Apparition du Christ à Marie-Madeleine. Charles de La Fosse, c. 1680-85. Huile sur toile, 81 x 65 cm. Musée de l'Hermitage, Saint-Pétersbourg (Pinterest).
Comme un long vendredi
Marie-Claude Lalonde | 21 avril 2017
La situation de nos frères et sœurs persécutés à cause de leur foi s’est grandement détériorée dans la dernière décennie. Nous estimons qu’en ce moment même, 200 millions de chrétiens -de toutes confessions - ne peuvent pratiquer leur foi librement. Cela va des embêtements administratifs, en passant par la violence et parfois jusqu’à la mort. Récemment en Égypte, deux attentats dans autant d’églises ont fait 44 morts le Dimanche des Rameaux. Les Coptes orthodoxes, la majorité chrétienne du pays, étaient visés d’autant plus que leur Pape, Tawadros II assistait à l’une des messes célébrées dans ces églises. L’état islamique (Daech) a revendiqué les attentats.
À l’été 2014, c’était au tour des Irakiens d’être chassés de Mossoul et des environs avec violence par l’état islamique. Fait important à noter, les chrétiens ne sont pas les seuls à avoir fait les frais de cette virée meurtrière en Irak. Des yézidis et de nombreux musulmans ont été visés. Les assaillants en veulent particulièrement aux non-musulmans, mais aussi aux musulmans qui ne partagent pas leurs idées. Toutes les religions étaient unies… dans la souffrance.
En Inde, en 2008, des fanatiques hindous se sont attaqués aux chrétiens de l’état de l’Orissa. Une centaine de chrétiens y ont trouvés la mort, 5000 maisons ont été détruites et environ 250 églises saccagées et brûlées.
« On a enlevé du tombeau le Seigneur et je ne sais pas où on l’a mis. »
Après tant de violence, que reste-t-il sinon l’incompréhension, la sensation de vide, la douleur. Marie de Magdala devait se sentir ainsi le Vendredi Saint; puis, comme si ce n’était pas assez, le dimanche elle découvre que le corps de Jésus n’est plus au tombeau. Incompréhension totale! Et, s’il n’y avait plus rien à espérer, et ce, malgré les paroles de Jésus?
« Ils n’avaient pas compris l’Écriture selon laquelle Jésus devait se relever d’entre les morts. »
À l’échelle humaine, toutes ces violences subies n’ont franchement aucun sens. Rien ne les justifie, rien ne les explique, sinon le péché des hommes tout aussi difficile à saisir. Dans de telles circonstances, il faut l’avouer, le plan de Dieu nous échappe complètement.
Marie de Magdala « voit Jésus qui se tenait là, mais elle ne savait pas que c’était lui. »
Nous sommes aveuglés par ces mauvais traitements faits à nos semblables en plus d’être assommés par les mauvaises nouvelles que débitent les médias à cœur de jour. Parfois, sans qu’on le voie, le plus beau de l’Homme surgit de ces difficultés. Les chrétiens de différentes confessions qui n’avaient que peu de liens se mettent à s’entraider. Des projets interreligieux naissent, des dialogues s’établissent entre les chefs religieux sauf qu’on n’en parle à peu près jamais. En fait, on relaye rarement les bonnes nouvelles. Aveuglement volontaire?
« Jésus lui dit « Marie ». Elle se retourna et lui dit « rabbouni », ce qui signifie maître. »
Cela peut paraître ironique, mais la foi se trouve renforcée chez les chrétiens confrontés aux violences interconfessionnelles. Mieux, leur foi vive nous évangélise, nous, les privilégiés de ce monde.
Lors d’un voyage en Inde pour visiter des chrétiens qui avaient été victimes de la vague de violence de 2008, j’ai appris beaucoup sur moi, ma foi et ma vision du monde. Notre foi est commune, mais nos réactions aux événements différentes. En visitant un village affecté, j’ai demandé s’ils avaient toujours la foi. La réponse ne s’est pas fait attendre, oui ils ont toujours la foi. J’ai risqué une autre question à savoir si pendant les violences ils avaient cru que Dieu les avait abandonnés. La réponse est venue encore plus vite : jamais! À ce moment précis, il fallait voir leurs regards incrédules braqués sur moi. J’avais posé une question que seule une Occidentale privilégiée pouvait poser. Chez nous, la moindre chute de neige nous donne un prétexte pour rater la messe, là-bas, ils sont prêts à tout risquer pour y aller.
J’ai poursuivi voulant savoir s’ils avaient pardonné à leurs agresseurs. Cette fois la réponse est venue plus lentement accompagnée de regards de tristesse : oui. Ils ont donné leur pardon même si cela était difficile et c’est là que j’ai compris que leur long vendredi était terminé. Au-delà de leurs pertes, ils avaient tout donné, donné par-dessus tout, par-donné. De ce pardon nait l’espoir pour le futur, l’espérance qui les habite en dépit de leur situation.
« Pour toi, va trouver mes frères et dis-leur que je monte vers mon Père qui est votre Père, vers mon Dieu qui est votre Dieu », et Marie de Magdala partit annoncer cela aux disciples.
À nous de choisir de quitter Vendredi Saint et d’entrer dans la joie et l’espérance qui nous viennent de Pâques. À nous de voir le beau dans l’inimaginable, à nous d’apprendre puisqu’à l’exemple des chrétiens persécutés, nous devons nous tenir du côté de la lumière pascale, d’avancer même si on n’y comprend rien, même si tout semble perdu d’avance. Ces chrétiens nous donnent une grande leçon de foi et d’humanité. À notre tour, monterons leur notre proximité et notre solidarité. Défendons leurs droits parce que même lorsqu’ils ne sont pas entendus, c’est dans la joie du ressuscité qu’ils crient et chantent. La résurrection, c’est se relever, se tenir debout auprès de ceux qui souffrent et de prier avec eux pour nos frères et sœurs chrétiens, hindous ou musulmans.
Marie-Claude Lalonde est directrice nationale de l’Aide à l’Église en détresse (AÉD Canada).
Note : Le texte ne fait référence qu’aux extrémistes hindous ou musulmans. Dans la majorité des situations, les chrétiens, les musulmans et les hindous cohabitent en paix.