Attentes
divines et réponses humaines
Parabole des vignerons meurtriers
(Matthieu 21, 33-43)
Autres lectures : Isaïe 5, 1-7;
Ps 79(80); Philippiens 4, 6-9
La parabole dite « des vignerons homicides » raconte
la triste histoire d'un propriétaire terrien qui confie sa
vigne à des vignerons salariés, mais qui ne reçoit
en retour que les mauvais traitements infligés à ses
émissaires. Le propriétaire est en droit de s'attendre
aux fruits de la vigne, mais il ne récolte que le mépris
et le refus de ses employés. En dernier, les vignerons osent
tuer le fils du propriétaire, espérant follement hériter
de la vigne, alors que le propriétaire, même absent,
est toujours vivant. Il ne tardera pas à chasser les vignerons
homicides de son domaine, pour confier sa vigne ensuite à
de plus fidèles intendants de son bien.
Allégorie de l'histoire du salut
La parabole se veut en fait une allégorie
détaillée de l'histoire du salut. Dieu (le propriétaire)
a confié la direction de son peuple, Israël (la vigne)
aux prêtres et aux docteurs de la Loi (les vignerons), mais
ces derniers refusent la parole des prophètes (les serviteurs)
qui leur sont envoyés par Dieu pour exiger les fruits de
l'Alliance. Dans un geste de miséricorde, Dieu leur envoie
son propre Fils, Jésus de Nazareth (le fils héritier),
pour qu'ils se convertissent et qu'ils donnent le fruit escompté.
Les chefs religieux d'Israël non seulement ne reconnaissent
pas l'autorité du Fils de Dieu, mais ils le mettent à
mort, dans l'espoir de garder une fois pour toutes le contrôle
sur le peuple de Dieu. Leur démarche aveugle s'avère
futile, cependant, parce que Dieu va leur enlever toute autorité
et la confier à de nouveaux guides, les apôtres, pour
former un nouveau peuple de Dieu, l'Église, qui sache répondre
aux attentes de Dieu.
Bienveillance et miséricorde divines
La parabole des vignerons homicides ne met
pas en scène la vengeance de Dieu, mais bel et bien sa miséricorde,
efficace et bienveillante. Dieu pourvoie généreusement
aux besoins spirituels de son peuple, en suscitant des prêtres,
destinés à guider Israël sur le chemin de la
sainteté. Quand ces prêtres, trop humains, manquent
à leur devoir ou se méprennent sur les intentions
de Dieu, égarant par le fait même les fidèles
qui leur sont confiés, Dieu prend les mesures nécessaires
pour les en avertir et les ramener tous sur le droit chemin. C'est
le rôle des prophètes. Malheureusement, les prêtres
s'entêtent à toujours avoir raison et ils n'écoutent
pas les prophètes. Pris de pitié pour son peuple à
la dérive, pour ses prophètes malmenés et pour
ses prêtres égarés, Dieu leur envoie son propre
Fils que, espère-t-il, ils écouteront. Or, Jésus
est crucifié par les Romains, sur accusation des prêtres
Juifs.
Peuple recherché
L'histoire aurait pu alors se terminer par
le massacre de tous par un Dieu vengeur. Ce n'est pourtant pas cela
qui se produit. Bien au contraire, Dieu cherche de nouveaux guides
pour tous ceux et celles qui le cherchent avec passion, qu'ils soient
Juifs ou pas. Parce que le peuple choisi se montre récalcitrant
au projet divin, Dieu trouve efficacement une issue inattendue à
l'impasse. Le Royaume de Dieu dépassera les frontières
d'Israël, qui n'en aura plus l'exclusivité. Ainsi, pour
que son plan se réalise, Dieu se tournera vers d'autres gens
et leur confiera l'héritage d'Israël. Une Église
universelle naîtra du refus persistant du peuple choisi. La
miséricorde de Dieu ne connaît donc pas de limites,
surtout pas celles de nos infidélités.
