L'humilité
de l'obéissant
Parabole des deux fils (Matthieu
21, 28-32)
Autres lectures : Ézéchiel
18, 25-28; Ps 24(25); Philippiens 2, 1-11
La parabole des deux fils au comportement inconstant rappelle
une autre parabole comme sous le nom de l'enfant prodigue, que l'on
trouve dans l'évangile de Luc. Dans les deux cas,
le message porte sur la conversion et il est mis en lumière
par l'agir contrasté des deux fils.
Le thème du père et des deux fils
dans le cas de l'enfant prodigue (Luc 15, 11-32) servait surtout
à illustrer l'attitude de Dieu vis-à-vis des pécheurs.
Jésus en était l'image : Celui-ci accueille des pécheurs
et mange avec eux (Luc 15, 2). Jésus exprimait la bonté
du père, ému de tendresse pour son fils repentant
qui revenait à la maison. Le fils aîné montrait
de la jalousie pour le cadet et la fête qu'on lui faisait.
L'attitude du père était contestée.
Obéissance à retardement
La parabole des deux fils met l'accent non
plus sur le père mais sur les fils. On ne souligne pas l'attitude
de Dieu, puisque le père ne réagit pas à la
vraie disponibilité de l'un et à la fausse obéissance
de l'autre. Les chefs des prêtres et les anciens à
qui s'adresse la parabole sont comme le deuxième fils. Ils
disent être obéissants, ils appellent le père
« Seigneur » mais ils ne font pas ce que le père
demande. Ils se consièrent justes mais ils ne le sont pas.
Ils ont interdit l'accès du temple aux païens et ils
en ont fait « un repaire de brigands » : leur péché
sera bientôt dévoilé (Matthieu 21, 12-17).
La résistance des chefs des prêtres
et des anciens à la parole de Jean le Baptiste prouve leur
mauvaise volonté. La prédication de Jean avait inauguré
le royaume (Mt 3, 2). Les chefs spirituels d'Israël avaient
eu l'occasion de se convertir, mais ils s'étaient enfermés
dans leur suffisance. Les publicains et les prostituées,
au contraire, après un premier temps où ils ont dit
: « Je ne veux pas», se sont reconnus pécheurs,
se sont repentis, et ont cru en la parole. Ceux qu'on excluait juridiquement
du peuple choisi à cause de leur péché sont
ceux qui se sont montrés ouverts à la conversion.
On ne fait pas ce qu'on veut avec les
enfants...
Le livre de la Genèse raconte
l'histoire des deux fils : Ésaü et Jacob. Les deux attendaient
la bénédiction de leur père Isaac. Jacob a
demandé la bénédiction qui devait aller à
son frère aîné, en trompant son père
par un déguisement. Ésaü a demandé la
bénédiction d'Isaac lui aussi, mais trop tard. Isaac
n'a pu que lui faire une prophétie de bonheur.
Malgré son mensonge, Jacob s'est racheté
par la suite en obéissant à son père et en
se mariant avec sa cousine. Ésaü, au contraire, s'est
laissé séduire par la beauté des femmes cananéennes,
au grand chagrin de ses parents et au péril de sa foi (Gn
28, 6). À cette époque épouser une femme étrangère
était s'exposer soi-même à l'idolâtrie.
« On ne fait pas ce qu'on veut avec
nos enfants », disent les parents des adolescents. C'est normal,
et même souhaitable au moins pour le temps qu'ils affirment
leur personnalité. Pour les parents, il faut beaucoup de
patience. C'est l'attitude de Dieu jusqu'à ce que notre oui
soit oui et notre non soit non.
N'oublions pas que cette parabole comme
toutes les autres est une abstraction logique. La vie est différente
car les disciples de Jésus sont tantôt comme l'un ou
l'autre des fils. Il y a le fils qui dit : « J'y vais »
pour ensuite ne pas aller. Comment ne pas se reconnaître dans
ce personnage? La foi morte, l'assentiment sans l'action, le christianisme
de façade, c'est trop souvent le nôtre.
