(Maksim Pasko / 123RF)
Manger du raisin pour faire l’expérience du pardon
Sébastien Doane | 30 octobre 2017
Je l’avoue, à l’épicerie je mange toujours un raisin avant de décider d’acheter une grappe. Si les raisins mûrs et sans pépins sont un délice, il m’arrive parfois de serrer les dents après avoir goûté un raisin un peu acide. Cette expérience qui ne date pas d’hier est utilisée dans la Bible pour réfléchir sur le pardon et la justice de Dieu.
Manger du raisin vert
Ézékiel cite un drôle de proverbe : « Ce sont les pères qui ont mangé du raisin vert, ce sont les fils qui ont les dents agacées. » (18,2) Ce dicton hébreu prend cette expérience pour montrer que la responsabilité des fautes retombait d’une génération à l’autre. Un père mange un raisin sûr, son fils en ressent les conséquences. D’ailleurs, les dix commandements transmettent aussi que les fautes des pères tombent sur leurs fils pour trois ou quatre générations (Ex 20,5).
Or, Ézéchiel n’est pas d’accord avec cette idée et ce dicton. Pour lui, seul le coupable doit subir les conséquences de son geste. Prophète en exil à Babylone, Ézéchiel fait naître l’espoir qu’Israël pourra être libéré de la faute de leurs pères. Il comprend que l’exil est une punition de Dieu au péché des pères, mais que la restauration du peuple, la vie sera possible pour la nouvelle génération.
« Par ma vie — Oracle du Seigneur Dieu — vous ne redirez plus ce dicton en Israël !... Celui qui pèche, c’est lui qui mourra ; le fils ne portera pas la faute du père ni le père la faute du fils. » (Ez 18,3.20)
Un autre prophète de l’exil, Jérémie, utilise le même symbole des raisins verts pour présenter le même point de vue : « Chacun mourra pour son propre péché, et si quelqu’un mange du raisin vert, ses propres dents en seront rongés. » (Jr 31,30) Alors que le livre de Jérémie est reconnu pour ses plaintes et lamentations, ce verset survient au début de la section de trois chapitres portant sur la restauration du peuple de Dieu. Alors que l’exil était vu comme la conséquence des péchés collectifs, la polémique autour du symbole des raisins sûrs annonce la fin des rétributions collectives et ouvre la possibilité d’une nouvelle alliance.
D’autres symboles associés aux raisins
Les raisins ont plusieurs autres fonctions symboliques dans la Bible. Le raisin écrasé au pressoir est une image utilisée par le livre des Lamentations (1,15) pour parler des massacres violents menant à l’Exil. Cette image est reprise par le livre de l’Apocalypse (19,15) pour illustrer la colère de Dieu. À l’inverse, aphrodisiaques, les gâteaux de raisins redonnent des forces à l’amant du Cantique des cantiques (2,7). Celui-ci s’exclame en voyant son amante : « Que tes seins soient aussi pour moi comme des grappes de raisin. » (Ct 7,9) Le Siracide évoque le développement de la sagesse comme des raisins qui mûrissent.
La Bible utilise des images très concrètes pour parler de théologie. Peut-être qu’on devrait s’en inspirer pour sortir des universités et des églises et parler au « vrai » monde? Quelles images contemporaines pourraient être utilisées pour parler de notre expérience de Dieu?
Au moment d’écire ce texte, Sébastien Doane était étudiant au doctorat en études bibliques (Université Laval) et responsable de la rédaction du site interBible. Il est maintenant professeur à la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Université Laval.