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Justice sociale
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chronique du 1er avril 2005
 

Je respire la liberté

« Je respire la liberté, ne me prive pas de cet air. »

Maintenant, c'est possible. Maintenant, si je descends dans la rue, ça fera une différence. Ma présence va compter. Aujourd'hui, si je mets un pied devant l'autre, une dimension symbolique accompagnera mon trajet. Ma marche signifiera que je suis pour la vérité…

     La ville était littéralement en ébullition. Tout le monde marchait, et on pouvait penser que ce peuple marche déjà depuis sept mille ans. Beyrouth le sait bien. Moi, je ne savais rien. On ne m'a pas appris. Je ne savais pas encore qu'il en était ainsi dans tout le pays. Le soir, ils diront à la télé qu'ils seraient venus de partout, du Nord, du Sud, de la Bekaa et par tous les moyens…

     Elle est belle la lumière du printemps, au Liban, douce et chaude, ils étaient beaux, à la manifestation, les drapeaux rouge et blanc. J'aurais aimé que vous soyez là pour voir comment le cœur d'une ville peut se remettre à battre quand moins d'un million de personnes, souvent jeunes, marchent sur la musique pleine de fougue de Ziad Boutros avec la voix de sa sœur Julia priant « je respire la liberté, ne me prive pas de cet air ».

Rita Yazigi, Beyrouth, dans Le Devoir, lundi le 21 mars 2005.

Extrait de l'évangile de Matthieu 21, 1-17

Quand ils approchèrent de Jérusalem et arrivèrent près du village de Bethfagé, sur le mont des Oliviers, Jésus envoya en avant deux des disciples : « Allez au village qui est là devant vous, leur dit-il. Vous y trouverez tout de suite une ânesse attachée et son ânon avec elle. Détachez-les et amenez-les-moi. Si l'on vous dit quelque chose, répondez : "Le Seigneur en a besoin." Et aussitôt on les laissera partir. » Cela arriva afin que se réalisent ces paroles du prophète : « Dites à la population de Sion : Regarde, ton roi vient à toi, plein de douceur, monté sur une ânesse, et sur un ânon, le petit d'une ânesse. »

     Les disciples partirent donc et firent ce que Jésus leur avait ordonné. Ils amenèrent l'ânesse et l'ânon, posèrent leurs manteaux sur eux et Jésus s'assit dessus. Une grande foule de gens étendirent leurs manteaux sur le chemin; d'autres coupaient des branches aux arbres et les mettaient sur le chemin. Les gens qui marchaient devant Jésus et ceux qui le suivaient criaient : « Gloire au Fils de David! Que Dieu bénisse celui qui vient au nom du Seigneur! Gloire à Dieu dans les cieux! » Quand Jésus entra dans Jérusalem, toute la population se mit à s'agiter. « Qui est cet homme? » demandait-on. « C'est le prophète Jésus, de Nazareth en Galilée », répondaient les gens.

     Jésus entra dans le temple et chassa tous ceux qui vendaient ou qui achetaient à cet endroit; il renversa les tables des changeurs d'argent et les sièges des vendeurs de pigeons. Puis il leur dit : « Dans les Écritures, Dieu déclare : "On appellera ma maison « maison de prière »." Mais vous, ajouta-t-il, vous en faites une caverne de voleurs! »

     Des aveugles et des boiteux s'approchèrent de Jésus dans le temple et il les guérit.

     Les chefs des prêtres et les maîtres de la loi s'indignèrent quand ils virent les actions étonnantes qu'il accomplissait et les enfants qui criaient dans le temple : « Gloire au Fils de David! »

     Ils dirent alors à Jésus : « Entends-tu ce qu'ils disent? » &emdash; « Oui, leur répondit Jésus. N'avez-vous jamais lu ce passage de l'Écriture : "Tu as fait en sorte que même des enfants et des bébés te louent"? »

     Puis il les quitta et sortit de la ville pour se rendre à Béthanie où il passa la nuit.