L'humilité du Fils
Lui qui était dans la condition
de Dieu, il n'a pas jugé bon de revendiquer son droit d'être
traité à l'égal de Dieu; mais au contraire,
il se dépouilla lui-même prenant la condition de serviteur.
Par ailleurs, on peut admirer l'humilité
du fils qui a reconnu son tort. Oserios-nous attribuer cette humilité
à celle de Jésus? Au Christ humilié et exalté
(Ph 2, 6-11) saint Paul (deuxième lecture) parle justement
de cette humilité qui nous vaut la rédemption : Lui
qui était dans la condition de Dieu, il n'a pas jugé
bon de revendiquer son droit d'être traité à
l'égal de Dieu; mais au contraire, il se dépouilla
lui-même en prenant la condition de serviteur. Le mystère
de l'Incarnation qui prépare celui du salut par la croix
est un mystère d'obéissance. Jésus est le Fils
totalement donné à la rédemption voulue par
le Père.
L'État changeant de l'être
humain
Avouons que nous sommes instables dans notre
vie de foi. Les publicains et les prostituées ont peut-être
été de ceux et celles qui ont cru en Jean Baptiste,
puis en Jésus et enfin sont retombés dans leurs ornières.
Ils ont peut-être fait partie de la foule qui criait : Crucifiez-le!
L'évangile ne nous en dit rien. Ayons cependant confiance
dans la grâce de Dieu. La parabole ne nous dit que trop peu
de choses sur le Père. Il était à la tête
d'une maison chaleureuse, peuplée de nombreuses personnes
qui l'aimaient et se réconfortaient les uns les autres dans
une vie d'amour fraternel. La maison de l'enfant prodigue était
elle aussi une maison où l'on mangeait et chantait avec un
sens de la fête. C'est la joie de la liturgie. La célébration
constitue souvent le lieu du pardon. Le moment charnière
dans la parabole des deux fils est celui du repentir : « s'étant
repenti » (en grec « metamélèteis
»).
L'état permanent de la conversion
Ezéchiel 18, 25-28
Parce qu'il a ouvert les yeux, parce qu'il s'est détourné
de ses fautes, il ne mourra pas, il vivra.
Un sujet de conversion qui demeure
permanent est celui de nos jugements sur les autres. La conversion
est nécessaire. L'appel à la conversion s'explique
pour le méchant comme pour le juste. Qui peut se prétendre
juste en fin de compte? Ézékiel vient inquiéter
les bien-pensants sur des jugements tout faits. Dieu aime chacun
des membres de l'Alliance et il veut la conversion de tous. Je ne
prends pas plaisir à la mort de qui que ce soit, oracle du
Seigneur Yahvé. Convertissez-vous et vivez (Ézékiel
18, 32).
Nous divisons encore l'humanité
en bons et en méchants. Et Dieu devrait agir pour récompenser
et pour punir selon les jugements « éclairés
» des êtres humains! Modestement, admettons la faiblesse
de notre jugement. N'ayons pas la prétention de donner un
avis définitif sur qui que ce soit. Aussi longtemps que dure
la vie ici-bas, la conversion et la marche en avant
demeurent possibles.
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La responsabilité personnelle
Une originalité du prophète
Ézéchiel, tout à fait typique de la prophétie
sur la Nouvelle Alliance est son insistance sur la responsabilité
individuelle. Chacun est libre et responsable de sa conduite. Il
est faux de dire : Les pères ont mangé les raisins
verts et les dents de fils ont été agacées
(Ézéchiel 18, 2). Nous appartenons à une communauté
humaine mais c'est chacun qui est responsable devant le jugement
du Seigneur, quels que soient les péchés de ses ancêtres.
Pierre Bougie, PSS, bibliste
Professeur au Grand Séminaire de Montréal
Source: Le Feuillet biblique,
no 2024. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre
biblique de Montréal.
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