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La lampe de ma vie
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chronique du 11 avril 2014

 

Les prédestinés des épîtres aux Romains et aux Éphésiens

Auguestin d'Hippone

Augustin d’Hippone
Fresque
Palais du Latran, Rome

QuestionJ’aimerais mieux comprendre la « prédestination » en particulier dans la lettre aux Romains et dans celle aux Éphésiens. Est-ce que Dieu a déjà choisi d’avance ceux qui sont sauvés? (René)

RéponseAvouons, pour commencer, que l’idée de « prédestination » possède une longue histoire et suscitera de nombreuses querelles théologiques, au long des siècles. Elle commence à la fin du IVe, entre Augustin d’Hippone et le moine Pélage. Tout tourne autour du « salut de l’homme ». Pélage évoque le rôle de la volonté humaine pour être sauvé, alors qu’Augustin met en avant la place essentielle de la grâce divine. Pour en finir avec la longue polémique menée avec les disciples de Pélage, Augustin met au point un système antipélagien radical, où il réservait le salut à une communauté choisie par la grâce divine de toute éternité.

     La polémique va continuer au cours des siècles suivants, mais l’Église catholique refusera toujours l’idée de prédestination au mal et à la damnation. Le concile d’Orange de 529, affirme avec force : « Nous croyons aussi, selon la foi catholique, qu’après avoir reçu la grâce par le baptême tous les baptisés peuvent et doivent accomplir, avec l’aide et la coopération du Christ, tout ce qui concerne le salut de leur âme, s’ils veulent fidèlement y travailler. Non seulement nous ne croyons pas que certains hommes soient prédestinés au mal par la puissance divine, mais s’il était des gens qui veuillent croire une telle horreur, nous leur disons avec toute notre réprobation : anathème! »

     Tout aurait pu s’arrêter là, mais l’histoire connaît des moments de fureur, de violence, de maladie. Avec les massacres et les épidémies de peste, la mort rôde partout. La peur de l’enfer habite les esprits des femmes et des hommes qui vivent durant les XIVe, XVe et XVIe siècles. C’est le début de la Réforme luthérienne et l’idée que l’on peut « acheter son salut » en amassant des indulgences, répugne aux théologiens de la Réforme. Pour souligner fortement que seule la grâce peut sauver, Calvin remet au goût du jour la théorie de la prédestination et limite le nombre des élus. Du côté catholique, le jansénisme prendra une voie similaire. Certaines Églises nées de la réforme fixent le nombre des élus à 144 000, en reprenant ce chiffre dans le livre de l’Apocalypse (14,4-5), oubliant dans leur lecture du texte, « la foule innombrable de ceux qui seront sauvés ».

     Avec l’avènement de l’homme moderne, la question ne peut plus être posée de la même manière. L’être humain prend conscience de sa liberté et du rôle joué par sa volonté dans ce qu’il est, ou peut, devenir. Il veut décider lui-même de son destin et refuse d’en être la victime. De plus, de nouvelles questions apparaissent. Comment imaginer un salut réservé aux seuls baptisés, dans un monde ouvert à la diversité culturelle et religieuse? Comment imaginer un Dieu prédestinant à l’enfer des milliards d’hommes, de femmes et d’enfants qui ne sont pas nés dans des pays chrétiens? La question du salut sera ouverte par le concile Vatican II qui change le regard de l’Église sur les églises chrétiennes d’autres confessions et les religions non chrétiennes. Pour le concile tout homme peut être sauvé dans la mesure où il suit les injonctions de sa conscience. Cela signifie : pas de prédestination vue comme une décision arbitraire de Dieu du nombre des élus! Le salut de l’humain est étroitement lié à ses propres choix de vie et aux décisions de sa conscience. Dit autrement : Dieu offre gratuitement son amour, sa vie, son pardon (le salut) à tout être humain, mais ce don doit être accueilli dans la liberté de l’amour.

Et les Lettres de Paul?

« Ceux que d’avance il a connus, il les a aussi prédestinés à être conformes à l’image de son Fils, afin que celui-ci soit le premier-né d’une multitude de frères; ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés; ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés; et ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés. » (Rm 8, 29-30)

« Il nous a prédestiné à être pour lui des fils adoptifs par Jésus Christ; ainsi l’a voulu sa bienveillance… En lui aussi, nous avons reçu notre part : suivant le projet de celui qui mène tout au gré de sa volonté : nous avons été prédestinés pour être à la louange de sa gloire ceux qui ont d’avance espéré dans le Christ. » (Ep 1, 5.11-12)

     Éclairons davantage cette question du salut offert par Dieu à l’humain en élargissant la perspective. Les deux citations de Paul ne doivent pas être prises dans un sens restrictif, mais remises dans le contexte plus général de la Bible. Le mot « prédestiné » n’a pas la signification durcie qu’il prend, plus tard, dans un contexte très polémique. L’apôtre s’adresse à ses frères dans la foi et leur rappelle qu’ils sont appelés ou destinés « à être des fils adoptifs » ou encore « à partager la gloire de Jésus Christ ». Cette perspective est pour Paul essentielle! Elle fonde la foi du disciple en lui rappelant ce vers quoi il est en marche. Elle ouvre la possibilité d’espérer. Dans les difficultés auxquelles il doit faire face, le croyant sait que Dieu l’accompagne et, comme pour Jésus sur la croix, il lui ouvrira les portes de la gloire ou la vie en plénitude. L’expression n’a plus rien à voir avec la vision pessimiste de l’époque pour laquelle nul ne peut échapper au destin qui est le sien, comme si tout était joué d’avance.

Roland Bugnon

Suite de l'article :
Les évangiles et la question de la prédestination

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Sexualité, mariage et Bible

 

 

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