Icône de l’exaltation de la Sainte-Croix (détails).
« Par ce signe, tu vaincras »
Luc Castonguay | 23 septembre 2019
Nous voici à la quatrième lecture des icônes des douze grandes fêtes orthodoxes. La plupart de ces fêtes sont célébrées dans toute la chrétienté, certaines à des dates différentes selon les Églises.
La fête de l’Exaltation de la Sainte-Croix est célébrée par les chrétiens le 14 septembre. La Croix est, pourrait-on dire, l’étendard de tous les chrétiens. Le ralliement qui symbolise la victoire de la vie sur la mort, de la rémission des péchés.
« En ce jour est exaltée la croix du Christ, ce bois vivifiant sur lequel fut suspendu en chair Celui qui rappelle tous les hommes vers lui. » [1]
Un peu d’histoire
Cette fête est la commémoration de trois moments importants pour l’Église : la découverte de la Sainte-Croix par sainte Hélène, l’anniversaire de la consécration de la basilique du Saint Sépulcre et le retour de la relique de la Croix à Jérusalem après la razzia des Perses au VIIe siècle.
La légende veut qu’au IVe siècle Constantin le Grand, la veille d’une bataille contre Maxence pour la reconquête de Rome, eut un songe dans lequel il vit une croix entourée de ces paroles « Par ce signe tu vaincras ». La victoire lui permit de régner sur tout l’empire romain et d’y établir la tolérance du christianisme. Plus tard il envoya sa mère, sainte Hélène, en pèlerinage à Jérusalem pour y retrouver l’emplacement et les vestiges de la Sainte-Croix. La relique retrouvée, il fit construire à cette emplacement la basilique de l’Anasthasis pour la conserver. La relique fut ensuite volée par les Perses lors du pillage de Jérusalem en 614 et ensuite ramenée dans la cité sainte par Héraclius, l’empereur romain qui vainquit les Perses en 628.
Un peu de technique
La mise en scène de l’icône nous amène à Jérusalem au moment de la vénération de la Sainte-Croix. À l’arrière-plan, on distingue bien la basilique de l’Anasthasis construite sur l’emplacement de la crucifixion. Et comme nous l’avons déjà décrit dans les autres articles, le drapé rouge sur le toit indique que l’évènement représenté à l’extérieur au premier plan se passe en réalité à l’intérieur de l’édifice et en présence de l’Esprit Saint.
À gauche (voir la première image) nous pouvons facilement distinguer l’empereur Constantin et sa mère, sainte Hélène. Au milieu le patriarche de Jérusalem, Macaire, vêtu de ses habits sacerdotaux élève la Croix pour son exaltation : comme la définition le dit, pour la porter au plus haut degré de gloire. Elle est d’ailleurs placée sur une petite tribune. Les personnages secondaires sont deux diacres qui officient au service en plus de quelques fidèles à droite qui assistent à la cérémonie.
Nous voyons que la Croix est vraiment le centre de l’icône. C’est autour et derrière elle et même pour elle que se déroule toute l’action écrite sur cette icône. « Voyant qu’est élevée la Croix, la création hausse la voix ô Sauveur, pour ton exaltation. La croix fut exaltée le quatorze en Sion. » [2]
Un peu de théologie
Les icônes sont toujours peintes sur bois – le cœur de l’arbre accueille l’image sainte (que nous disons être cœur à cœur) – et tout le symbolisme du travail de la planche en bois de l’icône s’appuie autour de la théologie de la Croix.
Perdu par Adam, l’accès à l’arbre de la vie fut rendu à l’homme par la mort du Christ en croix et sa résurrection. La Sainte-Croix, devenue arbre de vie, a rendu à l’homme la promesse d’une vie éternelle comme l’a si bien dit Michel Quenot : « Si la chute du premier Adam se joue autour d’un arbre symbolique, son relèvement s’accomplit par le nouvel arbre de vie qu’est la croix sur lequel fut clouée la Vie de l’univers.» [3]
L’Exaltation de la Sainte-Croix est naturellement la fête de l’exaltation du Christ rédempteur de l’humanité qui est affranchie de l’erreur, c’est-à-dire du péché. La croix guide le chrétien dans sa vie. Jésus a dit : « Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge de sa croix, et qu'il me suive. Car celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui la perdra à cause de moi la trouvera. » (Mt 16,24).
Dans cette théologie de la croix, nous retrouvons les thèmes du salut, de la victoire, de la guérison de l’âme, mais aussi de la pénitence, de la souffrance et de la mort. La croix par son axe vertical tire l’homme de la terre vers les cieux. Par son axe horizontal, elle accueille tous les hommes.
Luc Castonguay est iconographe et étudiant à la maîtrise en théologie à l’Université Laval (Québec).
[1] Michel Quenot, Les icônes des 12 grandes fêtes, Saint- Maurice, Éd. Saint-Augustin, 2004, p. 66.
[2] Hiqoumène Cyrille Bradette, De l’image à la ressemblance, Les icônes des douze fêtes majeures, 2003.
[3] Michel Quenot, Les icônes des 12 grandes fêtes, p. 66.