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Un scribe sur le seuil de croire en Jésus
(Marc 12, 28-34)
Il est exceptionnel qu’un scribe se présente à Jésus avec une réelle volonté de dialogue, honnête et sincère, des qualités nécessaires à toute recherche de la vérité. Il en est de même pour Jésus qui a des paroles bienveillantes à l’égard du scribe. Si on compare notre récit au passage parallèle de Matthieu 22, 34-40, on remarque tout d’abord l’intention malveillante du légiste, puis l’absence de la section conclusive où le légiste donne son approbation à la réponse de Jésus, et où Jésus en retour reconnaît que le légiste est proche du royaume de Dieu.
Dans un contexte plus large, suivant l’entrée à Jérusalem, notre passage fait partie d’une série de controverses entre Jésus et les autorités religieuses, portant sur l’autorité de Jésus, l’impôt dû à César, la résurrection des morts. C’est d’ailleurs à la suite de la réponse incisive de Jésus aux Sadducéens qui ridiculisent la foi en la résurrection des morts (à laquelle ils ne croient pas) que le scribe vient interroger Jésus sur le premier commandement.
28 Un scribe qui avait entendu la discussion, et remarqué que Jésus avait bien répondu, s’avança pour lui demander : « Quel est le premier de tous les commandements ? »
29 Jésus lui fit cette réponse : « Le premier, c’est : Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur. 30 Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ton intelligence et de toute ta force. 31 Et voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là. »
32 Le scribe reprit : « Fort bien, Maître, tu as dit vrai : Dieu est l’Unique et il n’y en a pas d’autre que lui. 33 L’aimer de tout son cœur, de toute son intelligence, de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, vaut mieux que toute offrande d’holocaustes et de sacrifices. »
34 Jésus, voyant qu’il avait fait une remarque judicieuse, lui dit : « Tu n’es pas loin du royaume de Dieu. » Et personne n’osait plus l’interroger.
La traduction du Lectionnaire ne correspond pas exactement au texte grec qui se lit plutôt : « quel est le premier commandement de toutes choses? » Formulée ainsi, la question viserait l’ensemble du comportement humain, au-delà des règles morales spécifiques à une religion. Jésus renvoie le scribe au Shema Israël (Dt 6, 4-5) que tout juif pieux doit dire à tous les jours. À la confession de foi israélite, Jésus associe l’amour du prochain (Lv 19, 18). En toutes choses, quelles que soient les valeurs prioritaires et les situations de la vie, l’amour du prochain doit toujours incarner la foi en Dieu. Et la foi en Dieu doit trouver son élan dans l’amour du prochain sinon elle devient une évasion des réalités du monde. Ainsi donc, le premier commandement de toutes choses, c’est l’amour de Dieu et du prochain indissociablement uni.
Le scribe approuve la réponse de Jésus en la reprenant mot à mot. Mais ce qui est surtout intéressant c’est le lien qu’il fait avec l’enseignement des prophètes, démontrant ainsi qu’il a bien compris la réponse de Jésus. Le scribe s’inscrit dans la dénonciation des pratiques religieuses qui sont vaines quand elles ne s’accompagnent pas d’un réel souci de justice sociale. On entend ici les paroles d’Osée : Car c’est la miséricorde que je veux et non le sacrifice; et la connaissance de Dieu, plutôt que les holocaustes (Os 6, 6). Et aussi celles encore plus virulentes que le prophète Amos met dans la bouche du Seigneur : (…) Quand vous me présentez des holocaustes et des offrandes, je ne les accueille pas ;(…) Éloignez de moi le tapage de vos cantiques ; que je n’entende pas la musique de vos harpes. Mais que le droit jaillisse comme une source, la justice, comme un torrent qui ne tarit jamais ! (…) (Am 5, 21-25)
En ajoutant un commentaire judicieux, le scribe se montre proche de l’énoncé de mission de Jésus : Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin de médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs (Mc 2, 17). Il n’est pas loin du royaume de Dieu. Il n’est pas loin de mettre sa foi en Jésus, de confier sa vie à Jésus qui incarne en lui-même ce monde nouveau de Dieu où l’amour du prochain va de pair avec l’amour de Dieu.
Source : Le Feuillet biblique, no 2361. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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Chronique précédente :
La foi et la rencontre du Christ
14- La foi du « bon » malfaiteur (Luc 23, 33-43)
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