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Justice sociale
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chronique du 12 octobre 2007
 

Des accommodements raisonnables dans l’Église?

Au mois de mai dernier, le pape Benoît XVI visitait le Brésil. Lors de sa conférence de presse dans l’avion qui l’amenait, il avait renouvelé son rejet de la théologie de la libération et sa préoccupation de voir les Églises évangéliques et pentecôtistes en pleine expansion. Je lui ai alors adressé une lettre ouverte dont voici quelques extraits.

Lettre ouverte à mon frère Benoît XVI

Je t’adresse cette lettre parce que j’ai besoin de communiquer avec le pasteur de l’Église catholique et qu’il n’existe aucun canal de communication pour te rejoindre. Je m’adresse à toi comme à un frère dans la foi et dans le sacerdoce, puisque nous avons reçu en commun la mission d’annoncer l’Évangile de Jésus à toutes les nations.

La théologie de la libération, un mélange erroné de foi et politique?

     Dans l’avion qui t’amenait au Brésil, tu as une fois de plus condamné la théologie de la libération comme un faux millénarisme et un mélange erroné entre Église et politique. J’ai été profondément choqué et blessé par tes paroles. J’avais déjà lu et relu les deux instructions que l’ex-cardinal Ratzinger avait publiées sur le sujet. On y décrit un épouvantail qui ne représente en rien mon vécu et mes convictions. Je n’ai pas eu besoin de lire Karl Marx pour découvrir l’option pour les pauvres. La Théologie de la libération, ce n’est pas une doctrine, une théorie; c’est une manière de vivre l’Évangile dans la proximité et la solidarité avec les personnes exclues, appauvries.

     Il est indécent de condamner ainsi publiquement des croyants qui ont consacré leur vie – et nous sommes des dizaines de milliers de laïcs, de religieuses, religieux, prêtres venus de partout à avoir suivi le même chemin. Être disciple de Jésus, c’est l’imiter, le suivre, agir comme il a agi. Je ne comprends pas cet acharnement et ce harcèlement à notre égard.

     … Qu’est-ce qui t’indispose tellement dans cette pratique. Est-ce si loin de ce que Jésus aurait fait dans les mêmes circonstances. Comment penses-tu que je me sente lorsque j’entends tes condamnations répétées? J’arrive comme toi à la fin de mon service ministériel et je m’attendrais à être traité avec plus de respect et d’affection de la part d’un pasteur. Mais tu me dis : « Tu n’as rien compris à l’Évangile. Tout cela c’est du marxisme! Tu es un naïf. » N’y a-t-il pas là beaucoup d’arrogance?

     … Cher Benoît, je te supplie de changer ton regard. Tu n’as pas l’exclusivité du Souffle divin; toute la communauté ecclésiale est animée par l’Esprit de Jésus. Je t’en prie, remise tes condamnations; tu seras jugé bientôt par le Seul autorisé à nous classer à droite ou à gauche, et tu sais autant que moi que c’est sur l’amour que notre jugement aura lieu.

Texte biblique : Actes des apôtres, 15

Quelques-uns, venus de Judée, enseignaient aux frères ceci : Non circoncis selon la coutume de Moïse, vous ne pourrez pas être sauvés. Paul et Barnabé l’ont largement contesté et en ont débattu. Il a alors été décidé qu’eux et quelques autres frères iraient en référer aux apôtres et aux anciens, à Jérusalem.

L’Église a pourvu à leur voyage. Ils ont traversé la Phénicie et la Samarie. Là ils ont fait le récit du retournement des autres peuples; tous les frères en étaient très joyeux

Arrivés à Jérusalem, ils sont reçus par l’Église, les apôtres et les anciens, à qui ils ont raconté comment Dieu avait agi avec eux. À ce moment des croyants d’origine pharisienne sont intervenus pour dire qu’il faillait les circoncire et leur prescrire l’observance de la loi de Moïse.

Les apôtres et les anciens se sont réunis pour délibérer de cette question. Mais, comme cela suscitait une vive controverse, Pierre s’est levé : Frères, vous savez que Dieu, il y a longtemps, a voulu que de ma bouche les autres peuples entendent la parole de l’Évangile et croient. Dieu, le connaisseur des cœurs, a témoigné pour eux en leur donnait, comme il l’a fait pour nous, le Souffle saint. Et lorsque par la foi il a purifié leur cœur, Dieu a cessé de les distinguer de nous. Pourquoi cherchez-vous à mettre Dieu à l’épreuve en chargeant les nuques des disciples d’un joug que ni nos père ni nous somme capables de porter? Nous croyons, nous, que nous sommes sauvés de la même manière qu’eux, par la faveur du Seigneur Jésus.

Toute l’assemblée s’est tue et a écouté Barnabé et Paul faire le récit de tous les signes et actes prodigieux que Dieu avait effectués chez les autres peuples par leur intermédiaire.

