(photo : Wesual Click / Unsplash)

Le sabbat institué pour l’homme

Roland BugnonRoland Bugnon, CSSP | 2 avril 2018

Début de la série : Du débat sur le sabbat à la relation à Dieu

Jésus réagit à l’accusation des scribes et pharisiens. La question soulevée est trop importante pour l’ignorer. Il commence par rappeler certains faits que l’on trouve dans la Bible. Utilisant un type d’arguments fréquent dans les Écritures. Il cite l’exemple de David qui n’hésite pas à transgresser les règles de la Loi et qui, pour manger lui et ses hommes, prend dans le temple les pains des offrandes réservés aux seuls prêtres. Puis il conclut par une phrase lapidaire que tous les juges, magistrats, policiers et politiciens devraient graver au plus profond de leur cœur : « Le sabbat a été fait pour l’homme, et non pas l’homme pour le sabbat. » Autrement dit, une loi religieuse ou civile est donnée ou élaborée pour être au service de la vie. Elle n’est pas une contrainte à laquelle l’être humain doit se soumettre sans condition. Elle ouvre un chemin de vie et de liberté.

Du rituel à l’amour

Il me semble très important de rester sur cette formule lapidaire de Jésus, tellement elle va à l’encontre d’une pratique que l’on retrouve plus ou moins dans toutes les religions. Pour organiser le culte que l’on veut rendre à la divinité, on fixe des rituels qui codifient les pratiques utilisées pour glorifier Dieu ou implorer son aide dans telle ou telle situation. Certaines perdurent depuis des siècles. Les autorités religieuses s’en font les gardiens et finissent par les sacraliser rendant alors impossible toute forme de changement. Il y a un aspect pratique qui plaît à beaucoup de fidèles. On sait ce qu’on a à faire ! Une fois le rituel accompli on estime avoir fait son devoir et l’on passe à autre chose… Il y a un peu plus de soixante ans, l’Église catholique avait fixé un catalogue des pratiques minimales et beaucoup s’en tenait à cela. Il consistait dans l’observance d’une série de devoirs à accomplir. Il a fallu tout un travail de renouveau mis en place par le concile Vatican II, pour retrouver l’intérêt et du goût pour la Parole de Dieu. L’étude du texte biblique éclairée par un immense travail d’archéologie scientifique et une meilleure connaissance des différentes cultures qui ont accompagné l’élaboration des textes de la Bible hébraïque permettent un profond renouvellement de nos connaissances. Elles redonnent une saveur nouvelle à ce qui reste pour les Juifs et les chrétiens le livre de la Parole de Dieu et nourrit la vie spirituelle de millions de personnes.

C’est dans ce cadre-là qu’il faut situer la place de cette Bonne Nouvelle que Marc entend faire connaître. Dans un monde religieux juif très fermé sur ses pratiques et de plus ou moins obsédé par l’observance stricte de la Loi mosaïque, Jésus fait sauter une série de verrous ou défait des murs que des siècles de défiances avaient érigés entre les peuples. Son unique commandement – Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ! – remet en cause toute forme de loi qui ne prend pas en compte prioritairement le bien de la personne humaine dans sa totalité. Il met une distance par rapport à un adage tel que « Dieu premier servi… » Pour lui, Dieu est véritablement servi et glorifié lorsque le frère ou la sœur est remis debout et qu’il se découvre aimé et respecté dans sa dignité. Et c’est ainsi que le lépreux, le paralytique ou Lévis le publicain ont découvert le visage du Dieu de tendresse dans les gestes pleins d’amour et d’humanité posés par Jésus.

Jésus ne rejette pas la Loi, mais la situe autrement. Elle est au service l’humain, sinon elle perd toute valeur à ses yeux. On touche ici un point central de son enseignement, qui vaut autant pour les chrétiens que les croyants d’autres religions. Même si une religion comporte un ensemble de pratiques qui ont leur légitimité, l’essentiel n’est pas dans la quantité de pratiques réalisées ni dans la capacité à vivre tous les commandements, mais dans la relation de liberté et d’amour qui se noue avec Dieu et dans celle que l’être humain entretient avec son prochain.

Prière

Seigneur, tu sais combien la religion chrétienne a elle aussi été contaminée par ce type de pharisaïsme qui finit par faire croire que l’on peut « acheter son salut » à travers des actes de donation, l’accomplissement de multiples pèlerinages ou le trafic d’indulgences qu’un homme comme Luther a dénoncé, il y a 500 ans. Malheureusement il ne rencontra qu’un refus qui se trouva à l’origine de la deuxième grande déchirure de l’Église, la Réforme. Donne-nous de nous souvenir que seule ta Parole peut guider nos pas et de ne jamais oublier que c’est ton seul amour qui peut nous ouvrir les chemins de la vie véritable, pour autant que nous t’ouvrions nos cœurs dans la foi ou la pleine confiance. Ton amour, Seigneur, ne s’achète pas. Il s’accueille dans la réciprocité du don.

Prêtre spiritain, Roland Bugnon est l’auteur de Voyage de Marc en Galilée : récit imaginaire et romancé de la naissance d'un livre (Saint-Augustin, 2013).

Caravane

La lampe de ma vie

Les événements de la vie nous confrontent et suscitent des questions. Si la Bible n’a pas la réponse à toutes nos questions, telle une lampe, elle éclaire nos existences et nous offre un certain nombre de repères.