Une mise en garde
L'humain étant ce qu'il est, souvent
orgueilleux, faible et aveugle sur son propre sort, il serait vain
de nous sentir à l'abri de l'erreur au sein de notre Sainte
Église Catholique Romaine. À notre tour donc d'écouter
la Parole du Christ dans l'Évangile et de prendre garde à
ne pas nous égarer de la route qu'il nous propose. Nous n'enfermerons
jamais dans une religion, quelle qu'elle soit, le Dieu Vivant. Si
nous ne portons pas le fruit escompté, si nous lapidons les
prophètes qui nous sont envoyés, si nous défigurons
le visage du Christ, Dieu n'hésitera pas à vider nos
Églises et à confier l'héritage chrétien
à d'autres gens qui sachent mieux le faire fructifier. Parole
d'évangile!
Les fruits de la vigne : le droit et la
justice
...Pouvais-je faire pour ma vigne plus que ne n'ai fait? J'attendais
de beaux raisins, pourquoi en a-t-elle donné de mauvais?...
(Isaïe 5, 1-7).
La parabole des vignerons homicides de l'Évangile
est une « version corrigée et augmentée »
de celle qui se trouve dans la première lecture, tirée
du livre du prophète Isaïe (Isaïe 5,1-7). Avant
Jésus, Isaïe comparait déjà Israël
à une vigne qui devait porter le fruit que Dieu attendait
d'elle après autant de bons soins. La version d'Isaïe
a le grand mérite de spécifier de façon explicite
que le fruit escompté par Dieu n'est autre chose que «
le droit », « la justice » (5,7). Voilà
ce que Dieu attend de nous! Par contre, Isaïe termine sa parabole
par la dévastation de la vigne en guise de punition, ce qu'évite
la version évangélique. De plus, en introduisant le
personnage des vignerons, l'Évangile concentre l'attention
sur les chefs religieux, qui sont responsables devant Dieu des fruits
du peuple qui leur est confié. Les serviteurs envoyés
aux vendanges, symbolisant les prophètes comme Isaïe,
et le fils héritier, représentant Jésus le
Christ, ajoutent à la nouveauté de l'Évangile.
Néanmoins, ce qui constitue l'originalité la plus
importante de l'Évangile, c'est que, au lieu de détruire
la vigne pour sa stérilité, Dieu confie le soin de
la vigne à des étrangers. Pour l'Évangile,
Dieu ne manque jamais de recours quand il s'agit de mener son projet
de salut à bien. Quitte à nous surprendre et à
bouleverser ce qu'on croyait acquis et inébranlable pour
toujours...
La paix de Dieu
... Ce que vous avez appris et reçu de moi, mettez-le
en pratique... (Philippiens 4, 6-9)
L'agir inattendu et puissant de Dieu dans
la première lecture et dans l'Évangile pourrait nous
laisser craintifs, nous qui savons très bien que nous sommes
souvent infidèles à Dieu, nous qui sommes confrontés
fréquemment à notre propre stérilité.
Les mots de réconfort de Paul aux Philippiens tombent fort
à propos : ne soyez inquiets de rien, mais en toute circonstance,
dans l'action de grâce priez et suppliez... (4,6). Dieu
sait que nous nous égarons. C'est pourquoi il nous envoie
constamment des prophètes. Dieu ne veut pas nous condamner,
mais bien nous sauver. À nous d'écouter, d'où
que cela vienne. À nous de mettre en pratique tout ce qui
est vrai et noble, tout ce qui est juste et pur, tout ce qui
est digne d'être aimé et honoré, tout ce qui
s'appelle vertu et qui mérite des éloges (4,8).
Plus nous porterons du fruit, malgré nos chutes, plus nous
ressentirons la paix de Dieu nous envahir.
Rodolfo Felices Luna, bibliste
Iles-de-la-Madeleine
Source: Le Feuillet biblique,
no 2025. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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biblique de Montréal.
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