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Troisième dimanche de l'Avent A - 12 décembre 2004
 
Et si on s'était trompé...

Question de Jean et réponse de Jésus (Matthieu 11, 2-11)
Autres lectures : Isaïe 35, 1-6a.10; Ps 145 (146);
Jacques 5, 7-10

 

Jésus est-il le vrai et unique sauveur de l'humanité? Y a-t-il lieu d'attendre un autre sauveur pour établir enfin la justice et la paix? Ces questions, tout le monde les a sans doute déjà entendues sinon posées. Elles font écho à celle que Jean le Baptiste posait de sa prison : Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre? (v. 3).

     Dans l'Évangile de Matthieu, Jean apparaît brusquement, avant le début du ministère de Jésus, comme un prédicateur (cf. Mt 3, 1-2.7-12) qui pratique un rite de baptême (cf. Mt 3, 6) auquel Jésus lui-même voulut participer (cf. Mt 3, 13-17). Matthieu note, en passant, que Jean a été livré (Mt 4, 12) mais ses disciples demeurent actifs (Mt 9, 14). La délégation envoyée auprès de Jésus (Mt 11, 2-6) constitue la deuxième et dernière intervention majeure de Jean dans l'évangile; elle permet à l'évangéliste de faire une synthèse de ce qu'a été l'activité de Jésus jusque là et d'exprimer les sentiments de Jésus à l'égard de Jean (cf. Mt 11, 7-11).

Quelle sorte de Messie?

     Jean avait annoncé la venue prochaine du Royaume des cieux (cf. Mt 3, 2) et exhorté ses contemporains à la conversion pour échapper à la colère de Dieu lors du jugement (cf. Mt 3, 7). Il reconnaissait ne pas être celui par qui le jugement allait se réaliser et prévoyait l'apparition d'un autre messager de Dieu chargé de récompenser les justes et de punir les pécheurs (cf. Mt 3, 11-12). Son seul contact avec Jésus se situe au moment du baptême de celui-ci (Mt 3, 13-15). Et l'évangéliste ne dit pas pourquoi Jean considère que Jésus lui est supérieur (cf. Mt 3, 13).

     Ce n'est que dans le passage qui nous occupe que Jean désigne Jésus comme celui qui doit venir (v. 3). L'expression vient de l'Ancien Testament; utilisée en différents contextes, elle est susceptible de recevoir une interprétation messianique (cf. Psaume 118, 26; Daniel 7, 13; Malachie 3, 1). L'attente de Jean se situait sans doute dans la ligne de pensée des anciens prophètes, relus à la lumière du courant apocalyptique bien présent depuis plusieurs générations dans le monde juif : l'envoyé de Dieu devait venir juger l'humanité, châtier les coupables et accorder aux justes la récompense méritée. Jésus choisit une autre voie pour établir le Royaume, celle de la miséricorde. Dès le début du récit de la vie publique, Matthieu a exposé le programme de Jésus ainsi que sa méthode (cf. Mt 4, 12-17.23-25). La suite a montré Jésus à l'œuvre : il guérit les lépreux (cf. Mt 8, 1-4), les paralytiques (cf. Mt 8, 5-13), les aveugles (cf. Mt 9, 21-31), les sourds (cf. Mt 9, 32-34, à noter que le même mot peut désigner un sourd ou un muet, les deux infirmités étant souvent liées), il ressuscite même les morts (cf.  Mt 9, 18-26). En tout cela , il accomplit les Écritures en réalisant les signes du Royaume de Dieu annoncés par les prophètes. Jean devait comprendre que Jésus était bien celui qu'il attendait, même s'il empruntait des chemins différents de ceux qu'il avait prévus. D'où, en conclusion, la béatitude en forme de mise en garde: heureux celui qui ne tombera pas à cause de moi (v. 6). Jésus étant un messie d'un genre inattendu et déconcertant, le risque était grand de s'en détourner, faute de reconnaître en lui les attentes et les illusions qu'on avait entretenues au sujet du messie.

L'éloge de Jean

     L'éloge de Jean, prononcé par Jésus (vv. 7-11a), se tempère d'une restriction importante: Jean appartient à l'Ancienne Alliance; il a le mérite unique d'avoir montré à ses contemporains le chemin de la Nouvelle, mais lui-même reste, en quelque sorte, sur le seuil. Cela n'enlève rien à son importance dans l'histoire du salut : parmi ceux qui sont nés des femmes, personne n'est plus grand que lui (v. 11a), mais la venue de Jésus a introduit dans l'histoire une différence telle que le plus petit dans le Royaume est plus grand que lui (v. 11b).

     Il est vraisemblable que les questions rhétoriques utilisées par Jésus (vv. 7-8) fassent allusion à des personnages connus de son époque. Jean était réputé pour son franc parler, même devant les puissants (cf. Mt 3, 7-12; 14, 4), et pour l'austérité de sa vie (cf. Mt 3, 4; 9, 14; 11, 18). Mais son plus beau titre de gloire est celui d'avoir été prophète et même, parmi tous les prophètes, celui à qui reviendrait l'honneur de désigner au monde le sauveur (cf. v. 10 et Missel romain : Préface de saint Jean Baptiste).

Jérôme Longtin, ptre, bibliste
Diocèse de Saint-Jean-Longueuil

 

 

Source: Le Feuillet biblique, no 1992. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

Chronique précédente :
Un chemin pour le Seigneur.