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Bible et culture
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chronique du 13 mai 2016

 

Le jeune messie : une enfance éprouvante

Le jeune messie

Bande-annonce : Le jeune messie

Adaptation pour le grand écran d’un roman d’Anne Rice (Christ the Lord – Out of Egypt, 2005), le film Le jeune messie est arrivé dans nos salles deux semaines avant le Vendredi saint. Au départ, il procédait d’un pari risqué : comment réinventer l’enfance de Jésus en restant fidèle aux Évangiles, qui nous en disent si peu sur cette période de sa vie? Malheureusement, à l’instar de son inspiratrice, le réalisateur et coscénariste Cyrus Nowrasteh a emprunté largement aux évangiles apocryphes. Heureusement, en revanche, il a su mettre en valeur les questionnements intérieurs et l’évolution psychologique, tant du jeune Jésus que de ses parents et d’autres.

Le jeune messie

     Le jeune messie débute à Alexandrie, en Égypte, où Marie (Sara Lazzaro), Joseph (Vincent Walsh) et Jésus (Adam Greaves-Neal) sont réfugiés depuis sa naissance, avec le frère de Marie et sa famille. La première scène s’amorce par une plongée surélevée en travelling latéral, comme pour nous suggérer qu’on veut adopter le regard de Dieu. Notre Jésus de six ans doit alors s’extirper d’une situation délicate, même s’il n’en est nullement responsable, et devra utiliser, un peu malgré lui, ses pouvoirs exceptionnels. À ce moment, la mort en Israël d’Hérode le Grand, celui qui avait fait massacrer tous les nouveau-nés de Bethléem pour se débarrasser d’un éventuel rival, sonne pour la Sainte Famille le signal du retour en Galilée. Mais Hérode Antipas, le non moins cruel fils du premier, cultive aussi sa paranoïa, qui lui fait même imaginer des serpents dans son palais.

Le jeune messie

     De retour à Nazareth après un périple agité, Jésus veut absolument se rendre avec ses parents au Temple de Jérusalem. Là se situera l’épisode rapporté par saint Luc : Jésus épatant les docteurs du Temple (2,41-50). L’enfant n’a alors que sept ans selon le film – et non 12 comme dans l’Évangile − mais celui qui l’interprète en avait bien 10 ou 11 au moment du tournage; l’histoire paraît assez cohérente, surtout si l’on intègre toutes les étapes par lesquelles Jésus serait alors déjà passé. Le complot contre cet enfant exceptionnel enserre tout l’espace filmique. Au Temple, son dénouement temporaire est spectaculaire et bien rendu, à notre avis : on laisse une part au mystère tout en jouant sur le brassage de divers éléments naturels. 

     Le moteur central du film, toutefois, s’alimente à toutes les questions que se pose Jésus-enfant, se découvrant progressivement détenteur d’une sagesse et de pouvoirs bien particuliers. Son oncle maternel fait remarquer à son beau-frère Joseph : « Non, il n’est pas simplement un enfant, mais beaucoup plus… »  Les parents de Jésus ne savent comment réagir : « Comment parler de Dieu à celui qui est son Fils? » se demande Joseph. Au fils en question, le sien par adoption, Joseph réplique : « Tes questions d’enfant appellent des réponses d’adulte et tu es encore trop jeune pour cela. » Ses multiples interrogations provoqueront néanmoins son escapade délibérée au Temple, où veillent aussi ceux qui veulent le tuer. Ce que Jacques, le cousin de Jésus un peu plus âgé, résume en déclarant à Marie et Joseph : « Il cherche les réponses que vous refusez obstinément de lui donner. » Bref, une belle exploration à partir d’une phrase brève mais combien évocatrice : « L’enfant grandissait en âge et en sagesse devant Dieu et devant les hommes. » (Luc 2,52)

Le jeune messie

     Il faut mentionner un personnage important dans le scénario : le centurion romain Severus (Sean Bean). Il a pris une part importante au massacre des Saints innocents, à la naissance de Jésus. Le voici mandaté par Hérode Antipas pour retrouver l’enfant qui a échappé à son père six ans plus tôt et le faire taire à jamais. Sa mission, dans un contexte chaotique de rébellion bien signifié par nombre de crucifixions, le conduira au fond de lui-même. Jésus va-t-il lui échapper? Vous connaissez déjà la réponse; exercez-vous tout de même à la décrypter sur le visage de cet officier avare de mots mais aux expressions faciales si éloquentes.   

     En définitive, on se désole de voir plusieurs emprunts aux textes apocryphes (réanimation d’un oiseau et d’un adolescent morts, guérison d’au moins un adulte, etc.); comme si Jésus avait besoin de tels phénomènes pour affirmer sa divinité! Les quatre Évangiles canoniques ne proclament-ils pas le contraire d’un bout à l’autre? D’autre part, la visite de l’ange à Marie lors de l’Annonciation et le passage des Mages à Bethléem sont racontés très correctement. S’adressant à un public qui sera majoritairement de foi protestante, le film préserve le dogme de la conception virginale. Mais il ne sait pas résister à la tentation du merveilleux utilisé pour jeter de la poudre aux yeux; comme si le Diable (Rory Keenan), aussi récurrent que plus ou moins bien représenté dans le film, avait réussi à séduire ce Jésus qu’il voudrait bien voir éliminé avant son Heure. Malgré cela, le film nous conduit au cœur de la conscience de sa destinée que Jésus, pleinement homme et pleinement Dieu à la fois, a pu développer graduellement. L’essentiel est sauf, croyons-nous.

Source : Pastorale Québec volume 128, numéro 3 (avril-mai 2016).

René Tessier

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La souffrance de Job, de Jésus et des Smashing Pumpkins