Imposition des Cendres. Pontifical de Guillaume Durand, Avignon, circa 1357 (Schola Sainte-Cécile).
Pénitence
Sylvain Campeau | 8 mars 2021
Latin : pænitentia, de pænitere « se repentir »
La Bible n’a pas de terme que l’on peut traduire par « pénitence » mais la démarche pour retourner vers Dieu est exprimée de diverses manières et fait même l’objet d’un rituel dans l’Ancien Testament. Le péché qui éloigne les fidèles de Dieu entraîne une démarche pénitentielle que la Bible exprime avec les verbes shuv en hébreu (se retourner ou changer de direction) ou metanoeo en grec (se convertir ou se repentir). Sans décrire le rituel de la Première alliance, je retiens deux éléments que les chrétiens ont conservé : les cendres et le jeûne.
Le vingt-quatrième jour du mois, les fils d’Israël se rassemblèrent pour un jeûne, revêtus de toile à sac et couverts de poussière. (Néhémie 9,1)
Les cendres
Se couvrir la tête de poussière ou de cendre est l’une des pratiques de ce rituel que nous reproduisons au tout début du carême, le mercredi des « cendres ». Le symbole, tel que nous le pratiquons aujourd’hui, s’est imposé tardivement dans l’Église. Pour les hébreux, il exprimait la tristesse devant le malheur (voir Jb 30,19) ou la petitesse de l’être humain devant la transcendance d’un Dieu qui se révèle à Moïse sous l’apparence d’un buisson qui ne se consume pas. Se couvrir la tête de cendre, c’est donc reconnaître son état de pécheur et s’engager sur la voie de la repentance. C’est d’ailleurs ce que nous exprimons par le rite des cendres quand nous entrons en carême et c’est pour cette raison qu’il est souvent accompagné de cette parole du Christ au début de sa prédication : « Convertissez-vous et croyez à l'Évangile. » (Mc 1,15)
Le jeûne
Chez les Israélites, la démarche pénitentielle s’accompagnait de paroles (voir les prières pénitentielles du Psautier) mais aussi de gestes comme les pleurs, les lamentations et les cris (voir Jg 20,26 ; 21,2 ; Is 15,3 ; Jl 2,17). Le geste qui retient toutefois notre attention ici est le jeûne (voir Jon 3,7), une pratique que nous avons conservée pendant le temps du carême. Le jeûne aiguise les sens et favorise la prière : son objectif est de donner faim et soif de Dieu et de sa Parole. Il ne se limite pas à un geste de pénitence mais peut être vécu comme un véritable geste de solidarité avec les plus pauvres et devenir une invitation au partage et à l’aumône.
La pénitence qui caractérise le temps du carême n’est pas une démarche strictement individuelle. Si nous la vivons en Église, c’est parce qu’elle comporte une dimension collective : « La conversion et la réconciliation que l’Église est appelée à vivre sont plus que la somme des conversions individuelles. C’est l’Église, comme corps, qui est provoqué à changer de visage et de comportement, dans un certain nombre de situations où sont en cause les comportements collectifs des chrétiens. [1] » Que ces temps de carême et de pandémie que nous vivons présentement soient un moment de discernement pour vérifier que nos pratiques sont en accord avec l’annonce de l’Évangile et le souci des plus pauvres.
Diplômé de l’Université de Montréal, Sylvain Campeau est bibliste et responsable de la rédaction.
[1] Célébrer la pénitence et la réconciliation, Rituel, Paris, Chalet-Tardy, 1991, n° 8.