Commentaire

     Le récit de l'entrée de Jésus et ses disciples à Jérusalem est nettement escamoté dans la liturgie de la semaine de la passion. Facultatif, il est lu lors de la bénédiction des rameaux, un rituel devenu folklorique et sans mordant dans la vie actuelle. D'ailleurs la proclamation liturgique s'arrête là où le texte pose question; on omet le démantèlement symbolique du système du temple avec ses profiteurs corrompus et l'irruption dans le sanctuaire des rejetés et des exclus, aveugles et boiteux, à qui Jésus redonne un accès direct à Dieu. On escamote l'épisode significatif des cris de liberté exprimés par les enfants, encouragés par Jésus lui-même. Pourtant, cette avancée de Jésus sur Jérusalem avec la foule de ses disciples et cette occupation du temple de Jérusalem sera le geste qui servira de justification à son lynchage quelques jours plus tard.

     Jésus entre dans Jérusalem et pénètre au cœur du pouvoir; le sanctuaire. Les grands prêtres et le sénat y imposent au peuple des charges fiscales insupportables. Le temple est devenu une caverne de bandits. Nous sommes ici en présence d'une action directe soigneusement planifiée. Jésus est accompagné de paysans et paysannes venus de Galilée qui brandissent des palmes de victoire. Il monte un ânon, animal de charge, symbole d'un pouvoir-service et non un cheval blanc de maître arrogant. Il s'agit d'une manifestation vécue comme une fête populaire accompagnée de chants : « Liberté! Bravo à celui que Dieu nous envoie! Liberté! » Jérusalem est secouée par un séisme social.

     La foule des exclus qui se voient refuser l'accès au sanctuaire par la loi, ces maudits, ces impurs ainsi que les jeunes enfants, considérés comme des non-personnes, cette foule pénètre dans le temple pour faire un grand ménage. Jésus jette dehors acheteurs et vendeurs et renverse les tables des changeurs. Le texte utilise un verbe grec qui donnerait en français catastropher. La véritable religion de YHVH peut reprendre : plus d'exclusions dans sa Maison ! Pris aux entrailles, Jésus soigne des aveugles et des boiteux qui viennent à sa rencontre. Le Dieu d'Israël reprend ses droits, lui qui jadis s'était révélé ainsi à Moïse : « J'ai vu comment on maltraite mon peuple ; j'ai entendu les Israélites crier sous les coups de leurs oppresseurs. Oui, je connais leurs souffrances. Je suis donc venu pour les délivrer d   u pouvoir. » (Exode 3,7)

  Le néolibéralisme est une caverne de bandits. Les scandales financiers se multiplient et renversent de puissants géants. La guerre d'Irak est prétexte à l'enrichissement scandaleux par des contrats juteux à de puissantes multinationales pour la reconstruction. Au Canada, on assiste avec dégoût à l'enquête sur les commandites. L'idéologie dominante, violente et cruellement injuste, s'impose partout comme une religion idolâtrique; le profit est le seul dieu devant lequel on s'incline. La corruption est un mal endémique dans tous les pays du monde et les peuples sont soumis au pillage et au viol.

     Durant l'hiver qui vient de s'achever, les altermondialistes du monde entier ont défilé à Porto Alegre en criant qu'un autre monde est possible et en rejetant le néolibéralisme; le peuple ukrainien à vécu sa révolution démocratique en occupant la place de l'Indépendance durant un mois; les Libanais et les Libanaises ont affirmé dans les rues de Beyrouth leur désir de liberté, de paix et de souveraineté; le peuple bolivien a protesté pacifiquement dans les rues de la Paz pour que ses richesses naturelles, l'eau et le gaz, servent au développement durable de la nation et non à enrichir des multinationales étrangères. Enfin les rues du Québec sont agitées d'une marée d'étudiants en grève, solidaires et décidés, qui réclament plus de justice sociale et défendent l'éducation comme une richesse nationale et non comme un bien purement individuel.

     Le Dieu de l'exode, celui qui voit l'oppression et prend parti pour le petit, est en marche dans les rues du monde aujourd'hui. Suivons-le! Il nous conduit à la Terre Promise.

Claude Lacaille

Source: Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

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