À la fin de leur discours, Jacques prit la parole à son tour : Frères, écoutez-moi! Syméon a raconté de quelle manière Dieu a tout d’abord, parmi les autres peuples, choisi un peuple à son nom. Et cela s’accorde avec les paroles des Prophètes…. Ce sont les paroles du Seigneur; il fait là ce qui a toujours été su. C’est pourquoi j’estime inutile de tourmenter tous ceux des autres peuples qui se tournent vers Dieu…

Le message rédigé de leur main disait : « Les frères, apôtres et anciens saluent les frères issus des autres peuples, à Antioche, en Syrie et en Cilicie. Nous avons appris que certains, originaires de chez nous, vous ont troublé par des propos qui menacent la paix de vos esprits. Ils l’ont fait sans mandat de notre part. C’est pourquoi, d’un commun accord, nous avons jugé utile de nommes des émissaires pour accompagner auprès de vous nos bien-aimés Barnabé et Paul. Ces hommes ont mis leur vie au service du nom de notre Seigneur Jésus Christ. Nous vous envoyons Judas et Silas afin qu’ils vous rapportent ces mêmes propos de vive voix. Au Souffle saint et à nous, il a paru bon de ne pas vous imposer un fardeau autre que le nécessaire : vous vous abstiendrez des viandes sacrifiées aux idoles, du sang, de la viande provenant de bétail étouffé, et de la débauche. De ces choses vous ferez bien de vous garder. Salut. »

     Pourchassés à Jérusalem après l’exécution d’Étienne, les Juifs qui avaient cru en Jésus se sont dispersés dans les pays des alentours. Certains arrivèrent à Antioche de Syrie et commencèrent à parler de Jésus aux non Juifs. Cela se faisait naturellement et les apôtres n’étaient pas au courant. Quand ils l’apprirent, ils envoyèrent Barnabé qui s’associa Paul et « ils passèrent toute l’année à travailler ensemble dans cette communauté. » La mission commençait chez les « païens »!

     De sorte que 20 ans après la mort du Christ, il y avait des communautés composées de Juifs et de non Juifs dans tout l’empire Romain. Elles accueillaient cette bonne nouvelle avec joie car la foi en Jésus leur donnait accès directement au Dieu d’Abraham sans le lourd fardeau des rituels et les lois propres aux Juifs, en particulier la circoncision.

     L’Église se divisa fortement; les « conservateurs » voulaient à tout prix que ces « païens » se convertissent au judaïsme avec toutes les exigences qui y sont attachées. Les missionnaires Paul et Barnabé eurent un rôle clé au concile de Jérusalem et Pierre trancha en faveur de l’entrée des « non Juifs » dans l’Église. Mais il fallait coexister et cela n’allait pas être facile. Alors Jacques, du côté des « conservateurs » proposa un accommodement raisonnable qui fut accepté par tous. On n’imposerait pas la circoncision aux non Juifs, mais ces derniers devront se tenir à l’écart des idoles, de la débauche, de la viande étouffée et du sang.

     Plus tard, Pierre aura un comportement ambigu et incohérent et Paul le reprendra publiquement. Lui qui, lors du concile, avait pris position pour l’entrée des païens dans l’Église, se trouvait à Antioche et frayait librement avec les croyants et croyantes non-juifs sans se faire de problème. Arrivèrent des personnes de Jérusalem qui étaient liées à Jacques. Pierre eut peur de leurs critiques et s’éloigna des païens, ce qui entraîna d’autres Juifs, y compris Barnabé. Les « païens » se trouvaient ainsi marginalisés et considérés de seconde catégorie dans la communauté. Paul apostropha Pierre : « Là je me suis opposé à lui ouvertement, car il s’était mis dans son tort. » (Épitre aux Galates, 2)

Quelques questions d’actualité

     Comme l’Église primitive à la suite du premier concile de Jérusalem, la communauté est aujourd’hui divisée sur des points précis : comment annoncer l’Évangile au monde du XXIième siècle en adaptant le message tout en étant fidèle au Souffle de Jésus? Comment respecter l’autonomie des Églises locales tout en assurant leur unité dans la grande communauté catholique. Y a-t-il des accommodements possibles en ce qui a rapport à la morale sexuelle, à l’égalité des femmes et des hommes, à l’accueil des personnes divorcées et remariées ou homosexuelles, à la communion avec les Églises réformées, orthodoxes ?

     Un durcissement de l’autorité qui condamne et impose son point de vue d’en haut risque de provoquera un désenchantement et un abandon de l’Église chez une foule de gens qui n’acceptent plus, dans une société imprégnée d’idéal démocratique, d’être considérés comme de simples « fidèles ». Toute l’Église est animée par un seul Souffle qu’on ne peut étouffer.

Claude Lacaille

Source: Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

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Étourderie irresponsable?

 

 

 

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