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Propos intempestifs sur la mission
Matthieu 28, 16-20
Il y a déjà quelques semaines, nous avons célébré la fête de l’Ascension et lu la finale de l’Évangile selon saint Matthieu. On y rapporte la manifestation de Jésus ressuscité aux onze apôtres, sur une hauteur de Galilée, l’envoi en mission de par le vaste monde et la promesse du Ressuscité d’être toujours avec ses disciples.
Les onze disciples s'en allèrent en Galilée,
à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre.
Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais certains eurent des doutes.
Jésus s'approcha d'eux et leur adressa ces paroles :
« Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre.
Allez donc !
De toutes les nations faites des disciples,
baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ;
et apprenez-leur à garder tous les commandements que je vous ai donnés.
Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde. »
En préparant l’homélie, c’est le contenu de la mission qui a retenu mon attention, comme si j’avais lu le texte pour la première fois. C’est probablement à cause d’une préoccupation qui s’impose de plus en plus pour la ré-évangélisation de l’Occident déchristianisé. L’Église institution voit sa base se désintégrer comme si la maison était bâtie sur le sable. D’ailleurs un Synode des évêques sur la nouvelle évangélisation aura lieu en 2012.
Toujours est-il que l’on distingue, dans le « cahier de charge » que Jésus remet aux apôtres pour la mission, une séquence de trois étapes, ou trois dimensions nécessairement reliées les unes aux autres : faire des disciples, les baptiser et les enseigner. Dans la pratique séculaire d’une Église de chrétienté, c’est une autre séquence qui a fini par s’imposer. On procède à l’envers. On baptise largement, on enseigne (principalement des valeurs morales) et on essaie ensuite de faire des disciples. Mais le plus souvent, c’est du manque de disciples dont on se désole. À mon humble avis, l’institutionnalisation de la vie religieuse en contexte de chrétienté a fini par affadir le dynamisme contenu dans la décision de suivre Jésus Christ. Quand on parcourt le témoignage des chrétiens de l’époque du Nouveau Testament, il y a une constante dont on s’émerveille : on devient disciple et chrétien par choix, parce qu’on a été saisi par Jésus. Une fois étonné, ébranlé dans ses certitudes trop étroites, on souhaite plonger dans l’intimité divine trinitaire dont Jésus est le témoin. De cette immersion (baptismale), suivra une manière de vivre animée par l’Esprit.
On entend des personnes reprendre l’appel d’un philosophe français qu’il faut retrouver la capacité de s’indigner. Je dirais quant à moi qu’il faut retrouver la capacité de nous laisser étonner par Jésus Christ et sa parole. N’est-ce pas l’attitude de beaucoup au temps de Jésus qui étaient étonnés par son enseignement qui se distinguait de celui des scribes? Autrement dit, Jésus ne parlait pas la langue de bois des spécialistes religieux de son temps.
« Étonner », vient du latin classique attonare : frapper du tonnerre. Ce qui donne : ébranler, causer une violente commotion morale, par admiration ou par crainte; ébahir, bouleverser, émerveiller, impressionner. C’est le sens que le verbe grec thaumazein avait lui aussi.
Puisque nous sommes déjà baptisés et que nous avons appris à observer ce que Jésus a enseigné, il n’est pas trop tard pour devenir disciples de Jésus. Il faut nous laisser étonner par la qualité et la profondeur d’humanité que Jésus nous révèle. Il faut nous laisser étonner par l’ouverture spirituelle qu’il apporte à nos aspirations légitimes de quête de sens et par l’accès à la famille divine qu’il nous offre, pour que nous puissions nous accomplir pleinement dans toutes les dimensions de notre humanité.
Souhaitons une nouvelle mission d’évangélisation mais, selon moi, il faudra que l’on travaille à ce que ressuscite chez les chrétiens et les chrétiennes (dont on déplore l’éloignement, ou la sourde oreille) la capacité de s’étonner de Jésus Christ et de l’Évangile. Cela va prendre beaucoup de créativité, d’audace, de détachement des lieux communs de notre langage religieux, de confiance en l’Esprit saint.
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