Le toucher dans les Évangiles
Marie-Laure Veyron
Paris, Cerf (Lire la Bible, 176), 2013, 207 p.
Comme son nom l’indique, ce livre propose l’étude du toucher dans les Évangiles. Cette idée originale prend racine dans l’importance accrue du corps dans notre culture contemporaine et dans l’interprétation des évangiles qui est souvent trop rapidement spiritualisée et coupée de la réalité charnelle.
Ce livre provient du travail de maîtrise de Marie-Laure Veyron réalisé à la faculté de théologie protestante de Montpellier. Son passé de professeure agrégée de lettres classiques lui permet une attention particulière à la langue grecque employée dans le Nouveau Testament. Les traductions qu’elle propose rendent bien la polysémie de la langue originale et permettent une meilleure compréhension des textes. Comme le note Élian Cuvillier dans sa préface, l’auteure par sa lecture féminine perçoit des réalités originales qui ne viennent pas spontanément aux exégètes masculins. L’auteure cite Françoise Dolto à plusieurs reprises et montre comment la psychanalyse permet l’ouverture des textes abordés.
Trois approches sont utilisées et marquent la structure du livre. D’abord, l’approche anthropologique insiste sur ce qu’il y a de spécifique au toucher. Dans un deuxième temps, une approche sémantique est employée pour distinguer les différents mots grecs utilisés par le Nouveau Testament pour transmettre l’idée d’un toucher. Enfin, par une approche littéraire, l’auteure analyse quelques récits de façon plus attentive : la double guérison de la fille de Jaïre et de la femme qui touche le manteau de Jésus (Mc 5,21-43), la résurrection du fils de la veuve de Naïm (Lc 7,11-17) et les caresses de la femme qui oint les pieds de Jésus (Lc 7,36-50). L’étude de chacun de ces épisodes se fait par une analyse narrative qui prend en compte les insistances du texte, la structure et les personnages.
Il y a plusieurs types de toucher dans les évangiles. Les foules cherchent à toucher Jésus et vont jusqu’à le bousculer et même l’écraser tellement elles sont fascinées par sa puissance de guérison et cherchent à s’en emparer. Le toucher des femmes provient toujours de leurs propres initiatives. Les femmes osent toucher Jésus parce qu’elles n’ont pas d’autres moyens pour l’atteindre à cause de la difficulté pour elles de prendre la parole en public dans cette société. D’ailleurs, le toucher dans les évangiles est souvent en lien avec une transgression des codes sociaux. Jésus touche et se laisse toucher par des femmes, mais aussi par des hommes impurs qu’il guérit et purifie. Les évangiles notent que Jésus se laisse aussi toucher au niveau émotif. Jésus est bouleversé par la détresse d’un lépreux, des aveugles, d’une vieille femme. Les Évangiles montrent l’immense liberté de Jésus qui entre en contact avec les exclus.
Sébastien Doane, bibliste