Léonie Bischoff visiblement fière de la sortie de l’album (photo : page Twitter de l’éditeur).
Raconter la naissance de la Bible en bédé
Sylvain Campeau | 29 octobre 2018
Naissance de la Bible
Thomas Römer et Léonie Bischoff
Bruxelles, Lombard (La petite bédéthèque des savoirs, 23), 2018, 80 p.
ISBN : 978-2-8036-7101-4
Naissance de la Bible est une bande dessinée qui raconte les origines de la Bible hébraïque (l’Ancien Testament) dans une collection originale consacrée à la vulgarisation scientifique. Le petit format rappelle celui des livres de la collection « Que sais-je? » (Presses universitaires de France) dont la collection des Éditions du Lombard dit s’inspirer.
Pour assurer la rigueur scientifique de l’album, on a fait appel au professeur Thomas Römer, spécialiste de la Bible hébraïque et excellent vulgarisateur. Ses propos ont été illustrés par une dessinatrice d’origine genevoise, Léonie Bischoff. Le tandem a réussi à produire, en seulement 80 pages, un album cohérent qui relève bien le défi d’introduire les lecteurs et les lectrices à la question de la formation de la Bible.
L’histoire est racontée sous la forme d’un dialogue entre deux personnages qui, on le devine, représentent les auteurs. Elle est introduite par une question d’actualité : La Bible est-elle un livre dangereux? L’auteur répond de manière nuancée en montrant qu’une lecture littérale ou fondamentaliste de la Bible peut effectivement être dangereuse. Mais le propos du livre est de montrer qu’une lecture éclairée de la Bible est inspirante car le Livre aborde des questions que tout le monde se pose. Et une meilleure connaissance de l’histoire de sa rédaction permet d’éviter certaines dérives dans son interprétation.
Pendant leur entretien, les deux personnages se promènent dans le domaine d’une grande institution qui contient une bibliothèque et un musée. Les propos du professeur sont souvent illustrés par des éléments iconographiques du Proche-Orient ancien, de l’art et, à quelques reprises, par des dialogues fictifs entre personnages de l’Antiquité (des exilées de Babylone par exemple).
Le professeur Römer montre comment ont été rassemblés les textes des trois grandes parties de la Bible hébraïque : la torah (ou les cinq premiers livres de la Bible), les prophètes et les écrits, la collection la moins cohérente. Ce travail d’écriture et de compilation s’est effectué sur environ sept siècles et il cherche à montrer pourquoi on a rassemblé des traditions parfois contradictoires et pourquoi certains groupes d’auteurs ont ajouté des compléments à des époques jugées critiques. Pour lui, les récits parfois racontés en deux versions et les contradictions de la Bible ne la discrédite aucunement. Au contraire, il faut y voir une volonté des auteurs de conserver une diversité de points de vue. La Bible n’est donc pas pour lui un livre dogmatique.
Le professeur montre à plusieurs reprises comment Israël se distingue des autres peuples du Proche-Orient ancien et il affirme que l’exil à Babylone, contre toute attente, a été un moment important pour la rédaction de la Bible : « L’origine de la littérature biblique se situe en grande partie à l’époque assyrienne, écrite comme des textes de résistance, comme une contre-histoire en rébellion face à la domination assyrienne. » (page 60) C’est pour cette raison qu’on y retrouve plusieurs passages qui s’inspirent de la littérature et des mythes des vainqueurs assyriens.
L’album rejoindra certainement un public intéressé par le sujet mais qui cherche une alternative aux ouvrages à la présentation plus austère. Et puisque le medium est la bande dessinée, on peut penser qu’il permettra à un nouveau public de voir la Bible comme il ne l’a peut-être jamais imaginée : une construction littéraire qui cherche à construire l’identité d’un peuple et qui continue d’influencer et d’inspirer nos contemporains à cause des grandes questions qu’elle aborde et qui continuent de nous habiter.
Diplômé de l’Université de Montréal, Sylvain Campeau est bibliste et responsable de la rédaction.