chronique du 24 septembre 2010
|
|||||
Que penser des miracles ?Que pensez-vous réellement des miracles? Est-ce que les apôtres en ont réellement accomplis tels que nous les transmettent les Actes des apôtres? Est-ce qu’il y a encore des miracles? (Roddy, République démocratique du Congo) Permettez-moi d’abord de réagir à vos questions. L’insistance avec laquelle vous utilisez le mot « réellement » me fait penser que vous avez des doutes sur la possibilité même du miracle. Je peux le comprendre. À une époque où l’explication scientifique prend résolument le pas sur les anciennes formes d’explication religieuse du monde, il devient effectivement difficile de croire en tout ce merveilleux que rapporte le texte biblique. En même temps, vous souhaitez une opinion personnelle sur la question. Sans parler de Jésus et des miracles relatés dans les évangiles, vous vous interrogez sur les miracles que l’on attribue aux apôtres dans le livre des Actes. Procédons par étapes! Quel sens donner au mot « miracle »?L’encyclopédie libre Wikipédia de Google en donne plusieurs : Il y a d’abord le sens proprement religieux chrétien : « C'est un fait prodigieux d'ordre surnaturel survenant dans un contexte religieux qui manifeste une intervention spéciale et gratuite de Dieu adressant aux hommes un signe sensible de sa présence dans le monde. » Ainsi en va-t-il de certaines scènes évangéliques qui montrent Jésus marchant sur les eaux, calmant la tempête ou faisant sortir Lazare de son tombeau... Au fil du temps, le mot « miracle » a pris un sens plus courant. Toujours selon la même source, « un miracle selon l'entendement commun étant à la fois mémorable, incroyable et bénéfique, on dit d’une personne qu’elle accomplit des miracles quand elle produit un haut fait, quelque chose considéré comme très difficile ». Ainsi l’abbé Pierre, mère Térésa ou sœur Emmanuelle ont accompli des miracles, tellement leur action auprès des plus pauvres, a marqué les esprits et paraît impossible à la plupart d’entre nous. Par suite d’une ultime évolution, le mot « miracle » est utilisé pour décrire une action très utile et relativement difficile. Certains changements d’attitudes, telle réussite aux examens scolaires ou toute autre réalisation inattendue tiennent du miracle, comme on le dit parfois... Qu’en est-il dans les évangiles?Remarquons, par exemple, que Jean ne parle pas de miracles, mais de « signes ». Le signe ne prouve rien par lui-même, mais peut éveiller à la foi, par l’interrogation qu’il suscite dans le cœur de celui qui en est le témoin. Comme je l’ai déjà écrit dans mon article sur le signe de Jonas, Jésus appelle ses adversaires à écouter d'abord sa parole. C’est le seul signe qu’il cherche vraiment à donner. La soif du merveilleux et le désir de voir des miracles encore plus convaincants ne l’intéressent pas. Il veut d’abord mettre en avant une Parole et celle-ci décide en dernier ressort de son identité et de l’intérêt qu’il peut y avoir à le suivre. Les « signes » ou autres gestes ne prouvent rien à son propos. Ce sont des pistes qu’il ouvre, laissant libre, celui qui bénéficie d’une guérison, par exemple, de croire ou de ne pas croire. Ce que je pense réellement des récits de miracles...En ce qui me concerne aujourd’hui, je vis au XXIe siècle et je suis marqué, comme l’ensemble de mes contemporains par ce que l’on peut appeler la Techno-Science. L’approche du monde qui nous entoure a radicalement changé. Les scientifiques décrivent de manière convaincante l’origine du monde et l’évolution qui s’est faite durant les milliards d’années. Ils nous font connaître l’infiniment grand et l’infiniment petit. Pour expliquer les grands phénomènes de la nature, on n’a plus besoin de Dieu. Les sciences offrent des explications convaincantes, ce qui ne m’empêche pas, en écoutant le discours scientifique, de continuer à me poser la question du sens de ce monde dans lequel j’habite et de tout ce que