«
Voulez-vous partir, vous aussi? »
Discours
sur le pain de vie (Jean 6, 51-58)
Autres lectures: Dt
8, 2-3.14b-16a; Ps 147; 1
Co 10, 16-17
L'évangile d'aujourd'hui est une sorte de test. Parler de
« manger la chair » ou de « boire le sang »
de quelqu'un n'avait pas plus de sens à l'époque des
premiers chrétiens qu'aujourd'hui. La vive discussion et
le départ de nombreux disciples sont sans doute l'écho
de ce qui se vivait dans l'Église à laquelle saint
Jean destinait son évangile. L'enseignement sur Jésus,
Pain de Vie, ne passait pas facilement. On lit d'ailleurs, un peu
plus loin (versets 60 et 66) : « Beaucoup de ses disciples
s'écrièrent : "Ce qu'il dit là est intolérable,
on ne peut pas continuer à l'écouter (...). À
partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s'en allèrent
et cessèrent de marcher avec lui.»
Ce ne sont donc pas seulement les
adversaires de Jésus, mais aussi ses disciples qui ont, ce
jour-là, à « passer le test ». Et aujourd'hui,
en cette Fête du Saint-Sacrement, c'est notre tour.
Mais pas plus qu'à ses premiers
disciples, Jésus ne nous demande de comprendre ou de savoir
expliquer comment ce pain est sa chair. Il ne donne d'ailleurs lui-même
aucune explication, aucune théorie. Le test à passer
n'est pas un examen de théologie. C'est un appel à
accueillir dans la foi un don inouï.
Car ce que Jésus nous offre,
c'est d'entrer dans le mystère de sa propre existence, qui
est le mystère même de Dieu : « De même
que moi je vis par le Père, de même aussi celui qui
me mangera vivra par moi ». On ne peut faire autrement
que penser à ses derniers entretiens, la veille de sa mort,
et à la question de Philippe : « Seigneur, montre-nous
le Père ». Jésus répondra : «
Celui qui m'a vu a vu le Père. Je suis dans le Père
et le Père est en moi. (...) Si quelqu'un m'aime... mon Père
l'aimera... et nous viendrons chez lui ». (14, 9.10.23)
Si saint Jean donne tant d'importance
dans son évangile à ce débat autour du Pain
de vie, s'il souligne la décisive profession de foi de Pierre,
c'est qu'il voit dans ce don de la chair du Fils comme nourriture
de vie éternelle le point culminant du grand mouvement commencé
de toute éternité : « Au commencement était
le Verbe. Et le Verbe était auprès de Dieu. Et le
Verbe était Dieu. Et le Verbe s'est fait chair »
(1, 1.14) Et « à tous ceux qui l'ont reçu,
il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu »
(1,13).
La boucle est bouclée. Les
disciples qui « mangent la chair » du Verbe-fait-chair
deviennent fils avec le Fils. De même que mon corps assimile
sa nourriture et la fait chair de ma propre chair, de même,
nourri du Pain de Vie, je deviens, dans ma chair, inséparable
de Jésus, Verbe fait chair. C'est pour cette union inouïe
- cette communion - que Jésus se fait nourriture. «
Père, qu'ils soient un comme nous sommes un, moi en eux et
toi en moi » (17,22-23) résumera Jésus, la
veille de sa mort. Le partage de l'intimité divine, de la
vie trinitaire, est notre vocation et notre destin. Par Jésus.
Avec Jésus. En Jésus.
« Voulez-vous partir, vous
aussi ? », avait-il demandé aux Douze. La réponse
de Pierre est allée droit à l'essentiel : «
Seigneur, vers qui pourrions-nous aller ? Tu as les paroles de la
vie éternelle. Tu es le Saint de Dieu
» (6, 68).
Bertrand Ouellet
[email protected]
Source: Le Feuillet biblique,
no 1886. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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biblique de Montréal.
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