Des églises
de pierres ou
des pierres vivantes?
L'eau vive
et le culte nouveau (Jean 4, 5-42)
Autres lectures: Ex
17, 3-7 ; Ps 94 (95) ; Rm
5, 1-2.5-8
De nombreuses églises catholiques risquent d'être
mises en vente, transformées ou carrément démolies,
particulièrement à Montréal. Des catholiques
et des citoyens de toutes allégeances s'inquiètent
de ce qui adviendra du patrimoine religieux du Québec. Et
que dire de l'héritage spirituel du christianisme! Comment
a-t-il été transmis et accueilli? Quel héritage
ou absence d'héritage transmettons-nous à la génération
qui nous suit?
Ici, je me rappelle une conversation
téléphonique, au début de l'année, avec
un ami palestinien qui me disait: « Je crains le temps
où nos Églises deviendront des églises de pierres ».
Et c'est d'autant plus vrai pour lui, qu'il appartient à
la minorité chrétienne perdue au milieu de deux majorités,
la musulmane et la juive. Des églises de pierres ou des pierres
vivantes? Je pense qu'il affirmait ainsi le primat des personnes
et des communautés sur les temples de pierres.
On retrouve une affirmation semblable
dans la première lettre de Pierre (2,4-5): « Approchez-vous
de lui, la pierre vivante, rejetée par les hommes, mais choisie,
précieuse auprès de Dieu. Vous-mêmes comme pierres
vivantes, prêtez-vous à l'édification d'un édifice
spirituel, pour un sacerdoce saint, en vue d'offrir des sacrifices
spirituels, agréables à Dieu par Jésus Christ. »
Il faudra bien en venir à
la question fondamentale. Parce qu'il n'existe pas de religion parfaite,
faut-il renoncer à toute forme de religion? Mais qu'est-ce
donc que la religion? La religion est devenue le nouveau tabou moderne,
celui qu'on ne brise pas facilement, sauf pour dénoncer les
scandales et les aberrations. Les lieux et les occasions de faire
un véritable partage de son expérience et de ses questions
sont devenus rares. La vraie religion n'est pas à cantonner
dans les églises ni à reléguer dans la sphère
du privé. Il ne s'agit pas de faire de l'école publique,
du collège ou de l'université un lieu de culte, mais
de reconnaître que la question religieuse y a aussi une certaine
place, non pas seulement pour la dénigrer, la critiquer (ce
qui peut être sain), mais aussi pour en reconnaître
la pertinence et surtout accueillir les personnes dans leur intégralité.
La religion réfère
d'abord à une expérience de foi (celle des autres
et la sienne), à un second regard sur l'univers et le monde,
à une certaine écoute de ses aspirations proprement
humaines et à une recherche pour mettre un visage sur cette
intelligence qu'on devine au moins obscurément dans ses oeuvres.
Comment ne pas chercher à entrer en relation avec le mystère
qu'on pressent à la source du nôtre? Comment en arriver
à la véritable religion qui n'est pas emprisonnée
dans des lieux ni des rites, mais celle qui se vit dans une société
et un temps donnés et qui rejoint l'humain dans la profondeur
de son mystère, la religion en esprit et en vérité?
(Jean 4,23-24) Voilà la question toujours actuelle que Jésus
de Nazareth abordait avec la Samaritaine et sa réponse est
toujours éclairante: « Femme, crois-moi: l'heure
vient - et c'est maintenant - où vous n'irez plus ni sur
cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père...
Dieu est esprit et ceux qui l'adorent, c'est en esprit et en vérité
qu'ils doivent l'adorer ».
Laurent Lafontaine, ptre
Source: Le Feuillet biblique,
no 1873. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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biblique de Montréal.
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