la Science nous permet de comprendre et de découvrir. Ceci posé, pour que tout soit clair entre nous, revenons à la question de départ. À l’époque où sont rédigés les textes du Nouveau Testament, la compréhension du monde est celle qui va prédominer jusqu’à la Renaissance. Pour tout ce que l’on ne parvient pas à expliquer, on recourt à Dieu et le langage, dans l’ensemble du bassin méditerranéen, utilise des procédés littéraires particuliers. Pour expliquer le monde, on raconte une histoire – un mythe d’origine – comme on le trouve au début du livre de la Genèse. On ne se gêne pas alors d’utiliser les récits des autres, quitte à en changer le sens en fonction de l’aspect que l’on veut souligner. Pour rendre attentif le lecteur au caractère exceptionnel d’une personne, on utilise le merveilleux qui vient enrober les récits de naissance, des épisodes de sa vie ou souligner des exploits particuliers... Les récits de miracles appartiennent à ce genre littéraire ou ce langage. L’important n’est pas à chercher dans son contenu extraordinaire, mais dans le sens que l’auteur veut mettre en valeur. Chaque récit de miracle est à décrypter en fonction des images et des symboles utilisés et des textes auxquels il se réfère. Prenons deux exemples. Lorsque, dans l’Exode, l’auteur raconte le passage de la mer Rouge, il le fait en utilisant le genre littéraire de tous les récits épiques. Les exploits du héros sont magnifiés en terme grandiloquents : « Il a jeté à l’eau, cheval et cavalier. » C’est parce que Dieu est intervenu et l’a pris sous sa protection que le peuple d’Israël a pu gagner sa liberté et se constituer comme peuple. Quant à la manière dont tout s’est passé exactement, personne ne peut le dire. Le récit est un poème épique qui marque l’imaginaire et rassemble un peuple dans la foi en son Dieu sauveur. Autre exemple. Dans l’évangile de Matthieu 11,2-6, on peut lire la question que Jean le Baptiste fait poser à Jésus : « Es-tu ce lui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre? » Tout comme beaucoup d’autres, Jean aimerait bien savoir si Jésus est vraiment le Messie. Jésus répond : « Allez dire à Jean ce que vous entendez et voyez : Les aveugles retrouvent la vue et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. » Jésus cite un texte d’Isaïe qui annonce les signes qui marqueront la venue du Messie. Celui qui en est témoin ne verra que des signes à partir desquels il peut se décider de croire en lui ou de s’en désintéresser. Jésus ne fait pas de miracle pour épater la galerie. Ses gestes interpellent et invitent le témoin à prendre position. Rien de plus. Et si l’évangéliste éprouve le besoin de faire des mises en scène particulièrement spectaculaires, c’est pour avertir le lecteur et lui dire : Dieu est à l’œuvre en Jésus. Et dans les Actes des Apôtres?Effectivement, Pierre et Paul y sont montrés accomplissant des guérisons à la manière de Jésus. L’auteur utilise encore une fois un procédé littéraire, courant à l’époque, qui nous dit tout simplement que l’œuvre de Jésus ne s’est pas terminée le jour de l’Ascension, mais qu’elle continue à travers les disciples qui annoncent sa parole ou la Bonne Nouvelle aux pauvres. Nous, aujourd’hui ?Et l’on peut ajouter, en réponse à la dernière question, que cette œuvre se poursuit à travers toutes celles et tous ceux qui ont repris le flambeau de la Parole et qui, par leur actions, remettent des gens debout, aident des aveugles à voir, s’occupent de lépreux ou de sidéens et redonnent leurs dignités aux plus pauvres qui sont très nombreux dans notre monde. Le fait que l’action de Jésus se poursuive aujourd’hui et continue à semer la vie autour d’elle, voilà qui tient du miracle. L’Esprit du Ressuscité n’en finit pas de nous travailler ainsi que le monde qui nous entoure. Chronique
précédente : |
|||||
| Accueil | SOURCE (index) | La lampe de ma vie (index) | Vous avez des questions? | www.interbible.org
|
|||||