chronique du 6 juillet 2010
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Une vie partagéeChaque dimanche, nous sommes invités à nous rassembler en Église pour faire eucharistie ou, comme on le dit le plus souvent, nous allons à la messe. Quant aux premières générations chrétiennes, on se réunissait dans la maison d’un membre de la communauté qui devenait par le fait même la maison de l’Église. On s’y rassemblait pour prendre le repas du Seigneur, au cours duquel on faisait mémoire du geste de la fraction du pain. Jusqu’à maintenant, j’ai utilisé quatre expressions pour parler d’un même événement mais une seule, introuvable dans les Écritures, a fini par s’imposer et éclipser toutes les autres dans le langage populaire. Vous l’aurez sans doute reconnue : il s’agit du mot «messe». Les autres par contre font référence à l’un ou l’autre geste posé par Jésus au cours de la dernière Cène. La veille de sa mort, Jésus réunit ses apôtres pour un ultime repas au cours duquel il fait eucharistie, c’est-à-dire qu’il rend grâce au Père pour l’œuvre qu’il lui a demandé d’accomplir, celle de révéler son amour à l’humanité et lui proposer son alliance. Au cours de ce repas, Jésus pose un geste fondateur : la fraction du pain en signe d’une vie partagée, et le partage de la coupe en signe de l’alliance nouvelle. Quel sens ce geste fondateur, dont Jésus demande de faire mémoire, a-t-il pour lui-même et pour nous aujourd’hui? Pour Jésus, le geste de la fraction du pain n’est pas un geste magique. Il est pour le moins étonnant que plusieurs siècles plus tard on ait discuté longuement à propos du moment exact où, dans le prononcé des paroles de la consécration par le prêtre, le pain devient corps du Christ et le vin sang du Christ. Le geste n’est pas un instantané mais le condensé de toute une vie, une vie qui a sans cesse été donnée, partagée, offerte pour la gloire de Dieu et le salut du monde. La fraction du pain est le signe d’une vie qui n’a été que nourriture pour les personnes rencontrées sur la route : nourriture de compassion et d’écoute pour les malheureux, nourriture de pardon pour les pécheurs et de confiance redonnée pour les malades, nourriture de réinsertion sociale pour les laissés pour compte, nourriture de recentrage de la religion sur l’essentiel : l’adoration de Dieu passe par le respect de la liberté intérieure et de la responsabilité de la personne. C’est donc l’existence entièrement vécue pour les autres que Jésus condense et symbolise dans la fraction du pain et la coupe partagée. En en faisant mémoire, comme Jésus a demandé de le faire, c’est la vie donnée de Jésus qui va se perpétuer et s’incarner dans nos propres vies. Pour nous, faire mémoire de la vie partagée, fractionnée, de Jésus, c’est prendre notre propre vie entre nos mains pour l’unir à celle du Christ que nous accueillons entendant la main pour la recevoir. Il y a dans le repas eucharistique plus qu’une dévotion, il y a toute la volonté de faire corps avec le Christ. Il y a quelque chose de redoutable dans l’Eucharistie, car c’est s’engager à faire de notre vie une vie partagée, offerte aux autres. Il ne faut pas oublier que le quotidien de notre vie s’ajoute au pain et au vin que l’on apporte pour que, par la puissance de l’Esprit, tout soit transfiguré en corps du Christ, en sa présence réelle offerte au monde. Comme on le dit dans une prière de la messe : « Nous qui avons communié au corps et au sang eucharistiques du Christ, puissions-nous devenir ce que nous avons reçu : le corps du Christ. »
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