Caricature de Donal Trump publiée dans The Economist.
Eklektos : « Réveillez-vous »
Mario Bard | 16 septembre 2019
« Il surgira des faux messies et des faux prophètes, ils produiront des signes grandioses et des prodiges, au point d’égarer, si c’était possible, même les élus. » (Matthieu 24,24 : AELF)
« Je suis l’Élu – I’m the Chosen One ! », a déclaré le président d’à côté en pointant vers le ciel, lors de l’une de ses rencontres chaotiques et impromptues avec la presse dans les jardins de la Maison-Blanche, donnant comme nouvelle raison de son élection divine, la guerre commerciale qu’il livre présentement contre le géant chinois. Une théorie qui est reprise par certains chrétiens. Est-il vraiment l’Élu?
En lisant cette déclaration, plusieurs questions surgissent en moi. Est-ce la blague d’un homme qui joue le sarcasme de manière à démontrer plus d’intelligence qu’il n’y paraît? Est-ce que le président d’à côté est réellement l’Élu attendu pour faire le ménage d’un monde en décrépitude et qui souffre trop? Sommes-nous au seuil de la fin des temps? Toutes ces réponses à la fois?
Pour essayer d’y voir plus clair, je me suis tourné vers les Écritures et ce qu’elles disent. Après tout, s’il est vraiment l’Élu, la Bible nous donnera probablement des pistes pour trancher la question.
Écoutons
Dans la lettre aux Colossiens, la description donnée par Paul de l’élu est très claire et confirme, me semble-t-il, l’action, les paroles et la manière d’être de Ieshoua (Jésus) dans tout l’Évangile, Bonne Nouvelle.
« Puisque vous avez été choisis par Dieu, que vous êtes sanctifiés, aimés par lui, revêtez-vous de tendresse et de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience. Supportez-vous les uns les autres, et pardonnez-vous mutuellement si vous avez des reproches à vous faire. Le Seigneur vous a pardonné : faites de même. Par-dessus tout cela, ayez l’amour, qui est le lien le plus parfait. Et que, dans vos cœurs, règne la paix du Christ à laquelle vous avez été appelés, vous qui formez un seul corps. Vivez dans l’action de grâce. » (Col 3,12-15)
Cette description de l’Élu selon l’un des apôtres les plus admirés des Églises chrétiennes, Paul, est-elle celle que reflète le président d’à côté, fier d’avoir enfin découvert sa vocation?
La vocation de l’Élu n’est pas facile, je l’admets. Quel chrétien peut sincèrement dire que, tout au long de sa vie chrétienne, il a respecté sans exception tous les aspects décrits par ce passage du Nouveau Testament? Mais, la fonction de l’Élu – et du peuple élu dont il est aussi souvent question dans les écrits – est celle de marcher avec son peuple, quoi qu’il arrive. Est-ce vraiment ce que fait celui qui occupe présentement la Maison-Blanche?
Un autre passage, celui-ci prit dans le Premier Testament, éclaire aussi la manière d’être de celui qui est l’Élu. Ben Sira Le Sage, au chapitre 47, verset 22, dit ceci :
Mais le Seigneur ne renonce pas à sa miséricorde, il ne détruit aucune de ses œuvres, il ne fait pas disparaître les descendants de son élu, il ne supprime pas la postérité de qui l’a aimé. À Jacob il a donné un reste, à David, un rejeton issu de lui.
Depuis près de trois ans, les gazouillis de guerre et les avertissements à peine voilés de l’utilisation, au besoin insiste-t-il, de l’arme nucléaire lancés par le président étatsunien n’ont rien pour rassurer. En tant que nouvel Élu, détruira-t-il les œuvres de son Père, dans un geste plus destructeur que celui de la Croix? Détruira-t-il ce que ses propres ancêtres ont voulu construire en partant de l’Allemagne pour s’installer en Amérique du Nord?
Tout Élu, au sens chrétien et biblique, devrait d’abord comprendre et suivre le maître qui est venu sur terre auparavant : Ieshoua de Nazareth. Il finit sur la croix, loin de l’or des roitelets qui auraient pu le sauver (Pilate et Hérode). Loin d’un palais de marbre dernier cri, Ieshoua a souffert et n’avait pas où reposer la tête, contrairement aux nouveaux pasteurs de la théologie controversée de la prospérité. Le Christ Ieshoua est mort comme il a vécu ses trois ans de vie publique : exposé et vulnérable devant la foule. L’Élu a refusé tout autre soutien que celui des hommes et des femmes qui étaient présents ce jour-là. Par amour.
Les évangélistes et le peuple de Dieu doivent tout de même avoir un peu raison, nourris qu’ils sont de leur expérience et de la Parole. De tout temps — le fait est d’ailleurs toujours extrêmement troublant — des hommes et des femmes super-riches arrivent et détruisent tout. Bien pire : quand l’élu se prend pour L’Élu, cela peut donner des régimes autoritaires et dictatoriaux. Mais, ces dernières années, cela conforte les super Églises et leurs adeptes qui peuvent enfin crier victoire. Selon eux, le luxe est un signe de bénédiction que Dieu porte sur toi. Et Ieshoua est un super héros qu’on écoute… ou pas. Un beau jouet dont on dit le nom tout en faisant le contraire de ce qu’il a fait…
Écoutons de nouveau la Parole. Un dernier extrait qui est pris dans le livre d’Isaïe.
Voici mon serviteur que je soutiens, mon élu qui a toute ma faveur. J’ai fait reposer sur lui mon esprit; aux nations, il proclamera le droit. (Is 41,1)
Et Matthieu, dans l’épisode de la transfiguration, réfère assez largement à ce même passage du livre d’Isaïe : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie : écoutez-le! (Matthieu 17,5) Certes, il n’utilise pas le mot Élu. Pourtant, Ieshoua est le bien-aimé de ce Dieu Père, que le fils ne cesse de présenter à des foules pauvres, sans santé, laissées pour compte monétairement comme psychologiquement. Délaissées également par des chefs religieux qui font peser sur elles de lourds fardeaux.
Alors Jésus s’adressa aux foules et à ses disciples, et il déclara :
« Les scribes et les pharisiens enseignent dans la chaire de Moïse. Donc, tout ce qu’ils peuvent vous dire, faites-le et observez-le. Mais n’agissez pas d’après leurs actes, car ils disent et ne font pas. Ils attachent de pesants fardeaux, difficiles à porter, et ils en chargent les épaules des gens; mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt. » (Matthieu 23, 4)
Alors, est-ce que le président d’à côté est véritablement l’Élu, tel qu’il l’a annoncé le 22 août dernier? À découvrir tous ces passages, je dirais que, s’il est élu, c’est par des hommes et des femmes qui croient encore que la richesse, la gloire, la guerre et le pouvoir sont des attributs essentiels de Dieu. Ont-ils oublié la révélation de l’Évangile? Le premier attribut d’un Élu, au sens où de nombreux prophètes et Ieshoua le professe, c’est l’amour! « Et rien d’inutile autour », comme le dit une chanson dont j’ai oublié le nom en ce beau dimanche soir d’été.
Et, à mes frères et sœurs qui se disent chrétiens et qui rêvent encore au Messie surhomme, je dirais ceci : Eklektos — Élu en grec — : « Réveillez-vous! »
Mario Bard est responsable de l’information au bureau canadien de l’Aide à l’Église en détresse (AÉD Canada).