chronique du 18 février 2011 |
|||||
En Bolivie, des femmes engendrent un nouvel ordre social
Selon Marc
En marche, femmes pauvres et marginalisées!À la fin de janvier, j’ai eu l’immense privilège d’accompagner ma collègue Annie Lafontaine lors d’une visite à des Centres de femmes de La Paz, en Bolivie dans le cadre d’un partenariat du Comité de Solidarité/Trois-Rivières et d’une organisation qui promeut la démocratisation de la santé et l’égalité entre femmes et hommes. Depuis un an, sous la présidence de M. Evo Morales, le premier autochtone élu à la tête de l’État, la Bolivie s’est dotée d’une nouvelle constitution. Dans le préambule, on parle de refonder le pays sur des bases de solidarité, de pluralisme et de justice sociale. Ces gens croient profondément qu’il est possible de bâtir un monde où le bonheur soit à la portée de tous et toutes. Pendant ce court séjour, nous avons visité des Centres de femmes de secteurs populaires. Une grande partie de celles-ci élèvent seules leurs enfants et huit femmes sur dix vivent de la violence conjugale. La situation économique de la classe travailleuse est précaire et la pauvreté règne dans ces quartiers frappés par le chômage. Notre partenaire, le Centre de promotion de la santé intégrale (CEPROSI) nous a fait connaître ses 21 Centres de femmes et son école de leadership. L’organisation accompagne aussi les femmes monoparentales et celles qui vivent de la violence familiale. Dans ces Centres, les femmes se forment, échangent expertises et expériences, réfléchissent sur leur réalité, s’éduquent et luttent pour leurs droits, tout en cherchant des moyens d’améliorer économiquement leur qualité de vie et celle de leur famille. Elles y développent — ce sont elles qui nous le racontent — une plus grande confiance en elles et s’engagent dans leur quartier, leur municipalité, leurs écoles ou dispensaires, pour que les services offerts soient respectueux, conformes aux vrais besoins et de bonne qualité. « Qui que nous soyons, de quelque race, culture ou religion, d’où que nous venions, ce qui importe avant tout, c’est comment nous nous valorisons et ce que nous apportons au bien commun. » Durant ces jours d’échanges, je ne pouvais m’empêcher de penser que le projet de Jésus était en train de se réaliser par l’effort et l’engagement de ces femmes appauvries, marginalisées et violentés qui relèvent la tête. Revisitons deux extraits évangéliques révélateurs où le prophète intègre contre toute attente deux femmes marginalisées et reconnaît leur dignité. Les histoires racontées par Marc nous montrent deux femmes aux prises avec la souffrance. La première, exclue d’Israël à cause de son impureté (pertes de sang), honteuse de son état et exploitée par les médecins, est très souffrante. Jésus se rendait alors chez Jaïre, un chef de famille et président d’assemblée, un homme important. Pourtant il interrompt sa démarche en faveur de la fille de Jaïre et s’arrête pour chercher dans la foule cette femme pauvre qui a osé « toucher » subversivement son manteau. Un geste qui rendait celui-ci impur selon les codes de pureté religieuse. Mais Jésus rejette ces traditions. La femme n’est pas impure par sa biologie! Marc souligne ici l’option prioritaire de Jésus pour les personnes appauvries et exclues dans cette foule qui le presse de tous côtés, en particulier les femmes. Le bien-être de cette femme pauvre et importune passe avant la démarche bien élevée effectuée par cet homme en autorité. Son geste audacieux lui vaut la santé et un statut de dignité : « Fille, c’est ta confiance qui t’a sauvée! » Dans la deuxième histoire, Jésus vient d’avoir une dispute avec les Pharisiens, durant laquelle il a remis en question les règles et codes de pureté qui engendrent l’exclusion. « Il déclarait pures toutes les nourritures… C’est du dedans, du cœur des humains que sort le mal. » Aussi entre-t-il se cacher dans une maison, ne voulant voir personne. Cette fois, c’est une païenne, une femme grecque de Phénicie qui le débusque. Elle n’est pas honteuse, bien au contraire. Sans égard pour l’honneur du prophète, elle ouvre la porte, entre et s’adresse à lui publiquement, chose totalement inédite et interdite par les règles sociales. Il s’agit là d’une offense grave à l’honneur. Jésus, agacé, lui rappelle son statut de non-juive, celui de chien. Les Juifs ne se mêlent pas à ces gens. Elle relève vaillamment l’insulte : « Oui, maître, mais les chiens mangent bien les miettes sous la table. » Cette femme veut la santé de son enfant, elle veut sauver la vie de sa fille. Sa bataille est pour la vie et cela lui donne de l’audace. « À cause de ta parole, va. Le mauvais souffle est sorti de ta fille. » Jésus acceptera d’être humilié pour permettre à cette femme païenne d’avoir part à la table du Royaume. La parole de cette femme a fait changer le prophète! Ce qui m’a toujours impressionné, que ce soit en dans le quartier de Bolosse en Haïti, dans les communautés quichuas des Andes, dans les grands quartiers ouvriers de Santiago du Chili ou dans les organismes communautaires du Québec, c’est cette détermination des femmes pauvres, marginalisées, frappées par toutes sortes de violences sociales et familiales, leur conviction qu’elles peuvent changer les choses. Une fois qu’elles ont relevé la tête, qu’elles ont compris qu’elles aussi étaient des êtres humains à part entière, et non des petits chiens, alors rien ne les arrête. Elles sont audacieuses, ont leur franc parlé et la ténacité nécessaire pour les grandes révolutions. Une foi qui déplace les montagnes, une parole qui remet en question les codes établis. Les femmes de Bolivie ont décidé de refonder le pays et elles entendent exercer le contrôle social nécessaire pour que les belles paroles de la Constitution soient traduites en un bien vivre pour elles et leurs familles. Si, dans les récits évangéliques, ces femmes pauvres n’ont pas de nom, aujourd’hui je sais qu’elles s’appellent Silvia, Gregoria, Josefa, Ana-Maria, Rogelia, etc. Elles nous ont révélé fièrement leurs noms et sont en train d’engendrer un monde nouveau. Elles méritent tout notre respect et notre solidarité inconditionnelle.Source: Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal. Chronique
précédente :
|
|||||
| Accueil | SOURCE (index) | Justice sociale (index) | Vous avez des questions? | www.interbible.org
|
|||||