chronique du 6 juin 2008
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Northfork
OVNI cinématographique issue des références personnelles des frères Polish, Northfork est une fable onirique aux forts relents bibliques. Ce rêve éveillé aux frontières de la mort est servi par une distribution étonnante: James Woods, Nick Nolte, Daryl Hannah, Peter Coyote, entre autres.
Photo © 2003 Paramount Classics En 1955, Northfork, un village du Montana, est condamné à disparaître sous les eaux d’un lac suite à la construction d’un barrage. Une équipe de six agents de l’État sont chargés de faire évacuer les derniers villageois récalcitrants qui refusent de quitter leur maison. Parmi ceux-ci, un prêtre, responsable d’un orphelinat, reste auprès d’Irwin, un enfant en train de mourir.
Photo © 2003 Paramount Classics Le comité d’évacuationLes hommes chargés de l’évacuation vont par deux de maison en maison afin de convaincre les habitants de partir. Vêtus d’un long manteau noir, muni d’un pins avec des ailes, et d’un chapeau noir avec une plume blanche, ils sont à la fois des représentants de l’Etat qui font leur travail, des missionnaires qui promettent un avenir meilleur et des anges qui demandent aux habitants de s’élever afin d’être sauvés. Les évacuateurs recevront un terrain au bord du lac s’ils arrivent à faire partir soixante-cinq foyers… la récompense promise les motive, mais on découvrira qu’ils ont eux aussi de la peine à vivre ce changement, puisque l’un d’entre eux doit choisir s’il fait transférer ou non le corps de sa femme défunte du cimetière de Northfork aux rives du futur lac. Les villageoisDerrière les portes de Northfork se cachent des hommes et des femmes qui n’arrivent pas à faire le deuil de leur passé ou qui cherchent à se sauver par eux-mêmes. La première catégorie est violemment représentée par cet homme qui accueille les évacuateurs avec son fusil et qui s’est planté des clous dans les pieds pour ne pas être délogé. La seconde est illustrée par un Noé de pacotille qui s’est construit une arche, mais qui attend vainement un signe de Dieu pour s’en aller. Quant au Père Harlan, le prêtre, il reste par devoir, par fidélité et par amour pour le petit Irwin…
Photo © 2003 Paramount Classics Les angesLes évacuateurs sont des figures angéliques. Quant à Irwin, sur son lit de mort, il fait des rêves où il rencontre des personnages fabuleux nommés La Fleur, Heureux ou encore Tasse de thé. Ceux-ci, qui constituent une sorte de cirque baroque, sont à la fois les fantasmes d’Irwin, des parents de substitution et des anges qui viennent le chercher. Dans ces rêves, il va essayer de leur prouver qu’il est un ange et qu’il est de leur famille. Une méditation sur les limites et le salutNorthfork bénéficie d’une recherche esthétique soignée. On se trouve dans un rêve américain entre le western et les Incorruptibles filmé par des héritiers dignes de David Lynch ou de Terry Gilliam. Le thème central est le passage d’un état à un autre : partir, mourir, renaître. C’est la question du salut. Le décor, c’est le Montana et ces personnages très typés, mais le support de la méditation est la Bible. Quelques minutes après le début du film, nous écoutons le sermon du Père Harlan sur le Déluge. L’appel de Dieu à Abraham de quitter son pays est présent en arrière-fond. L’Exode et l’Exil sont aussi suggérés. L’histoire d’Irwin évoque l’incarnation, la mort et la résurrection. Le sujet peut paraître assez lourd, mais il est traité avec poésie, humour et tendresse. Northfork est une belle réussite tant au niveau de l’image que de l’écriture. Et je ne peux m’empêcher de citer une perle issue d’un dialogue entre deux évacuateurs, Walter et Willis, respectivement joués par James Woods et Mark Polish.
Qu’est-ce que le salut pour celui-ci, pour celui-là? Quels mots disent le salut? Quelles images, quels symboles? Savons-nous saisir les signes ou les messagers du salut quand ils sont là? Osons-nous croire à un salut? Voilà les questions que ce film nous pose tout en douceur.
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