Zachée a tout contre lui, y inclus son nom. En hébreu, ce nom signifie « le Pur », ce qui est tout à fait ironique quand on sait ce que la foule pense de lui. En tant que collecteur d'impôts et même chef des publicains, il a la réputation d'être devenu riche à force de fraudes. C'est un pécheur public, que la foule à la fois déteste et envie.

     Zachée est « petit de taille », dit Luc. C'est ce qui rend le récit particulièrement populaire auprès des enfants des écoles d'aujourd'hui, eux qui ont hâte de grandir. Zachée a encore une âme d'enfant même s'il a les mains sales. Le fait de monter sur un sycomore (un grand arbre qui a des branches basses) permet de croire en une ingénuité curieuse de gamin chez lui. Il a sans doute noué à sa taille ses vêtements de riche, peut-être une toge à la romaine. Ses rapines n'ont pas étouffé le sens du bien en lui.

     Comme c'est vers la fin de la vie publique de Jésus, Zachée connaît les paroles du prophète sur les riches : Il est plus facile à un chameau d'entrer dans le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le Royaume de Dieu (Luc 18, 25). La preuve qu'il connaît les grandes paroles de Jésus contre l'argent, son premier geste sera de partager avec les pauvres dès sa conversion. Zachée admire secrètement Jésus. Selon toute apparence - ce n'est pas dit dans le texte -, c'est à partir de cette soif secrète que Dieu le sauve. Seul, il ne serait pas capable de faire le pas décisif. Les paroles de Jésus réalisent l'inattendu.

     Zachée, descends vite : aujourd'hui il faut que j'aille demeurer chez toi. Jésus a une connaissance mystérieuse de Zachée, alors qu'il ne l'avait jamais rencontré. Les mots « il faut » désignent un plan qui se déploie.

     L'amour de Dieu est vaste comme le monde et Dieu va chercher les gens qu'on n'espérait plus. Le Christ a besoin de Zachée, comme il a eu besoin de Pierre, d'André et des autres et de Marthe et Marie... Il en a besoin pour se faire des amis et des proches.

     Luc dit que Zachée accueille Jésus avec joie. Cette joie laisse transparaître le changement opéré. Il saura réparer maintenant ses mauvaises actions. Le peuple murmure, et en cela, il imite les pharisiens : le prophète Jésus devrait partager leur cause et leur rancune! Mais Jésus n'est pas un démagogue. L'incompréhension de la foule ne lui importe pas plus que celle des pharisiens.

     L'engagement de Zachée est spectaculaire : Je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens, et si j'ai fait du tort à quelqu'un, je vais lui rendre quatre fois plus. La Nouvelle Bible de Jérusalem commente : « La loi juive, Exode 21, 37, ne prévoyait que pour un cas la restitution au quadruple; la loi romaine l'imposait pour tous les « furta manifesta » (les vols manifestes). Zachée étend pour lui cette obligation à tous les torts qu'il aurait pu causer ». L'action de Jésus se fait parfois un chemin inespéré dans les cœurs. Des situations jugées irréversibles se dénouent, des personnes condamnées trouvent la joie, des existences se retournent : Car le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu.

Pierre Bougie, PSS
Professeur au Grand Séminaire de Montréal

Source: Le Feuillet biblique, no 1986. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

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