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Bible et culture
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chronique du 5 décembre 2014

 

La Bible et La symphonie pastorale d’André Gide

La symphonie pastorale

Il était une fois un étudiant qui na jamais très bien su si son professeur était amoureux de lui ou sil ne faisait que lui donner des ordres.

     Lorsque le pasteur accepte de recueillir chez lui Gertrude, une pauvre enfant aveugle et abandonnée à sa sauvagerie, ce n’est, pense-t-il, pour nulle autre raison que par charité chrétienne. On sent très vite qu’il n’en est rien et que ce n’est pas non plus pour la protéger qu’il empêche son fils Jacques de la demander en mariage.

     La symphonie pastorale d’André Gide est un livre marqué par l’ambiguïté. Gertrude doit reconstruire ce qu’elle ne peut voir et les images surgissent dans sa tête, suscitées et dessinées par les sons qu’elle entend et qui la ravissent. Mais elle ne sait jamais exactement si ce qu’elle imagine est vrai. Mais peut-être ce qu’elle se représente avec émerveillement est-il plus vrai que ce que voient les autres personnages dans les paysages alpins du récit.

- Il n’y a pas de lis dans les champs.

- Alors pourquoi le Seigneur nous dit-il : « Regardez les lis des champs ? »

- Il y en avait sans doute de son temps, pour qu’il le dise ; mais les cultures des hommes les ont fait disparaître.

-  (…) Moi, quand j’écoute cette parole, je vous assure que je les vois. Je vais vous les décrire, voulez-vous? - On dirait des cloches de flammes, de grandes cloches d’azur, emplies du parfum de l’amour et que balance le vent du soir. Pourquoi me dites-vous qu’il n’y en a pas, là devant nous? Je les sens! J’en vois la prairie tout emplie. 

Il était une fois un garçon qui na jamais très bien vu quen serrant la main de sa secrète amoureuse il lui broyait les doigts.

     Et il y a les ambiguïtés du pasteur, qui raconte le récit à la première personne et dont on ne saura jamais le nom, qui a « horreur du mystère et, par principe, se refuse aux sous-entendus » et qui pourtant ne réalise que trop tard l’immense mystère et l’immense sous-entendu derrière sa « charité » pour Gertrude.

     Il y a enfin l’ambiguïté de la Bible à laquelle Jacques fait appel pour condamner son père et dans laquelle le pasteur croit trouver un message d’amour qui justifierait tout. Pour l’un, Paul est la clé de tout, pour l’autre c’est Jésus.

« mais à combien d’autres passages de l’Écriture n’est-on pas appelé à prêter double et triple sens ? (« Si ton œil… » ; multiplication des pains ; miracle aux noces de Cana, etc.) »

Il était une fois un livre, dont on na jamais vraiment su sil était billet damour ou tableau de morale, acte de soumission ou pamphlet de révolte.

     Après la lecture de La symphonie pastorale, c’est cette impression d’ambiguïté qui domine, que Jacques est dur mais parce qu’il a été privé d’amour, que le pasteur est condamnable mais qu’on ne le condamnera pas, que le monde est c
e qu’il est mais qu’il y a, imperceptiblement, le tintement des lis des champs.

« Et je vous dis en vérité que Salomon même, dans toute sa gloire, n’était pas vêtu comme l’un d’eux », dit-elle, citant les paroles du Christ, et d’entendre sa voix si mélodieuse, il me sembla que j’écoutais ces mots pour la première fois.

« Dans toute sa gloire », répéta-t-elle pensivement.

Antoine Paris

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