vêtement
de noce.
Cette différence peut faire voir
les préoccupations théologiques et le souci pastoral
de Matthieu, qui situe la parabole dans un contexte de jugement
celui de Jésus par les autorités religieuses
, mais aussi dans celui de l'ouverture de l'Église
primitive aux païens. Dieu offre son bonheur à tous
les humains, sans distinction; il les appelle tous à une
communion des curs et des esprits. Chez Luc, les invités
sont les boiteux, les aveugles, les pauvres, les indigents, tous
les humiliés. Cette ouverture sans précédent
provoqua inévitablement un malaise chez certains judéo-chrétiens.
De quel vêtement s'agit-il?
La mini-parabole du roi qui rend visite
aux convives et rejète l'homme ne portant pas le vêtement
de noce peut choquer et heurter. La formule est pour le moins percutante.
Il faut éviter de lui faire dire ce qu'elle n'affirme pas.
Aussi, faut-il s'attarder au sens de cet épisode.
Le vêtement de noce est le
vêtement de la grâce reçue avec humilité.
Dieu, aimant et fidèle, invite gracieusement et veut combler
sans mesure tous les humains. Le don n'appelle-t-il pas le contre-don?
Dans le même mouvement, chacun, chacune ne doit-il pas saisir
sa vie comme un don d'amour qu'il retourne à la Source? À
la grâce offerte n'est-il pas normal que succèdent
l'action de grâce, le chant de louange, la joie débordante
de la fête? Hélas, l'histoire biblique ne cesse de
faire voir que si tous sont appelés à répondre
personnellement au désir d'amour de Dieu, chacun peut aussi
refuser ce qui est offert.
La finale de la parabole insiste
donc sur la réponse personnelle qui est requise, sur le devoir
de ne pas s'installer comme chez soi, de respecter l'esprit de l'invitation
; tout est donné, mais tout reste à faire. Les croyants
qui ont devant les yeux l'attitude de Jésus, ont à
consumer leur vie à la manière de leur Sauveur; il
s'agit de mener une existence chrétienne dans les sentiers
de la justice et de la droiture, de la compassion et du pardon,
de la patience et de la douceur, autrement dit dans l'amour. En
étant universel.
Enfin, pour les chrétiens, dans
le rassemblement en Église, le repas eucharistique nourrit
de vie éternelle ceux et celles qui mangent de ce pain (Matthieu
26, 26-29). Dans la célébration du repas du Seigneur
ressuscité, la communauté reçoit le don du
Père et apprend à donner. Quel moment privilégié
d'action de grâce au Père qui donne le Fils! Il se
poursuit, aujourd'hui, ce festin pour qui répond à
l'invitation : Voici... Tout est prêt : venez au
repas de noce (v. 4).
La vraie richesse dans le Christ
... Je peux tout supporter avec celui qui me donne la force.
Cependant, vous avez bienfait de m'aider tous ensemble quand j'étais
dans la gêne... (Philippiens 4, 12-14.19-20).
N'y a-t-il pas chez l'apôtre Paul
le comportement exemplaire exigé de qui reçoit l'invitation
du Seigneur? L'accès au festin n'est-il pas toujours lié
à la bonne conduite durant la vie présente?
Paul apparaît peu enclin à
rechercher dans son apostolat un bénéfice personnel.
L'aide reçue des Philippiens n'est-elle pas envisagée
avant tout par le missionnaire comme une démarche religieuse
de la part de ses frères et surs dans la foi, une façon
de participer à l'annonce de l'Évangile?
Julienne Côté, CND, bibliste
Montréal
Source: Le Feuillet biblique,
no 2026. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre
biblique de Montréal.
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