Et si
on s'était trompé...
Question
de Jean et réponse de Jésus (Matthieu 11, 2-11)
Autres lectures : Isaïe
35, 1-6a.10; Ps 145 (146);
Jacques
5, 7-10
Jésus est-il le vrai et unique sauveur de l'humanité?
Y a-t-il lieu d'attendre un autre sauveur pour établir enfin
la justice et la paix? Ces questions, tout le monde les a sans doute
déjà entendues sinon posées. Elles font écho
à celle que Jean le Baptiste posait de sa prison : Es-tu
celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre? (v.
3).
Dans l'Évangile de Matthieu,
Jean apparaît brusquement, avant le début du ministère
de Jésus, comme un prédicateur (cf. Mt
3, 1-2.7-12) qui pratique un rite de baptême (cf. Mt
3, 6) auquel Jésus lui-même voulut participer (cf.
Mt
3, 13-17). Matthieu note, en passant, que Jean a été
livré (Mt 4, 12) mais ses disciples demeurent actifs
(Mt
9, 14). La délégation envoyée auprès
de Jésus (Mt
11, 2-6) constitue la deuxième et dernière intervention
majeure de Jean dans l'évangile; elle permet à l'évangéliste
de faire une synthèse de ce qu'a été l'activité
de Jésus jusque là et d'exprimer les sentiments de
Jésus à l'égard de Jean (cf. Mt
11, 7-11).
Quelle sorte de Messie?
Jean avait annoncé la venue
prochaine du Royaume des cieux (cf. Mt
3, 2) et exhorté ses contemporains à la conversion
pour échapper à la colère de Dieu lors du jugement
(cf. Mt
3, 7). Il reconnaissait ne pas être celui par qui le jugement
allait se réaliser et prévoyait l'apparition d'un
autre messager de Dieu chargé de récompenser les justes
et de punir les pécheurs (cf. Mt
3, 11-12). Son seul contact avec Jésus se situe au moment
du baptême de celui-ci (Mt
3, 13-15). Et l'évangéliste ne dit pas pourquoi
Jean considère que Jésus lui est supérieur
(cf. Mt
3, 13).
Ce n'est que dans le passage qui
nous occupe que Jean désigne Jésus comme celui
qui doit venir (v. 3). L'expression vient de l'Ancien Testament;
utilisée en différents contextes, elle est susceptible
de recevoir une interprétation messianique (cf. Psaume 118,
26; Daniel
7, 13; Malachie
3, 1). L'attente de Jean se situait sans doute dans la ligne
de pensée des anciens prophètes, relus à la
lumière du courant apocalyptique bien présent depuis
plusieurs générations dans le monde juif : l'envoyé
de Dieu devait venir juger l'humanité, châtier les
coupables et accorder aux justes la récompense méritée.
Jésus choisit une autre voie pour établir le Royaume,
celle de la miséricorde. Dès le début du récit
de la vie publique, Matthieu a exposé le programme
de Jésus ainsi que sa méthode (cf. Mt
4, 12-17.23-25). La suite a montré Jésus à
l'uvre : il guérit les lépreux (cf. Mt
8, 1-4), les paralytiques (cf. Mt
8, 5-13), les aveugles (cf. Mt
9, 21-31), les sourds (cf. Mt
9, 32-34, à noter que le même mot peut désigner
un sourd ou un muet, les deux infirmités étant souvent
liées), il ressuscite même les morts (cf. Mt
9, 18-26). En tout cela , il accomplit les Écritures
en réalisant les signes du Royaume de Dieu annoncés
par les prophètes. Jean devait comprendre que Jésus
était bien celui qu'il attendait, même s'il empruntait
des chemins différents de ceux qu'il avait prévus.
D'où, en conclusion, la béatitude en forme de mise
en garde: heureux celui qui ne tombera pas à cause de
moi (v. 6). Jésus étant un messie d'un genre inattendu
et déconcertant, le risque était grand de s'en détourner,
faute de reconnaître en lui les attentes et les illusions
qu'on avait entretenues au sujet du messie.
L'éloge de Jean
L'éloge de Jean, prononcé
par Jésus (vv.
7-11a), se tempère d'une restriction importante: Jean
appartient à l'Ancienne Alliance; il a le mérite unique
d'avoir montré à ses contemporains le chemin de la
Nouvelle, mais lui-même reste, en quelque sorte, sur le seuil.
Cela n'enlève rien à son importance dans l'histoire
du salut : parmi ceux qui sont nés des femmes, personne
n'est plus grand que lui (v. 11a), mais la venue de Jésus
a introduit dans l'histoire une différence telle que le
plus petit dans le Royaume est plus grand que lui (v. 11b).
Il est vraisemblable que les questions
rhétoriques utilisées par Jésus (vv.
7-8) fassent allusion à des personnages connus de son
époque. Jean était réputé pour son franc
parler, même devant les puissants (cf. Mt
3, 7-12; 14,
4), et pour l'austérité de sa vie (cf. Mt
3, 4; 9,
14; 11,
18). Mais son plus beau titre de gloire est celui d'avoir été
prophète et même, parmi tous les prophètes,
celui à qui reviendrait l'honneur de désigner au monde
le sauveur (cf. v.
10 et Missel romain : Préface de saint Jean Baptiste).
Jérôme Longtin, ptre, bibliste
Diocèse de Saint-Jean-Longueuil
Source: Le Feuillet biblique,
no 1992. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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Chronique
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Un chemin pour le Seigneur.
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