Jesus Homelessness Montreal. Sculpture de Timothy P. Schmalz (photo © Renaude Grégoire).
Rendre visibles celles et ceux que l’on ne veut pas voir!
Renaude Grégoire | 13 septembre 2021
Qu’on en commun les trente familles sans logis de Sherbrooke au mois d’août 2021, Agar et son fils, Moïse, Ruth et Noémi, le pauvre Lazare et l’homme taré dans les tombeaux? Ce sont toutes des personnes expérimentant le sans-abrisme, soit de manière temporaire ou de manière permanente. Ce n’est que récemment que le sans-abrisme a été reconnue au niveau mondial afin de rendre plus visible celles et ceux que l’on ne veut pas voir. Le 10 octobre est maintenant la journée internationale de l’itinérance et du sans-abrisme.
Chaque année, à l’approche du 1er juillet, plusieurs médias font état de la crise de logements au Québec et au Canada. Dans le métro de Montréal, ce n’est pas difficile de voir dormir sur un banc une personne itinérante. Au Canada, plusieurs autochtones se trouvent dans les grandes villes sans endroit où être en sécurité le jour et surtout la nuit. Cette crise peut être qualifiée de crise permanente pour certaines couches de populations plus vulnérables.
En République dominicaine, 5 ou 6 familles haïtiennes partagent un petit 4 ½ dans la capitale Santo Domingo, les enfants dormant dans la cuisine. Au Brésil, les occupants de terrains non utilisés vivent dans la crainte de voir les bulldozers entrés pour détruire leur toit et être chassés. D’autres ont trouvé refuge dans les camps au bord de la frontière d’un pays voisin ou ont pris le chemin de l’exil. Dans certains pays d’Asie et d’Amérique latine, des familles paient pour s’installer dans des cimetières. Alors que des étrangers n’ont pas le choix de construire leur habitation de fortune sur des terrains pollués, sur l’ordre du gouvernement.
Au niveau international, c’est seulement en février 2020 que la Commission de développement social des Nations Unies a consacré ses travaux sur le sans-abrisme. Une première pour cette organisation internationale. Cette avancée est le fruit d’un engagement de plusieurs organisations non-gouvernementales, dont UNANIMA International. Soulignons d’emblée que UNANIMA International réunit plus d’une vingtaine de communautés religieuses, dont plusieurs ont été fondées ici, engagées depuis près de 20 ans.
Un des apports de la société civile à l’ONU est d’avoir donné la voix aux personnes et aux familles expérimentant le sans-abrisme et par conséquent d’avoir mis en lumière les divers visages du sans-abrisme. Soulignons entre autres :
- Celles et ceux qui vivent dans la rue ou dans des espaces à ciel ouvert (parc, cimetière, sous les ponts, etc.)
- Celles et ceux qui se trouvent dans des refuges d’urgence, des abris temporaires, des camps de réfugiés, des motels ou hôtels en attente d’une solution, sur le sofa d’amis, etc.
- Celles et ceux qui se logent dans des habitations non adéquates et des lieux non sécuritaires (tentes, abris de fortune, plusieurs familles dans un lieu restreint, lieux désertiques, environnement pollué, sans eau, sans énergie comme l’électricité, lieu à risque d’inondations, etc.). N’oublions pas celles et ceux qui ne peuvent pas accéder à des habitations ou logement qui répondent à leurs besoins physiques comme les personnes handicapées et les personnes âgées.
- Celles qui sont victimes de violence conjugale, des travailleuses domestiques qui ne peuvent dormir chez leur employeur que les jours où elles travaillent, les victimes de traite humaine, d’exploitation sexuelle, d’exploitation par le travail forcé, ou qui fuit une situation de violence peu importe leur statut légal.
Et dans la Bible?
Agar et son fils ont été expulsés vers le désert avec une seule gourde d’eau. (Genèse 21,14-16)
Moïse, élévé dans un palais, est en fuite vers le pays de Madian. (Exode 2,15)
Ruth et Noémi, fuyant la famine et la mort, quittent le pays de Moab en direction de Bethléem. (Ruth 1,6-7. 18-19)
Un homme vit au milieu des tombeaux, sans vêtement et sans maison. (Luc 8,27)
La pauvre Lazare qui n’a pas seulement faim et soif : il est allongé à coté de la porte du riche. (Luc 16,20-21)
Bien avant l’article 25 de la Charte des droits de l’homme qui affirme le droit à un logement adéquat et abordable, des textes bibliques rappellent le souci que tous aient accès à un toit. Des prophètes dénoncent l’accaparement des richesses en laissant des gens sans-abri. Voici deux exemples :
La dénonciation d’Isaïe (5, 8)
« Malheur! Ceux-ci joignent maison à maison, champ à champ, jusqu’à prendre toute la place et à demeurer seuls au milieu du pays. »
L’essentiel pour Siracide (29, 21)
« L’indispensable pour vivre, c’est l’eau, le pain, le vêtement, et une maison pour s’abriter. »
Le 10 octobre prochain, comment peut-on souligner cette journée de l’itinérance et du sans-abrisme? En appuyant des organisations qui accompagnent les personnes et les familles pour améliorer leur accès à un logement adéquat et abordable ou qui offrent des logements adaptés aux personnes ayant besoin d’accompagnement spécialisé. Ou en soutenant ceux et celles qui revendiquent des logements sociaux et des environnements plus verts pour apporter de la fraicheur lors des grandes chaleurs. Mais surtout, si vous rencontrez une personne sans-abri dans la rue, tendez la main, demandez-lui comment il ou elle va! Un peu de chaleur humaine n’est jamais de trop dans notre monde qui valorise le chacun pour soi!
Renaude Grégoire est engagée dans des réseaux de justice sociale depuis une vingtaine d’années. Elle collabore à divers projets de justice sociale, de paix et de protection de l’environnement.