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Jéricho, la ville des palmiers
La « ville des palmiers », c’est ainsi que Jéricho, située au milieu d’une oasis, est parfois appelée dans l’Ancien Testament (Dt 34,3; Jg 1,16; 2Ch 28,15). La végétation a aussi inspiré le nom hébraïque de la ville, « Jéricho », qui a sensiblement la même signification que le nom que lui donnent les Arabes, ar-Riha, « le parfum ».
La ville actuelle de Jéricho porte encore bien son ancien surnom
de « ville des palmiers ». (photo : J.S. Rey)
La présence d’une source abondante ainsi que le climat attrayant de cette oasis en plein désert et à proximité du Jourdain expliquent que les premières traces d’occupation du site de Jéricho remontent aussi loin que le IXe millénaire avant notre ère. Jéricho a connu plusieurs périodes d’occupation. Une coupe verticale du Tell es-Sultan, la butte constituée par l’accumulation des restes des différentes phases d’occupation, permet d’identifier dix-sept périodes distinctes. Les restes des plus anciennes structures architecturales de Jéricho sont des fortifications, et elles sont gigantesques : un mur de 6 mètres de haut et une tour dont le diamètre fait 8,5 mètres et la hauteur au moins 8 mètres. Et le plus étonnant, c’est que cette tour et ce mur ont été érigés environ 8000 ans avant notre ère! C’est dire qu’à cette époque, il y a 10 000 ans, la communauté établie dans l’oasis de Jéricho, qu’on estime à environ 3000 habitants, était déjà arrivée à un stade d’organisation économique et politique assez complexe pour permettre la réalisation de travaux d’envergure. Évidemment, on est très loin de ce que réaliseront les Égyptiens, mais les pyramides, c’est quand même encore 4000 ans plus tard...
La tour et une partie du mur érigés environ 8000 ans
avant notre ère. (photo : C. Boyer)
Selon la Bible, Jéricho serait la première ville de Terre Sainte prise par les Israélites lors de la conquête dirigée par Josué, successeur de Moïse (Jos 6,1-21). Le célèbre récit biblique ne relate pas une conquête militaire au cours de laquelle Jéricho aurait été prise par les armes, ce qui est raconté est plutôt une « prise liturgique » de la ville, un « siège symbolique »; le peuple a obtenu la victoire en effectuant scrupuleusement le rituel que Dieu avait demandé d’accomplir (Jos 6,2-5) : Josué et ses hommes devaient faire le tour de Jéricho une fois par jour pendant six jours, accompagnés de sept prêtes portant l’Arche d’alliance et sept trompettes en corne de bélier, puis effectuer sept tours de la ville le septième jour, après quoi les prêtres devaient sonner de leurs trompettes, le peuple pousser un grand cri, et alors les murs de Jéricho s’effondreraient. Le récit illustre de façon très imagée l’idée selon laquelle c’est Dieu qui est le vainqueur de Jéricho, c’est lui qui a livré la ville à son peuple. Le récit ne saurait être lu au premier degré, comme s’il rapportait un événement historique. D’ailleurs si les Israélites avaient décidé de prendre la ville, ils n’auraient pas eu besoin d’en faire sept fois le tour pour s’apercevoir que Jéricho avait déjà été détruite depuis longtemps... En effet, l’archéologie montre qu’à l’époque présumée de l’épisode, Jéricho était déjà en ruines et n’était plus habitée depuis environ trois siècles.
Le Tell es-Sultan, formé par la superposition
des couches d’occupations successives du site.
(photo : C. Boyer)
Un peu au sud de la Jéricho de l’Ancien Testament se trouve le site d’une autre Jéricho, celle construite par Hérode le Grand. La région de Jéricho avait un temps appartenu à la célèbre Cléopâtre, puis à l’empereur Auguste-Octave qui l’avait restituée à Hérode. On peut y visiter les restes du palais que ce roi y avait fait ériger. Il s’agissait d’un palais magnifique alimenté en eau par des aqueducs et comportant deux grandes cours et une piscine. C’est là qu’Hérode et son entourage résidaient en hiver. Si à Jérusalem il peut faire froid et même neiger, à Jéricho, située dans le désert et à environ 250 mètres sous le niveau de la mer, le climat reste très agréable tout au long de l’année. Encore aujourd’hui, on peut se promener à Jéricho en manches courtes en plein mois de janvier, et on peut y voir les bougainvilliers en fleurs bien avant qu’ils le soient ailleurs au pays.
Les restes d'une partie du palais de style romain construit par Hérode.
(photo : C. Boyer)
C’est la Jéricho hérodienne que Jésus a connue, une ville probablement habitée surtout par des riches et qui comportait un théâtre et un hippodrome. C’est là, à la sortie de la ville, que les évangélistes situent la guérison d’un aveugle (Mc 10,46-52), ou encore deux aveugles (Mt 20,29-34). C’est aussi à Jéricho que Jésus s’est invité chez Zachée, ce chef de publicains de petite taille qui était monté dans un arbre afin de voir Jésus. Mes copains et moi avons été à peine surpris de voir que l’arbre de Zachée existait toujours...
L’arbre de Zachée
(photo : J. Dusek)
Ce qui est surprenant, par contre, est le peu de mesures prises par les autorités palestiniennes afin de protéger les sites archéologiques. Une petite clôture limite l’accès à l’arbre de Zachée, mais rien n’est fait pour assurer la protection des sites qui ont une réelle valeur historique, comme le palais d’Hérode ou le Tell es-Sultan, où il est déplaisant de constater l’accumulation de déchets dans les cavités. À peu près n’importe qui peut accéder à ces sites et faire ce qu’il veut, s’amuser à déloger les pierres ou marcher sur les fondations et les murs qui tiennent encore debout par miracle.
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