chronique
du 18 janvier 2000
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La fin du monde est à quelle heure?
Astérix et sa bande de Gaulois n'étaient pas les seuls à craindre que le ciel leur tombe sur la tête. Les Israélites, et même les premiers chrétiens, nourrissaient la même crainte. Dans des moments de crise politique et de persécution religieuse, une littérature au genre particulier gagnait en popularité. Il s'agit de la littérature apocalyptique. On en retrouve des exemples au temps de la persécution religieuse menée à grands frais par Antiochus Épiphane qui, au IIe siècle av. J.-C., voulait convertir de force les Juifs à la religion et à la culture hellénistique. À la fin du premier siècle de l'ère chrétienne, c'est au tour du pouvoir impérial romain de vouloir imposer à tous les peuples conquis la religion officielle, soit le culte de l'empereur divinisé. Les chrétiens étaient alors visés de plein fouet. Le livre de l'Apocalypse se situe dans ce contexte, à l'époque des persécutions dirigées par l'empereur Domitien, dans les année 90. Dieu est-il à l'oeuvre, oui ou non? Chaque fois qu'une telle situation de crise se présente, on fait face au risque d'un abandon de la foi à cause des pressions extérieures. Il s'agit donc de fouetter le moral des troupes et de raffermir la confiance et l'espérance en Dieu qui ne saurait abandonner son peuple. Toutefois, faut-il redoubler d'ardeur et aiguiser sa faculté de discernement pour saisir la présence divine dans l'histoire malgré les apparences qui le montrent battu en brèche. Les écrivains sacrés n'ont d'autres moyens que d'user d'images fortes, saisissantes, provocatrices, qui évoquent le combat de Dieu contre les forces du mal agissantes dans l'histoire du moment. Il arrive même que l'on reporte la lutte dans un temps passé et créer ainsi un avenir virtuel qui correspond en fait au temps contemporain. De cette manière, la victoire de Dieu dans le passé devient un gage de victoire pour aujourd'hui. On s'attend ainsi à ce que la fin des temps, que l'on a transformée en fin du monde, soit imminente. « La fin du monde est à quelle heure? », aurait-on pu se dire alors. La notion de la fin des temps, que l'on rencontre dans la tradition judéo-chrétienne, repose sur une conception linéaire de l'histoire. Ayant eu un commencement, elle aura certainement un terme. Croyant que Dieu est à l'origine, il sera présent aussi à la fin des temps. Comment cela va-t-il se faire? Tout dépend de la conception que l'on se faisait de l'univers. Comme personne n'a été témoin des origines et ne sera témoin de la fin, on ne peut que se baser sur le monde que l'on voit pour y aller de ses hypothèses. Pour faire bref, la création du monde est présentée comme une mise en ordre du chaos dans lequel se trouvaient tous les éléments de l'univers. La fin est envisagée alors comme la déconstruction de l'univers où l'humanité évolue. Le récit du déluge évoque, de manière symbolique, l'éventualité de ce retour au chaos originel. Mais Dieu se repent de sa colère et jure sur son honneur de ne plus recommencer un tel scénario. Mais dans l'esprit des hommes, on n'en est pas convaincu, surtout quand tout se met à aller mal, la plupart du temps à cause des hommes eux-mêmes. Comment alors ne pas penser que Dieu va entrer dans la bataille déclenchée par les hommes et y mettre fin en révélant sa puissance. Comme une certaine toile célèbre Dans toute littérature apocalyptique, on retrouve une conception de l'univers propre à l'époque antique. La terre est une plate-forme recouverte du voûte céleste solide à laquelle sont fixés les astres. Au-dessus de cette voûte, se trouve le ciel, la demeure de Dieu, où celui-ci siège sur son trône. Lorsque sonnera l'heure de la fin, la terre sera ébranlée et la voûte céleste, comme la toile du stade olympique, sera déchirée. Le ciel tombera alors sur la terre, entendons Dieu qui verra le plancher se dérober sous ses pieds. Ce sera alors la révélation, ou l'apocalypse, de Dieu. Le monde sera alors renouvelé puisque Dieu y exercera son règne. Ce sera la terre nouvelle et les cieux nouveaux évoqués par l'auteur de l'Apocalypse. En utilisant les deux expressions «terre» et «ciel», on veut englober par ces deux pôles extrêmes, l'ensemble de l'univers, mais aussi l'humanité et le monde divin qui seront unis de façon définitive. C'est pour quand? Depuis cette époque lointaine, notre conception de l'univers a changé grâce aux découvertes scientifiques. Conserver les images bibliques est anachronique. Toutefois, il y a encore des gens qui se demandent à quelle heure arrivera la fin du monde et en voient des signes avant-coureurs dans les cataclysmes naturels qu'ils qualifient de vision apocalyptique. N'a-t-on pas entendu cette expression lors du déluge du Saguenay, de la crise du verglas, de l'ouragan Mitch, des violents séismes, etc.? À l'échelle humaine, ces sautes d'humeur de la planète sont effroyables et destructrices. À l'échelle planétaire, elles sont plutôt minimes. Et la terre continue de tourner. Les massacres de population ont des effets destructeurs beaucoup plus menaçants. C'est à ce niveau que l'homme n'a pas encore tiré les conséquences de la première fois où le ciel est tombé sur la terre lors de l'incarnation du Fils de Dieu. Lorsque cette Bonne Nouvelle du règne de l'amour de Dieu aura atteint sa plénitude dans le coeur de l'humanité. Et comme celle-ci se renouvelle sans cesse, la Bonne Nouvelle n'a pas encore atteint le terme de sa course. Et Dieu n'a probablement pas l'intention de faire exploser la planète pour hâter l'heure de la fin. Seul l'Amour transformera le monde et les croyants ont une grande part de coresponsabilité dans cette aventure divine. Yves Guillemette, ptre Chronique
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