Sortie du défilé, les roches calcaires d’Ein Gedi s’écartent et découvrent la mer Morte. Au-delà les monts mauves de Jordanie. (photo © Hadas Parush / Flash90)
Ein Gedi, sur les traces du roi David
Claire Burkel | 7 octobre 2019
Le plus souvent, c’est en remontant du désert du Negev qu’Ein Gedi s’offre à nous comme une pause dans le désert.
Le nom en hébreu signifie « source des bouquetins » ou « des chevreaux ». C’est actuellement un parc naturel où l’on voit effectivement en liberté de nombreux bouquetins, ibex, chacals, damans (un genre de marmottes qui vivent en colonies et totalement inoffensives mentionnées à trois reprises dans l’Ancien Testament : Lv 11,5 ; Pr 30,26 ; Ps 104,13 aux damans l’abri des rochers), renards et léopards sur le haut de la falaise.
Le regard tranquille d’un ibex qui en a vu passer des pèlerins ! (photo © Mélanie Fidler / Flash90)
Une belle oasis dans ce désert particulièrement sec et aride qu’est la rive ouest de la mer Morte ; et cela grâce à une source, le nahal David, augmentée des eaux de ruissellement qui viennent d’Hébron où se situe la ligne de partage des eaux.
On relève en 625-582 un habitat ancien, des ateliers de parfums riches de l’exploitation des baumiers, comme il y en a aussi à Qumrân un peu plus au nord ; l’historien Flavius Josèphe citait ses beaux palmiers et son baume (Antiquités juives 9,7) et, plus tard, Pline l’Ancien (Histoire naturelle V,73) la fertilité de sa palmeraie. Le lieu est abandonné durant plus de deux siècles, jusqu’en 332, puis réoccupé à l’époque perse jusqu’au IIe siècle lorsque Jean Hyrcan (134-104 av. J.-C.) bâtit là un fortin ; celui-ci est détruit par les Parthes en 40 av. J.-C. Une garnison romaine y prend ses quartiers entre 60 et 68 ap. J.-C. au moment de la guerre juive. Dès la fin du IIIe siècle s’est construite une ville byzantine – Eusèbe cite « un gros bourg » ; une synagogue du VIe offre son pavement de mosaïque orné de faisans, grappes de raisins et 18 lignes écrites en hébreu et araméen, mais les murs furent entièrement détruits par un incendie.
Mosaïque de la synagogue d’Ein Gedi. (Wikipedia)
On retrouve Ein Gedi dans l’histoire récente avec la construction d’un kibboutz en 1953, qui exploite dattiers et bananeraies et tient une auberge de jeunesse.
On pourra conjuguer l’émerveillement offert par la nature avec la richesse des textes bibliques ; le groupe de pèlerins s’installe près d’une cascade, à l’ombre d’un bosquet, et prend le temps de lire les épisodes vécus ici par David. Commençons par 1 S 24,1-23 : on est sur place ! David est contraint de fuir devant le roi Saül et poussé à mener une vie de brigandage dans toute la région ; le voilà réfugié avec sa troupe de fuyards dans une des grottes proches de l’oasis quand passe l’armée royale qui est à sa recherche. Fidèle au choix de Dieu qui a fait oindre Saül, il ne veut pas porter la main sur lui. On est impressionné de méditer in situ cette étape de la lutte entre le jeune plein d’avenir et le roi en titre qui se bat pour son prestige et sa famille. D’où vient donc le ressentiment de Saül ? 1 S 18,6-16 : Saül eut peur de David car le Seigneur était avec celui-ci et s’était détourné de Saül. La vox populi, qui semble acquise au plus jeune, reflète le choix de Dieu. David en effet, avant sa première rencontre avec le roi et son combat contre le géant Goliath, a été oint au milieu de ses frères à Bethléem par le prophète Samuel 1 S 16,1-13. Pourtant Dieu avait auparavant choisi le fils de la tribu de Benjamin. C’est que Saül a commis une faute grave. Par peur de perdre un combat, ce qui est finalement un manque de confiance dans la victoire que Dieu lui aurait accordée, il a usurpé la fonction sacerdotale, offrant l’holocauste à la place de Samuel, sans l’attendre 1 S 13,7-15. L’obéissance vaut mieux que les sacrifices… puisque tu n’as pas obéi à la parole du Seigneur, il t’a rejeté pour que tu ne sois plus roi ! Ainsi a parlé Samuel, provoquant moult regrets et les supplications de Saül.
Après une rude montée, c’est la fraîcheur de la cascade qui s’offre aux pèlerins. (photo © Miriam Alster / Flash90)
La leçon est dure, mais la royauté est-elle le chemin que Dieu souhaitait à son peuple ? 1 S 8,1-22 nous révèle que c’est un chemin piégé car il éloigne de la relation directe avec le Seigneur et provoque plus de difficultés que d’avantages.
Peu de groupes font l’ascension complète, au-delà de la source bienfaisante qui forme plusieurs vasques dans lesquelles s’ébattent les familles juives ou arabes de la région. Ils y trouveraient les ruines d’un temple datant du IIIe millénaire av. J.-C. où les victimes offertes étaient réduites en fumée, témoin l’épaisseur de suie et cendres contenant des résidus animaux qu’on y a découverte. De ce méplat on domine le site qui se trouve en contrebas, fait de grottes plus que d’habitats construits, et dont les archéologues ont montré qu’il n’a été peuplé qu’au VIIe siècle. La position de David dans la grotte s’en trouve confortée.
Essentielle à l’écosystème de la mer Morte, l’eau douce des sources et bassins d’Ein Gedi fait la joie des touristes. (photo © Maor Kinsbursky)
Ces lectures, remontant le temps, nous ont introduits, à partir d’un événement que nous évoquons en ce lieu même, dans une réflexion sur les notions de pouvoir, d’obéissance à Dieu, de respect de la parole donnée. C’est donc David qui prendra en charge la conduite du peuple, après la mort de Saül et ses fils. Il sera roi et recevra la promesse que sa lignée demeurera éternellement (2 S 7,1-17).
Claire Burkel est professeure d’Écriture sainte à l’École cathédrale de Paris.
Source : Terre Sainte magazine 656 (2018) 6-11 (reproduit avec autorisation).