chronique du 27 mai 2011
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La Samaritaine : une femme hors norme1Jésus et la Samaritaine Peu de textes néotestamentaires éveillent autant de passion que cette rencontre inusitée entre Jésus de Nazareth et une femme de Samarie. Comme le fait observer judicieusement Raymond Gravel, cette femme est aux prises avec une triple exclusion. D’abord, il y a le fait d’être une femme. Rappelons qu’il était interdit à un homme de parler à une femme, si elle n'était pas son épouse. En effet, les femmes demeuraient d'éternelles mineures car elles passaient de la domination du père à celle du mari. Elles étaient comptées parmi les possessions de l'homme (Ex 20,17)! En second lieu, elle fait partie du peuple samaritain [1] et en troisième lieu, elle se retrouve isolée par son statut marital ambigu. Il importe de mentionner qu’à l’extérieur de tout cadre familial patriarcal, les femmes n'existaient pas socialement [2]. Elles se retrouvaient dans une précarité extrême puisqu’elle ne possédait aucune protection. Une femme pré-jugéeL’indice de ce malaise correspond au fait qu’elle puise de l’eau à midi. À cette période de la journée, personne n’ose s’aventurer tant la chaleur apparaît accablante. Cette femme évite donc ainsi les regards embarrassés et les jugements sans appel. De même que Jésus, que pouvait-il bien faire sur une place publique à midi? Il est à remarquer que ce dernier partage en commun avec la samaritaine le fait d’être jugé et d’une certaine manière exclu des autorités compétentes! Il est possible que le Jésus johannique subissait le même type d’opprobre puisque ce dernier est associé à une moralité douteuse (Jn 8,41). Il ne s’avère alors guère surprenant que Jésus se soit montré enclin à davantage percevoir le fardeau porté par cette samaritaine. C’est pourquoi, il s’avère fascinant de constater que dans ce désert relationnel dans lequel risquent de s’enfermer tant Jésus que cette femme, ce dernier rompt le cercle de l’exclusion par une parole qui brise l’isolement de cette femme. Sa réaction : « Comment! Toi qui es Juif, tu me demandes à boire à moi qui suis une femme samaritaine? » illustre que le plus terrible jugement est celui qui est intériorisé conduisant au rejet de soi-même. En plus, cela justifie, aux yeux de la personne vulnérable, le regard destructeur de l’interlocuteur sur soi. Échappant au dialogue stérile sur l’eau matérielle et spirituelle, le Jésus johannique crée une brèche de vie en nommant la souffrance d’une femme ostracisée :
La vérité et l’authenticité au cœur d’une relation libératriceReconnue comme une personne à part entière par Jésus, cette femme peut poursuivre l'entretien sans demander la permission à quiconque. Ainsi, elle s’initie à une maturation de l’expérience spirituelle. Si dans un premier temps, elle récite à Jésus ses leçons de catéchèse (vv. 19-25), elle accède, par son désir d’être pleinement reconnue à ses propres yeux, au statut de sujet comme le laisse présager le verset 26 :
C’est ainsi que se produit le miracle de la rencontre humainement authentique :
De la rencontre, de la parole partagée au cœur de l’authenticité de l’être, a surgi un paradoxe où la samaritaine honnie, méprisée et rejetée est devenue le héraut d’une parole de vie là où des êtres humains se relèvent, font croître l'amour, l’égalité et la dignité. Comment peut-on ne pas développer l’admiration pour cette femme unique, hors norme qui a accueilli la plénitude de l’être : « Parce qu’à son contact [celui de Jésus], elle avait accédé à la lumière de sa vie, et qu’il avait simplement « dit : tout ce qu’elle avait fait », sans émettre le moindre jugement de valeur, sans éprouver le besoin de la changer, sans lui faire la leçon ni sur sa conduite ni sur ses croyances » [7]
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