Un monde sans pauvreté : Agissons!

chronique du 25 novembre 2005

Un monde sans pauvreté : Agissons!

En ce début de XXIe siècle, 1,2 milliard de personnes vivent dans la pauvreté extrême, la plupart étant des femmes. Plus de 50 000 personnes meurent chaque jour de causes liées à la pauvreté. Pourtant, ces drames pourraient être évités. La pauvreté s’explique par des causes politiques et non pas naturelles, et donc son éradication nécessite des actions politiques. En 2005, plus de 70 pays ont lancé l’Action mondiale contre la pauvreté, une campagne internationale qui appelle les dirigeants du monde entier à respecter leurs engagements pour éliminer la pauvreté. La campagne québécoise « Un monde sans pauvreté : Agissons! » se joint aux campagnes canadienne et internationale et demande aux gouvernements des changements d’orientation urgents et concrets.

Texte biblique

Voyant les foules, Jésus se rendit sur la montagne.
Il s’assit, et ses disciples vinrent l’y retrouver.
De sa bouche sortirent ces mots – un enseignement :
En marche, ceux et celles qui sont à bout de souffle !
Le règne des cieux est à eux !
En marche, les éploré(e)s !
Oui, ils seront réconfortés !
En marche, les humbles !
Ils auront la terre en héritage !
En marche, les affamé(e)s et assoiffé(e)s de justice !
Ils seront comblés !
En marche, les êtres compatissants!
On aura compassion d’eux !
En marche, les cœurs purs !
Ils verront Dieu!
En marche, les faiseurs de paix !
Ils seront appelés enfants de Dieu !
En marche, les persécutés à cause de la justice !
Le règne des cieux est à eux !
…
C’est vous, le sel de la terre !
C’est vous, la lumière du monde !

Matthieu, chapitre 5, versets 1-15

Commentaire

Tout ce qui est juste doit advenir : faisons en sorte de l'accomplir ! Matthieu 3,15

Dans l’évangile de Matthieu, l’annonce commence avec la prédication de Jean. Le baptiste est présenté comme le prototype des évangélisateurs. Son message est celui de Jésus et des disciples : « Changez ! Le règne des Cieux est proche ! » Son souffle prophétique évoque Élie : « Je suis agité d’une passion furieuse pour YHVH, car les Israélites ont abandonné l’alliance. » (1 Rois 19,14) Après l’assassinat de Jean, Jésus lui rendra hommage en y confrontant pontifes et pharisiens dans le temple de Jérusalem : « Jean est allé vers vous en suivant un sentier de justice. Vous lui avez refusé votre confiance, alors que les collecteurs d’impôts et les prostituées lui ont fait confiance. » 21,32 Voici les égarés que Jean baptise et Jésus rassemble.

Le discours de Jean n’emprunte pas un langage abstrait et neutre, mais reprend le verbe direct d’Isaïe. Il invective les autorités qui l’épient : « Race de vipères! Finies les illusions! Vos sacrifices, vos sabbats, vos prières, tout cela m’écœure. La religion que je veux, c’est renvoyer libre l’opprimé, partager ton pain avec l’affamé, ramener chez toi le pauvre des rues, couvrir celui que tu vois nu. C’est ta propre chair. » (Isaïe 1,10 et 57, 6-7)

Jésus continue le ministère prophétique de Jean. « On lui amenait celles et ceux qui souffraient, qui étaient affligés de divers maux et tourments, tous, les démoniaques, les possédés du haut mal, les paralytiques, il les soignait. » (4,24) C’est à de telles foules que Jésus proclame l’annonce du règne: « En marche celles et ceux qui sont à bout de souffle, qui sont éplorés, humiliés, assoiffés de justice. » (5,3-6) Jésus, tel un nouveau MoÏse sur la montagne, redonne la tora reformulée et radicalisée, les Béatitudes.

Voyant les foules. Les trois premiers versets (5, 3.4.5) décrivent les destinataires de l’évangile, les foules nombreuses qui écoutent Jésus. Ce ne sont pas des catégories distinctes de personnes, mais de divers aspects de leur vie dont il s’agit ici: ils et elles sont à bout de souffle, affligé(e)s et humilié(e)s. Ce sont les pauvres de la terre.

En marche! en hébreu ashréi : le mot évoque la rectitude de l’homme en marche sur une route qui va droit vers IHVH, (André Chouraqui). L’évangile de Jésus s’appelle la voie, le chemin et ses disciples sont celles et ceux qui se mettent en marche sur ce chemin. Le grec a traduit par makarioi, bienheureux, mettant ainsi la dimension proactive en veilleuse.

Les pauvres en esprit, littéralement les humiliés du souffle repris au verset 5 : « Les humbles hériteront la terre; ils se délecteront d’une paix immense. » (Psaume 37, 11) Ces humbles de l’époque étaient les paysans asservis qui travaillaient la terre pour d’autres.

Jésus convoque donc à la grande marche des pauvres de la terre pour créer une terre nouvelle.

Ses disciples vinrent le retrouver. Les versets suivants, 6 à 10, décrivent les disciples qui s’approchent de Jésus sur la montagne pour y recevoir un nouvel enseignement, une nouvelle tora.

C’est la justice qui encadre la tora : les disciples sont des êtres affamés et assoiffés de justice qui subissent la persécution à cause de cette même justice. Ceux et celles qui pratiquent la justice son capables de compassion, de voir et de partager le chemin des pauvres de la terre.: « Ne devais-tu pas toi aussi être indulgent à l’égard de ton compagnon comme moi-même j’avais été indulgent avec toi? » (18,33)

Les disciples sont des faiseurs et faiseuses de paix, autrement dit, qui travaillent à bâtir une terre nouvelle, un monde nouveau. Le shalom (paix), c’est la plénitude du bonheur, c’est le règne des cieux sur terre : possession de la terre, paix entre les humains, abondance (comblés) des biens pour tous, santé, paix du cœur (consolés), manifestation de Dieu parmi nous. L’abolition de toute pauvreté, quoi!

Le cœur pur définit la spiritualité du disciple, tout le contraire des cœurs hypocrites. Droiture, vérité, authenticité, honnêteté. « Qui monte au mont de IHVH? Innocent des mains, transparent de cœur, celui qui ne porte pas son être en vanité et ne jure pas par duperie. Il porte la bénédiction de IHVH. » (Psaume 24)

La mission de l’Église de Jésus est le service des plus petits, le service de la justice : « En marche les êtres compatissants, les cœurs limpides, les conciliateurs, les justes que l’on inquiète. » (5, 7-10) L’alliance avec les pauvres est incontournable. On ne peut zapper cette exigence sans renier la foi. Un abîme existe de toute évidence entre ces assemblées populaires de Galilée et nos Églises qui se sont accommodées au système capitaliste . Aussi préfère-t-on traduire, à tort, ‘bienheureux les pauvres en esprit’, se donnant bonne conscience à l’idée que l’on pourrait bien être pauvre tout en restant ‘accros’ à l’argent. Pourtant, dans le processus de globalisation de l’économie néolibérale, la pauvreté gruge les sociétés comme un cancer et l’écart entre pauvres et riches ne cesse de s’accroître, menaçant gravement l’avenir même de la famille humaine. La lutte contre la pauvreté est au cœur du christianisme authentique.

Claude Lacaille

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