Pages frontispices du livre des Psaumes de l’artiste Donald Jackson, St. John’s Bible (© Université de Portland).
Dieu comme refuge dans les Psaumes
Martin Bellerose | 18 septembre 2023
Lorsqu’il est question de Dieu comme refuge dans les Psaumes, nous ne pouvons pas d’emblée croire que les auteurs de ces textes pensaient Dieu comme un refuge (littéralement ou de façon figurative) pour des réfugiés, c’est-à-dire des gens qui ont fui leur lieu de résidence par crainte pour leur vie et sont allés se réfugier auprès de Dieu. Une telle compréhension serait anachronique. Cependant, imaginons-nous le chrétien contemporain qui fui une situation et qui traverse la jungle du Darien ou la mer Méditerranée et qui, la peur au ventre, ouvre sa Bible et se met à prier les psaumes et tombe tout bonnement sur ces versets des Psaumes qui parlent d’un Dieu qui est notre refuge. Ô combien ces Psaumes/prières doivent prendre un sens complètement renouvelé.
Après une recherche plutôt sommaire et peu minutieuse dans la version de la TOB, nous avons trouvé un peu moins d’une trentaine de versets où le mot « refuge » qualifiant Dieu apparait. Même si dans ces Psaumes ceux qui se réfugient en Dieu ne le font pas en tant que « migrant », et ce n’est pas le sens que l’Esprit saint a inspiré aux auteurs en question, ce même Esprit saint est libre d’inspirer, comme bon lui semble, le lecteur contemporain. Nous considérons en effet que les textes bibliques sont doublement inspirés, au moment de sa rédaction certes, mais aussi, et surtout, au moment de sa lecture.
Le lecteur est ici invité à lire et à prier les versets que nous mentionnons sans que nous les commentions mais nous nous permettons toutefois d’en commenter quelques-uns. D’avoir le Seigneur Dieu pour refuge porte évidemment une connotation spirituelle. Il serait cependant trop simple de se satisfaire d’une telle affirmation car tout drame spirituel est incarné dans une situation historique concrète. Lorsque David s’exclame dans la tourmente « Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné? » (Ps 22,2) et lorsque Jésus lance depuis la croix sur laquelle il est cloué « Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné? » (Mt 27,46) : la même phrase prononcée aura pourtant une portée bien différente, à cause du contexte bien entendu.
Nous avons déjà mentionné, lors de chroniques antérieures que l’hospitalité biblique implique souvent un geste de protection de la part de celui qui accueil. Cette dimension est aussi très présente dans les psaumes qui présentent Dieu comme un refuge. En voici quelques exemples :
Seigneur mon Dieu, tu es mon refuge ;
sauve-moi de tous mes persécuteurs et délivre-moi ! (Ps 7,2)Et moi, je chante ta force,
le matin, j’acclame ta fidélité,
car tu as été pour moi une citadelle,
un refuge au jour de ma détresse. (Ps 59,17)De ce Dieu, le chemin est parfait,
la parole du Seigneur a fait ses preuves.
Il est le bouclier de tous ceux qui l’ont pour refuge. (Ps 18,31)Pitié, Dieu ! aie pitié de moi,
car je t’ai pris pour refuge ;
et je me réfugie à l’ombre de tes ailes,
tant que dure le malheur. (Ps 57,2)
Imaginons-nous la portée de ces psaumes aujourd’hui pour celui qui traverse le Rio Grande en pleine nuit sous les tirs des justiciers gringos.
Les Psaumes nous rappellent aussi que nous avons une demeure en Lui.
Oui, Seigneur, c’est toi mon refuge ! –
Tu as fait du Très-Haut ta demeure, (Ps 91,9)Et tous ceux qui t’ont pour refuge se réjouiront,
toujours ils exulteront ; tu les abriteras,
tu feras crier de joie ceux qui aiment ton nom. (Ps 5,12)
En étant refuge pour les persécutés, le Seigneur Dieu prend parti pour l’opprimé.
Garde-moi en vie et délivre-moi !
J’ai fait de toi mon refuge, ne me déçois pas ! (Ps 25,20)Vous bafouez les espoirs du malheureux,
mais le Seigneur est son refuge. (Ps 14,6)Du Seigneur, je t’ai pris pour refuge ;
que jamais plus je ne sois humilié ! (71,1)
Dans toutes ces acceptions de Dieu comme refuge, il y a bien sûr là où l’on se réfugie lorsqu’il y tristesse et affliction, mais c’est aussi là où l’on se réfugie lorsqu’il y a persécution, lorsque l’on fuit l’oppression et la répression, lorsque quelqu’un sent que sa vie est menacée. Les façons de se protéger auxquelles on s’était habitué à travers les âges était d’aller à la montagne ou sur une île, la plus perdue possible. Mais à quoi bon? Le Seigneur Dieu est le plus sûr des refuges.
J’ai fait du Seigneur mon refuge.
Comment pouvez-vous me dire :
Filez dans votre montagne, petits oiseaux ! (Ps 11,1)
Martin Bellerose est professeur et directeur de l'Institut d'étude et de recherche théologique en interculturalité, migration et mission (IERTIMM) et directeur de la formation en français de l'Église Unie du Canada.