chronique
du 1er mars 2005
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La passion selon Matthieu
Chaque évangéliste apporte une touche particulière au récit de la passion en fonction des accents théologiques qu'il a mis en lumière dans son uvre. Je vous propose un bref coup d'il sur trois traits caractéristiques du récit de Matthieu. Remarquons d'abord que, dès le début de l'évangile, Matthieu nous met au courant que la vie de Jésus est menacée. Hérode « cherche à faire périr » le nouveau-né Jésus, voyant déjà en lui un concurrent (2, 13.20). Les expressions « chercher » et « faire périr » reviendront ailleurs dans l'évangile. S'étant reconnus dans la parabole des vignerons homicides, les chefs « cherchent » à arrêter Jésus (21, 46). Après une guérison accomplie le jour du sabbat, les Pharisiens complotent pour le « faire périr » (12, 14). Enfin cette volonté atteint son point culminant, dans le récit de la passion, lorsque les grands prêtres et les anciens incitent la foule à faire périr Jésus (27, 20). Ainsi Matthieu fait saisir au lecteur que, du début à la fin de sa vie, Jésus a toujours été menacé de rejet. Sa condamnation apparaît comme le dernier d'une série de jugements portés contre lui par les autorités qui ne supportaient pas sa manière d'agir, son enseignement et son témoignage rendu à Dieu. Écrivant pour des chrétiens issus en majorité du judaïsme, Matthieu s'est préoccupé tout au long de l'évangile de démontrer que Jésus accomplit la Loi et les Prophètes. Il était important de souligner l'unité et la continuité de la révélation de Dieu dans l'histoire. On note le même souci dans le récit de la passion : on y découvre des citations d'accomplissement, des références aux prophètes, une évocation de la figure du Serviteur souffrant. Par exemple, au moment de son arrestation, Jésus affirme lui-même : Comment alors s'accompliraient les Ecritures d'après lesquelles il doit en être ainsi? (26, 54). On trouve aussi d'autres exemples. Le marché de Judas est mis en rapport avec les 30 deniers d'argent en Zacharie 11, 12-13 : Je leur dis alors: « Si cela vous semble bon, donnez-moi mon salaire, sinon n'en faites rien ». Ils pesèrent mon salaire: 30 sicles d'argent. Yahvé me dit : « Jette-le au fondeur, ce prix splendide auquel ils m'ont apprécié! » Je pris donc les 30 sicles d'argent et les jetai à la Maison de Yahvé, pour le fondeur. Les pièces d'argent jetées dans le champ du potier renvoient à Jérémie 19, 1-4.6.10-11 : Tu briseras cette cruche sous les yeux des gens qui t'auront accompagné et tu leur diras: Ainsi parle Yahvé Sabaot: Je vais briser ce peuple et cette ville comme on brise le vase du potier, qui ne peut plus être réparé. On enterrera à Tophèt faute de place pour enterrer (vv. 10-11). Le fiel que l'on donne à boire au lieu de la myrrhe et que Jésus goûte (absent chez Marc) accomplit le Psaume 69, 22 : Pour nourriture ils m'ont donné du poison, dans ma soif ils m'abreuvaient de vinaigre. Enfin, soulignons la cohérence de Jésus. Dans sa passion, il applique à lui-même ce qu'il demande à ses disciples, notamment dans le discours sur la montagne. Lui qui affirme que ses disciples doivent faire la volonté du Père (7, 21) et prier pour qu'elle se fasse sur terre comme au ciel (6, 10), finit par se soumettre lui-même à cette volonté au moment de l'agonie : Que ta volonté soit faite (26, 42). Lui qui interdit toute violence et invite à l'amour des ennemis (5, 38-42), il fera de vifs reproches à l'un de ses disciples qui tranche l'oreille d'un serviteur du grand prêtre (26, 52). Lui qui déclare heureux les persécutés pour la justice, se verra déclaré juste par la femme de Pilate qui en a eu la révélation dans un songe : Or, tandis qu'il siégeait au tribunal, sa femme lui fit dire : « Ne te mêle point de l'affaire de ce juste; car aujourd'hui j'ai été très affectée dans un songe à cause de lui » (27, 19).
Yves Guillemette, ptre
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