Aimer
ses ennemis
L'amour pour les ennemis (Lc
6,27-38)
Autres lectures: 1
S 26,2.7-9.12-13.22-23; Ps 102; 1
Co 15,45-49
Au palais de justice cette semaine un jeune comparaissait pour
vol par effraction. Dans la salle voisine, un citoyen se voyait
condamner pour un retard dans le paiement des intérêts
d'un emprunt. Au même moment, un journaliste attendait dans
un corridor la sentence pour diffamation dans une poursuite intentée
contre lui par une vedette de la télé. Si les recommandations
de Jésus entendues en ce dimanche étaient appliquées
à la lettre, tout ce beau monde se retrouverait dehors! Une
solution à l'engorgement des tribunaux? Peut-être...
Mais imaginons un peu si nous avions rédigé nos codes
civil et criminel en appliquant ces paroles à la lettre...
La porte ne serait-elle pas ouverte aux pires abus, aux injustices
de toutes sortes? Le message de Jésus se résume-t-il
à se laisser manger la laine sur le dos? Ou bien, ses paroles
visent-elles un idéal inaccessible, une utopie absolument
irréaliste qui se réalisera, peut-être, dans
un monde meilleur?
Essayons d'y voir un peu plus clair
en examinant la première des recommandations. Que signifie
«Aimez vos ennemis»? Le terme grec, agapè,
traduit ici par « aimer », ne désigne
pas l'amour passionné entre un homme et une femme. Ni même
l'affection qui règne dans une famille ou entre amis. Il
s'agit plutôt d'une attitude de bienveillance et d'estime
envers l'autre. Autrement dit, Jésus invite ses disciples
à voir au delà des comportements répréhensibles
du prochain. La personne qui commet un geste malheureux demeure
un être humain et, à ce titre, elle mérite respect
et... amour!
Comment un tel amour se vit-il au
quotidien? Je peux avoir l'impression que c'est bien loin de moi
tout ça, que je ne satisferai jamais à une telle exigence.
De manière individuelle, ça représente en effet
tout un défi. Collectivement cependant, notre société
s'est donné des outils pour s'en approcher. Je pense à
notre système carcéral qui offre aux détenus
de notre pays des conditions supérieures à celles
des autres à travers le monde. Au risque d'en offusquer plusieurs,
j'oserais dire que voilà un moyen d'empêcher l'Évangile
de demeurer des paroles en l'air! Je pourrais aussi évoquer
la loi sur les jeunes contrevenants du Québec, plus humaine
que les mesures drastiques prônées par les tenants
d'une certaine idéologie. Et que dire de la peine de mort,
heureusement abolie ici depuis quelques décennies. Où
va une société qui choisit de répondre à
la mort par la mort?
Bien sûr, le drame des victimes,
directes et indirectes, est absolument terrible. Même la peine
la plus sévère à l'endroit des malfaiteurs
ne saura soulager leur douleur. Mais, justement, puisqu'il en est
ainsi, pourquoi chercher à punir de plus en plus lourdement?
Les rapports humains gagnent-ils en santé lorsque vengeance
se confond avec justice?
Jean Grou
Source: Le Feuillet biblique,
no 1828. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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